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Moyen Orient et Monde - Le billet

La larme de Poutine

Vladimir Poutine, au soir de la victoire.

En signant le document qui officialisait la fin de ses 33 ans de règne, Ali Abdallah Saleh, président yéménite balayé par le vent de la révolte arabe, se marrait. Un grand sourire, toutes dents dehors, lancé à la face des émirs, cheikhs et autres rois de droit divin, entre les coulées dorées du palais Yamamah à Riyad.
C’était le 23 novembre 2011.

Trois mois et demi plus tard, sur la place Manezhnaya à Moscou, devant le Kremlin, ses partisans et Dmitri Medvedev, Vladimir Poutine versait une larme en annonçant la victoire « vitale » de la Grande Russie, c’est à dire la sienne.

Que l’homme ait raflé la mise au premier tour de la présidentielle n’a surpris personne, sa popularité étant ce qu’elle est et le bourrage des urnes faisant le reste.
La surprise tenait en cette larme, échappée de l’œil droit de l’homme au regard bleu vide qui nous avait plus habitués, sur la dernière décennie, à des postures non dénuées d’un certain érotisme à la mode grecque antique : je monte torse nu à cheval dans la taïga, je plonge torse nu dans un lac sibérien, je tire torse nu sur un tigre, je pêche torche nu dans la Yenisei avec une grande canne.

Cette larme, versée en public, a dès lors suscité quelques questions.

Aux sceptiques qui dénonçaient un nouveau plan comme sur le mode « Oh, j’ai trouvé par hasard deux amphores vieilles de 1 500 ans placées sur ordre de ma secrétaire au fond de la mer Noire » (cf. « Les aventures de Vladimir » d’août 2011), Poutine a répondu : « Les larmes étaient vraies, c’était le vent. »
Certes, certes, mais quand il ventait sur la taïga, Vladimir ne pleurait pas.
On nous permettra donc d’explorer d’autres pistes pour expliquer le déversement lacrymal de Poutine.

Poutine a versé une larme :
- en pensant à ses parents, ouvriers à Saint-Pétersbourg quand elle s’appelait encore Leningrad, et à ses grands-parents, paysans à Pominovo qui n’a pas changé de nom ;


- en pensant à ces cinq années passées dans une unité déconcentrée à Dresde. Cinq années à remplir, en bon fonctionnaire kgbiste, formulaires, fiches et dossiers, dans des émanations de chou ;


- parce que, en ce moment de grande victoire, Vladimir se souvient de son seul échec : quand, sur le plateau de la télévision nationale, il n’avait pas réussi à plier à mains nues le manche d’une poêle ;


- parce ce que, s’il a récolté près de 64 % des suffrages à l’échelle de la Russie, 99,76 % en Tchétchénie, 100 % dans le village de Gordeevski, il a baissé à Saint-Pétersbourg, sa ville (58,7 %, contre 62 % et 75 % en 2000 et 2004), et est passé sous la barre des 50 % à Moscou, sa capitale (contre 68,6 % en 2004). Et ce alors que l’opposant Prokhorov y a engrangé 20 % des voix. Il verse une larme parce que ça va être peut-être un peu plus compliqué pour les six années à venir, le peuple, son peuple, ne semblant plus être aussi anesthésié qu’avant par la formule « La stabilité avant tout, la démocratie quand on aura le temps » ;


- en pensant à tous ces costards dans lesquels il ne rentre plus. Fou ce qu’il a pris comme volume, que du muscle, depuis qu’il est président ;


- en pensant à ces photos, il y a sept ans, où il faisait encore son âge ;


- en pensant qu’en 2018 (fin de son 3e mandat), il aura 66 ans, et qu’en 2024 (fin de son probable 4e mandat), il en aura 72. Larme d’émotion : avec les progrès de la science et son expertise en bidouillage de Constitution, il devrait pouvoir encore renquiller pour un ou deux mandats ;


- en pensant aux heures passées à monter des dossiers sur les opposants, partisans, ambitieux, foutraques, oligarques, businessmen, militants, journalistes, syndicalistes, amis, bref toutes ces personnes susceptibles, un jour, de vouloir le virer du Kremlin ;


- en se souvenant de ces oligarques qui, en 1999, alors qu’il venait d’être nommé Premier ministre par Boris Elstine, l’avaient regardé de haut, incapables qu’ils étaient de voir un grand destin sous les cheveux pâles et raides du petit lieutenant-colonel ;


- parce que la Russie est éternelle, donc nécessairement impériale. Donc, ce n’est pas de sa faute.

En signant le document qui officialisait la fin de ses 33 ans de règne, Ali Abdallah Saleh, président yéménite balayé par le vent de la révolte arabe, se marrait. Un grand sourire, toutes dents dehors, lancé à la face des émirs, cheikhs et autres rois de droit divin, entre les coulées dorées du palais Yamamah à Riyad.C’était le 23 novembre 2011.Trois mois et demi plus tard, sur la...
commentaires (3)

- - Je dédie une très belle chanson à Émilie Sueur , celle de Boby SOLO ainsi que ses paroles : Una Lacrima sul Viso .. qui a remporté le festival de Sanremo en 1964 et qui a depuis fait des milliers de fois le tour du monde ..

JABBOUR André

10 h 48, le 09 mars 2012

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Commentaires (3)

  • - - Je dédie une très belle chanson à Émilie Sueur , celle de Boby SOLO ainsi que ses paroles : Una Lacrima sul Viso .. qui a remporté le festival de Sanremo en 1964 et qui a depuis fait des milliers de fois le tour du monde ..

    JABBOUR André

    10 h 48, le 09 mars 2012

  • Que de cynisme dans cette article! Pourquoi cette larme ne serait-elle pas due tout simplement a l'emotion?

    Michele Aoun

    06 h 50, le 09 mars 2012

  • Des larmes de crocodiles oui!

    Pierre Hadjigeorgiou

    03 h 58, le 09 mars 2012

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