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Économie - Conjoncture

La Banque mondiale constate une faible reprise de l’activité

Dans son dernier rapport sur l'économie du pays, l'institution prend notamment acte d'une mutation du rôle économique joué par les réfugiés syriens.

De gauche à droite : Ferid Belhaj, directeur du département du Moyen-Orient à la BM ; Wissam Haraké, économiste à la BM ; Youssef el-Khalil, directeur éxecutif du département des opérations financières à la BDL, et Ibrahim Jamali, professeur à l’AUB. Photo K.O.

« L'élection d'un nouveau président de la République est un signal très positif pour l'économie, mais la formation d'un nouveau gouvernement est vitale pour l'adoption des nombreuses réformes restées en suspens durant les deux ans de paralysie institutionnelle », lancent d'emblée les rédacteurs de la dernière édition du rapport semestriel de la Banque mondiale (BM) sur l'économie libanaise, présenté hier lors d'une conférence à l'Université américaine de Beyrouth (AUB). Une observation non présente dans le document, rédigé avant l'élection de Michel Aoun à la présidence de la République le 31 octobre.

Reprise de certains moteurs
Observant une reprise de l'activité économique durant le premier semestre 2016, la BM a maintenu sa prévision de croissance du PIB libanais pour 2016 à 1,8 %, contre 1,3 % estimé pour 2015.
Un regain d'activité dû notamment à la reprise de certains moteurs traditionnels de de l'économie libanaise, comme les secteurs de la construction et du tourisme. « Durant la première moitié de 2016, le secteur de la construction a rebondi : les permis de construction et les livraisons de ciment ont respectivement augmenté de 6,5 et de 9,9 %, par rapport à la même période de l'année dernière », note le rapport de la BM, qui souligne que « les prêts (subventionnés) destinés au secteur privé de la Banque du Liban la BDL ont aidé à soutenir la demande, particulièrement pour le secteur foncier. » Au premier semestre, le secteur touristique a pu quant à lui compter sur une hausse de 7,7 % du nombre de touristes en glissement annuel, malgré une légère baisse de 1,2 point de pourcentage du taux d'occupation des hôtels, « ce qui suggère que les visiteurs additionnels sont en majorité des Libanais expatriés », indique la BM.

La demande a également été soutenue par la hausse des dépenses publiques (hors service de la dette), qui ont augmenté de 7,4 % en glissement annuel, à fin avril. La BM précise toutefois qu'il s'agit d'une hausse ponctuelle due au transfert d'un montant de 502,1 millions de dollars d'arriérés aux municipalités, représentant leurs parts (10 %) des recettes de la téléphonie mobile. « Les comptes des municipalités n'étant pas transparents, même si ces transferts auront probablement un impact positif sur l'activité économique, nous ne serons pas en mesure de l'évaluer. C'est problématique... » confie à L'Orient-Le Jour l'économiste à la BM Wissam Haraké. Le principal soutien à la demande provient néanmoins de la consommation privée, qui s'améliore du fait des prix bas du pétrole et de l'amélioration des conditions sécuritaires. La BM souligne aussi le rôle joué par le plan de relance de la BDL d'un milliard de dollars pour 2015, qui a favorisé une augmentation des crédits à la consommation pour les résidents de 6,5 % en glissement annuel, à fin juillet.


(Lire aussi : Le président de la République peut-il orienter la politique économique ?)

 

Rôle des réfugiés
La consommation et l'investissement des réfugiés syriens continuent de soutenir la demande. Une mutation du rôle économique joué par les réfugiés syriens a d'ailleurs été soulevée par la BM. Ces derniers ne sont plus identifiés comme des consommateurs dépendant d'aides, mais ont de plus en plus des activités génératrices de revenus, comme la vente de biens à bas prix aux réfugiés. « Cependant, les commerces libanais qui ne sont pas en mesure de rivaliser avec ces prix sont négativement touchés », relève le rapport.
Toutefois, selon les calculs de la BM qui inclut désormais les réfugiés syriens dans la population libanaise, le PIB par habitant aurait pu être de 20 % supérieur à celui atteint en 2015 s'il n'y avait pas de réfugiés syriens au Liban. « Les retombées négatives de la présence de réfugiés syriens au Liban sur l'économie sont déjà largement mis en avant par les politiciens, mais il s'agit de 1,5 million de consommateurs. Certains d'entre eux investissent dans le secteur informel, ce qui ne peut donc être perçu dans l'évolution du PIB », nuance M. Haraké.

 

(Lire aussi : L’environnement des affaires au Liban continue de se dégrader, selon la Banque mondiale)

 

La BM souligne aussi que « l'aide internationale destinée aux réfugiés syriens a représenté un soutien additionnel à la balance des paiements », en difficulté du fait du creusement du déficit de la balance commerciale. Sur les sept premiers mois de 2016, ce déficit a augmenté de 8 %, ce qui a plus que compensé la hausse de 8 % des entrées de capitaux vers le Liban sur la même période. Par conséquent, le pays a enregistré une perte de 1,4 milliard d'actifs étrangers pour le pays, la plus importante constatée sur cette période depuis 2011.
Compte tenu de l'ensemble de ces facteurs, la BM table sur une croissance de 2,2 % en 2017, et de 2,5 % à moyen terme. Des perspectives qui pourraient être nettement améliorées en cas de poursuite de l'amélioration de la situation politico-sécuritaire locale et de résolution du conflit syrien.

La BM reste en revanche très pessimiste quant à l'évolution des finances publiques dont elle prévoit la dégradation continue. « Le déficit public continuera de se creuser et les dépenses augmenteront du fait de la hausse du service de la dette en raison de la hausse des taux d'intérêts et des prix du pétrole, ce qui se répercutera sur les transferts à Électricité du Liban », estime la BM qui prend en compte aussi « une augmentation limitée des salaires de la fonction publique. »
Enfin, la BM craint qu'en l'absence de réformes structurelles, les interventions de la Banque centrale dans l'économie réelle – auxquelles le rapport a consacré un « focus » spécial – n'exposent le pays à des risques macrofinanciers. « Les prêts subventionnés de la BDL ont stimulé l'activité économique, mais il faudra être attentif (aux) capacités de remboursement des ménages », prévient la BM.

 

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