Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, préfère attendre « quelques jours » avant de se prononcer au sujet du nouveau gouvernement, mais il estime d’emblée qu’en se fondant sur les « péripéties » qui ont accompagné la formation du cabinet, notamment pour ce qui est de la distribution des parts entre les protagonistes politiques qui ont nommé les ministres, cette équipe « semble pire que les précédentes ».
En attendant la mise sur les rails du cabinet, Samir Geagea, rangé dans le camp de l’opposition, observe de loin le mandat Aoun secoué par le mouvement de contestation et ne cache pas ses craintes de voir celui-ci plonger dans la violence, comme l’ont montré les affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre durant le week-end dernier.
Quelques heures avant la formation du cabinet, Samir Geagea avait répondu aux questions de L’Orient-Le Jour. Il a toutefois brièvement commenté par la suite la genèse de l’équipe Diab.
Quel commentaire pouvez-vous formuler concernant la formation du nouveau gouvernement ?
Au vu de sa composition et des péripéties de sa formation, ce gouvernement semble pire que les précédents. Et cet avis ne porte pas sur les personnes des nouveaux ministres. Mais le problème réside dans le fait que la majorité d’entre eux gravitent dans l’orbite des mêmes forces politiques qui ont mené le pays à la situation actuelle. Toutefois, il serait prématuré de formuler des jugements, en attendant les actions et les décisions du nouveau cabinet. Mais il s’agit d’une première impression.
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Comment voyez-vous l’évolution du mouvement de contestation, sachant qu’à un moment donné, les FL étaient accusées de le manipuler en sous-main ?
Le pouvoir en place se montre aveugle et fait la sourde oreille aux manifestants. Et c’est à cause de cette attitude que le mouvement a, malheureusement, dérapé vers la violence. Les gens ont cette réaction parce que le pouvoir agit comme si de rien n’était à l’heure où le pays a besoin de chaque seconde de travail et de productivité. Nul ne peut fabriquer de toutes pièces un mouvement populaire d’une telle ampleur. Il reste que la contestation ira crescendo au vu de la dégradation de la situation socio-économique dont en témoignent les licenciements, la variation du taux de change de la livre et les réductions de salaires, pour ne citer que ces exemples. Je crains donc de voir la contestation plonger dans la violence à cause de la conjoncture, comme l’ont montré les échauffourées au centre-ville de Beyrouth durant le week-end.
Comment répondez-vous à ceux qui vous accusent de fuir vos responsabilités envers le pays en temps de crise en décidant de vous ranger parmi les opposants ?
À l’heure actuelle et au vu de l’ampleur de la crise, je ne veux pas polémiquer avec qui que se soit. Mais je rappelle que pendant trois ans au sein de deux gouvernements, nous avons déployé de grands efforts et enregistré quelques accomplissements. Sauf que cela n’a pas épargné au pays la crise actuelle. Nous n’avons donc aucunement fui nos responsabilités. Bien au contraire. Nous les avons parfaitement assumées en claquant la porte du pouvoir et en allant vers l’opposition parce que nous estimons que cela seul est à même de sauver le pays.
Vous considérez-vous responsable de la formation d’un cabinet monochrome (pro-8 Mars), dans la mesure où le Premier ministre sortant, Saad Hariri, s’est retiré de la scène à la suite de la décision des FL de ne pas l’appuyer pour mettre sur pied une nouvelle équipe ministérielle ?
Je ne suis ni le chef de l’État ni le Premier ministre désigné. Ils sont responsables de la mise en place d’une telle équipe. Pour ce qui est de Saad Hariri, notre amitié pour lui existe toujours et est une constante. Mais notre décision a été le fruit d’une analyse politique effectuée pendant de longues réunions. À la faveur de cette réflexion, il s’est avéré qu’il n’est pas dans l’intérêt du pays, encore moins de celui de M. Hariri et même du nôtre, de nommer Saad Hariri pour former le nouveau gouvernement dans les circonstances actuelles. Preuve en est l’insistance du 8 Mars à le reconduire à son poste. Une façon de le brûler. Cela n’aurait eu aucun intérêt.
(Lire aussi : Atomes non crochus, l'éditorial de Issa GORAIEB)
Après l’échec de l’entente de Meerab entre le CPL et les FL, Saad Hariri a, à son tour, mis fin au compromis présidentiel. Que devient donc le chef de l’État, sachant qu’il a perdu le soutien des deux autres piliers du compromis ?
Je voudrais d’abord souligner que nous n’avons pas torpillé l’entente de Meerab. C’est (le chef du Courant patriotique libre) Gebran Bassil qui l’a fait quelques mois après sa conclusion, et plus précisément lors de la formation du premier gouvernement du mandat. Et c’est surtout à la lumière de notre position concernant le dossier de l’électricité (l’opposition des FL au plan qu’avait élaboré César Abi Khalil, alors ministre CPL de l’Énergie) que M. Bassil a anéanti cette entente, sachant qu’elle a été conclue avec le CPL, indépendamment de la question de la présidentielle. M. Bassil croyait que cet accord signifiait qu’il faudrait accorder une quote-part ministérielle réduite aux FL pour qu’elles soient un corollaire du CPL au sein du cabinet. Évidemment, il s’agissait d’une vision totalement erronée. Il a donc anéanti l’accord. Sur un autre registre, je crois que Saad Hariri n’a pas torpillé le compromis de 2016 de son plein gré. On l’a mis au pied du mur pour le pousser à abandonner cette entente. Quant au chef de l’État, il est encore au palais de Baabda par la seule force du Hezbollah. Il ne bénéficie même pas de l’appui du 8 Mars. Preuve en est ses rapports avec le président de la Chambre et le chef des Marada.
Qui sont aujourd’hui vos alliés les plus proches tant sur la scène locale que sur le plan international ?
Quoi qu’il arrive, nous conservons nos rapports avec le courant du Futur, qui n’iront jamais en deça d’un certain seuil. Ainsi, nos rapports avec Saad Hariri sont aujourd’hui bons en dépit du fait que nous ne l’avions pas nommé pour former le gouvernement. Et quelles que soient nos divergences avec le Futur et le Parti socialiste progressiste, notre alliance demeure.
Sur le plan international, nous avons un large réseau de relations aussi bien en Orient – les pays du Golfe – qu’en Occident.
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commentaires (18)
Vous êtes tous des ignorants politiques. Mais c'est pas grave car votre logique 14 vs. 8 est caduque et ne prendra plus. Vous ne voyez les problemes que sous le prisme du Hezb et du CPL alors que le problème du Liban datent de bien avant l'accession de Aoun ou du CPL au pouvoir. Vous ne pouvez pas concevoir que le problème est structurel, constitutionnel et confessionnel. Le Hezb était l'allié de Joumblatt, Hariri et Berri bien avant Aoun. A cette époque, tout allait bien... on a laissé le pays se faire derober sous vos yeux bienveillants mais les "éléments de langages" et le marketing de ses personnes se présentant comme des "souverainistes" (LOL) a convaincu vos esprits naïfs... retourner dans les salons et les dîners de gala (s'il en reste) et laissez les grands parler géopolitique et politique interieure
Bou Abdou Steeve
16 h 41, le 23 janvier 2020