Appel des démocrates chiites à « ne pas transformer la résistance en équipe de bourreaux syriens »

Après les informations sur l’engagement « jihadiste » du Hezbollah dans les combats en Syrie, aux côtés du régime, et les déclarations du chef du comité chérié du parti cheikh Mohammad Yazbeck sur la « lutte des combattants du Hezb pour la dignité des musulmans », plusieurs personnalités chiites indépendantes et démocrates assument une démarcation de plus en plus marquée à l’égard du parti de Dieu.

Le site d’information Now Lebanon a sondé l’avis de ces figures chiites démocrates, regroupées sous le nom du Rassemblement civil libanais. Interrogé sur les mises en garde adressées par des cadres de l’Armée syrienne libre contre le Hezbollah et la banlieue sud, l’uléma sayyed Hani Fahs a estimé que « l’ASL doit dompter ses réactions (...) puisqu’elle se doit de ne pas exacerber les susceptibilités confessionnelles, d’autant que la banlieue sud est habitée par des vies humaines ». Sayyed Fahs a néanmoins critiqué l’implication du Hezbollah en Syrie. « L’impression était que le Hezbollah est au service de la résistance, mais cette résistance semble transformée aujourd’hui pour être au service du parti, ce qui contredit les valeurs mêmes de la résistance, a-t-il souligné. Si l’usage des armes à l’intérieur a dévalorisé la résistance, l’intervention militaire auprès de tout régime arabe ôte à la résistance sa dimension nationaliste et islamique, et en réduit sa portée », a-t-il conclu.

Pour Mohammad Ali Mokalled, « le comportement du Hezbollah vise plutôt à protéger le parti qu’à défendre le régime syrien (...) d’autant qu’ils sentent leur fin politique proche, avec la fin du régime syrien ». « S’il existe une solution, elle doit passer par une mise en garde du Hezbollah contre le danger de son ingérence en Syrie, qui menace d’abord les chiites », a-t-il précisé.

Une implication « confuse », selon Ali al-Amine
Renchérissant sur ce point, l’ancien ministre Mohammad Abdel Hamid Beydoun a qualifié d’« inacceptable la transformation du Hezbollah en équipe de bourreaux en Syrie, ce qui porte atteinte aux relations entre chiites libanais et syriens. Nous rejetons la position actuelle du Hezbollah contre le peuple syrien ».

L’ancien ministre a fait remarquer en outre que l’ingérence du Hezbollah en Syrie est claire, et « les déclarations à ce sujet, notamment celles de cheikh Yazbeck, sont explicites (...) ». « Tous savent le lien vital entre le Hezbollah et les gardiens de la révolution » a-t-il ajouté, révélant « les propos échangés au sein des habitations dans la banlieue sud, sur des martyrs tués en Syrie et enterrés dans le secret, parfois avec des pressions exercées sur la famille pour garder le silence. » En contrepartie, à l’instar des autres figures chiites indépendantes, l’ancien ministre a stigmatisé les menaces ayant émané de certains cadres de l’ASL. Il a enfin appelé le président de la République à contraindre le Hezbollah à adhérer à la déclaration de Baabda, et a en même temps demandé au Conseil supérieur chiite de « jouer pleinement son rôle en contrant la politique du Hezbollah en Syrie, cette politique nous menant vers une guerre confessionnelle, non seulement à l’échelle de la Syrie mais de toute la région ».

Mais le commentaire du journaliste Ali al-Amine est plus nuancé. Il a appelé d’abord à « vérifier avec précision la véracité de l’ingérence du Hezbollah en Syrie, puisqu’il n’a pas déclaré jusque-là d’une manière claire et directe son intervention militaire en Syrie ». Le journaliste s’est néanmoins attardé sur les déclarations successives de cheikh Yazbeck, de cheikh Naïm Kassem puis du ministre Mohammad Fneich. Selon Ali al-Amine, cette série de déclarations trahit la confusion des propos sur une implication militaire du Hezbollah en Syrie (...) « Ce dernier est conscient de la gravité de cette information, c’est pourquoi il prend son temps avant d’exprimer une position claire », a-t-il souligné. « Ce que je dis ne dément pas l’implication du Hezbollah en Syrie, mais la nature de cette implication reste indéterminée », a-t-il précisé.
Parmi les figures chiites indépendantes, l’uléma sayyed Mohammad Hassan al-Amine, qui rejette le concept même de wilayat al-faqih, estime que « la religion est une affaire liée au divin, et le pouvoir est lié à l’homme ». Il insiste en même temps sur les valeurs chiites « qui ont toujours été celles de la justice et de la liberté ». Par conséquent, « la position chiite normale est celle qui est favorable à la révolution syrienne », a-t-il déclaré dans une interview à la revue al-Ra’i.