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Siham Tuéni : « Rien ni personne ne me fera oublier Gebran » Nada MERHI

Trois ans après l’attentat qui lui a coûté la vie en ce funeste lundi 12 décembre 2005, Gebran Tuéni continue de laisser un vide insoutenable dans la vie de tous ceux qui l’ont connu, notamment sa famille et son épouse, Siham, qui continue à « vivre mal cette période ». « Je n’arrive pas à croire que trois ans sont déjà passés, confie-t-elle. C’est comme si c’était hier. Rien n’a changé depuis. Gebran a donné sa vie pour le Liban. En suivant tout ce qui se passe, je me dis que sa mort a été vaine, et cela me rend malade. » Dans son bureau au magazine Noun, entourée des photos de son mari et de petits mots « encourageants » qu’il lui envoyait pour la « féliciter pour les changements opérés au sein du magazine », Siham Tuéni se souvient. « En quelque sorte, j’étais préparée à cet instant, souligne-t-elle. D’ailleurs, à l’ombre des circonstances qui prévalaient à l’époque, tout le monde savait que viendra le tour de Gebran, d’autant qu’il avait reçu plusieurs menaces, et que Detlev Mehlis (ancien président de la commission d’enquête internationale) l’avait prévenu et mis en garde contre une tentative d’attentat. Après l’attentat manqué contre May Chidiac, j’ai su que nous ne pouvions pas vivre normalement en tant que couple au Liban. J’avais peur pour les enfants et pour moi. Gebran était à l’étranger et il haussait le ton. J’avais peur qu’on essaie de nous faire du mal pour l’obliger à rentrer et le tuer par la suite. Je ne cessais de le lui répéter, mais il ne voulait rien entendre. Il estimait qu’il était une ligne rouge. Qu’on n’oserait pas le tuer. Sans oublier qu’il était prêt à se sacrifier pour le Liban. Il était convaincu que c’était le prix à payer pour l’indépendance du pays. À l’époque, il avait jugé que Nayla et Michèle étaient assez grandes pour poursuivre leur chemin. En ce qui me concerne, il ne cessait de me répéter que j’étais forte et que si un malheur lui arrivait, je pouvais m’occuper seule des enfants. Mais il avait tort. Sa présence aujourd’hui aurait été très importante pour les enfants et pour moi. » À chaque fois que Gebran quittait la maison, Siham Tuéni tendait l’oreille « parce que j’avais peur d’entendre le son d’une déflagration ». Le lundi 12 décembre, l’inévitable est toutefois survenu. « Lorsque j’ai entendu la déflagration, j’ai aussitôt deviné qu’on visait Gebran, dit-elle. Mes craintes se sont avérées fondées lorsqu’en essayant de le joindre sur son portable, celui-ci était fermé. En cet instant, j’ai su que ma vie avait changé. » « Ma première pensée a été pour Charif, mon fils aîné, poursuit Siham Tuéni. Il était très attaché à Gebran. Il le vénérait. Avec Gebran, il a retrouvé l’équilibre et la chaleur de la vie familiale qui lui manquaient tant. Et c’est pour Charif que j’ai voulu être forte. Je ne voulais pas qu’il s’effondre. Je voulais lui montrer que j’allais bien, même si, au fond de moi, j’étais dans un état lamentable. J’ai toujours été l’objet de critiques. Quoi que je fasse, j’allais continuer à l’être. En cette période, peu m’importait ce qu’on disait. L’important pour moi était Charif. Gabriella et Nadia n’étaient conscientes de rien. Elles n’avaient que quatre mois. Par ailleurs, je voulais aussi montrer aux assassins de Gebran que nous allions continuer à être forts. Aujourd’hui encore, je n’accorde aucune importance aux critiques. Je ne veux pas que mes filles grandissent dans une ambiance morose. Elles ont déjà perdu leur père. Je leur dois au moins de grandir heureuses. » Nadia et Gabriella ne demandent plus trop de leur père. « Maintenant, elles savent qu’il est au ciel et qu’il veille sur nous, mais qu’il ne peut pas être présent parmi nous, indique Siham Tuéni. Elles ont compris qu’il pourrait être la lune ou une étoile. En contrepartie, elles s’attachent de plus en plus à moi. Je constitue leur monde et je suis la seule personne importante dans leur vie. C’est une grande responsabilité. Par moments, je pense que Gebran aurait dû être à mes côtés pour élever les filles, d’autant que je comptais sur lui pour prendre les décisions vitales en ce qui les concerne, dans quelle école les inscrire, à titre d’exemple. Tel que je le connais, et vu son dévouement pour Nayla et Michèle, je sais qu’il a laissé un grand vide dans la vie de nos filles. Mais quelque part, je suis convaincue qu’il va m’aider et me guider pour prendre les bonnes décisions en ce qui concerne Nadia et Gabriella, ne serait-ce que par de petits signes de la vie quotidienne. » Comment Gebran Tuéni a-t-il marqué son épouse ? « Rien ni personne ne me fera oublier Gebran, répond Siham Tuéni. Au contraire, je sens qu’il me donne la force de pouvoir aller de l’avant. Gebran a tout fait par conviction et je le respecte pour cela. Il a vécu à sa manière. Je ne peux pas rester dans mon coin à me demander pourquoi il a voulu la mort et nous a laissés. Il ne l’aurait pas accepté. Il m’a appris qu’il fallait poursuivre sa vie. Il m’a appris aussi à ne pas être rancunière parce que la vie est trop courte pour dépenser de l’énergie et du temps à des choses aussi futiles. »
Trois ans après l’attentat qui lui a coûté la vie en ce funeste lundi 12 décembre 2005, Gebran Tuéni continue de laisser un vide insoutenable dans la vie de tous ceux qui l’ont connu, notamment sa famille et son épouse, Siham, qui continue à « vivre mal cette période ».
« Je n’arrive pas à croire que trois ans sont déjà passés, confie-t-elle. C’est comme si c’était...