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Liban - En dents de scie

Small talk

Huitième semaine de 2012.


Mesdames et messieurs... Je vous signale tout de suite que je vais parler pour ne rien dire. Oh ! Je sais ! Vous pensez : « S’il n’a rien à dire, il ferait mieux de se taire ! » Évidemment ! Mais c’est trop facile ! C’est trop facile ! Vous voudriez que je fasse comme tous ceux qui n’ont rien à dire et qui le gardent pour eux ? Eh bien, non ! Mesdames et messieurs, moi, lorsque je n’ai rien à dire, je veux qu’on le sache ! Je veux en faire profiter les autres ! Et si, vous-mêmes, mesdames et messieurs, vous n’avez à rien dire, eh bien, on en parle, on en discute ! Je ne suis pas ennemi du colloque.


Il n’y a rien à dire. Hassan Nasrallah est visiblement et grandement fan de Raymond Devos. D’autant que Hassan Nasrallah est un littéraire. Un amoureux du beau verbe – aussi creux et stérile soit-il. Emberlificoteur, bien sûr, plutôt que rhéteur. Les cadres du 14 Mars ont sans doute eu honte de s’avouer piégés : ils ont préféré qualifier son dernier discours d’ambigu. Effectivement, cette logorrhée, tout aussi inepte dans le fond que la dizaine d’autres qui l’ont précédée (depuis un an, le secrétaire général du Hezbollah s’ennuie, et cela se voit, à constamment rabâcher les mêmes antiennes), a quelque chose à la fois de déroutant et d’intéressant dans sa forme : elle est bipolaire : un coup de latte, un baiser, un coup de latte, un baiser – sans que l’on ne sache vraiment si la griffe de ce 16 février n’est pas un énième signe de faiblesse, d’isolement, de grosse fatigue et si le velours de cet appel au dialogue sans conditions maintes fois répété n’est pas doublé de mille poisons... Parce que, finalement, Hassan Nasrallah se contrefout des colloques nationaux et parce que, finalement, toutes ses attaques n’étaient que défense un peu pathétique et surtout de grande mauvaise foi des (ex)actions du Hezb, une espèce de D’accord, nous nous sommes mêlés des affaires internes égyptiennes et bahreïnies, mais vous, chers leaders du 14 Mars, faites la même chose en Syrie. C’est inouï.
M. Nasrallah a parfois des pudeurs remarquables. Sauf qu’il va les payer cher, très cher, aussi suicidaires que pourraient être ses options une fois dynamité le régime de Bachar el-Assad ; une fois libéré un peuple syrien polycrucifié ; une fois synchronisée la planète sunnite, de Rabat à Mascate en passant par Le Caire et surtout Damas ; une fois Hamas et Fateh profondément réconciliés et une fois optimisées la barbarie et la peur du gouvernement d’Israël, quel qu’il soit.


C’est ce qu’a naturellement assimilé et digéré le 14 Mars, qui n’est pas uniquement formé de Mère Teresa droits-de-l’hommistes jusqu’à la moelle et horrifiées par ce qui ressemble fort à un démarrage de génocide sunnite en Syrie, mais qui comporte dans ses rangs quelques arithméticiens et autres géomètres qui ont heureusement oublié d’être sots.


La commémoration du 7e anniversaire de l’assassinat d’un Rafic Hariri qu’il aurait été passionnant de regarder découvrir, l’œil écarquillé et la moustache frétillante, les printemps arabes en général, et syrien en particulier, avait belle allure cette semaine. Pas parce que la confession dostoïevskienne de Saad Hariri et la harangue joliment Jeanne d’Arc Samir Geagea étaient bienvenues. Pas parce que la date et le lieu de la lecture du texte adressé aux Libanais par le Conseil national syrien étaient lourds de (beaux) symboles et de (belles) promesses. Ni parce que cette année, les enjeux sont assez énormes. Ce qui était frappant dans ces fragments du discours amoureux échangés par deux oppositions regardant résolument dans la même direction, c’était leur synergie, leur enthousiasme, leur anticipation d’un à venir tellement attendu, leur impatience adolescente de jouer le plus vite possible aux Charles de Gaulle et Konrad Adenauer arabes, même si le chemin est encore long, trop long, même si chaque Syrien (ou presque) qui se respecte est un Syrien qui rêve de Grande Syrie et que chaque Libanais (ou presque) qui se respecte est un Libanais obsédé d’indépendance et de souveraineté, au Nord et à l’Est, au Sud et à l’Ouest, où attendent les richesses gazières.
Le BIEL était certes fébrile en cette Saint-Valentin, mais le BIEL était amoureux, hyperconscient qu’après la probablement inévitable guerre civile en Syrie, après le désastre et les ruines, là-bas et peut-être ici, une fois que le jour se lèvera et que cela s’appellera l’aurore, les relations libano-syriennes deviendront un modèle à suivre. Hassan Nasrallah aussi, sûrement, en a pris bonne note : il a retenu chaque mot, chaque virgule de cette commémoration.
Il n’y avait finalement à ces fiançailles, à cet exposé politico-architectural fondateur, qu’un seul (grand) absent, probablement occupé ailleurs : Nagib Mikati.

Huitième semaine de 2012.
Mesdames et messieurs... Je vous signale tout de suite que je vais parler pour ne rien dire. Oh ! Je sais ! Vous pensez : « S’il n’a rien à dire, il ferait mieux de se taire ! » Évidemment ! Mais c’est trop facile ! C’est trop facile ! Vous voudriez que je fasse comme tous ceux qui n’ont rien à dire et qui le gardent pour eux ? Eh bien, non...

commentaires (4)

Je dirai même plus Kamel: Yesslam temmak!

Tina Chamoun

09 h 10, le 18 février 2012

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Commentaires (4)

  • Je dirai même plus Kamel: Yesslam temmak!

    Tina Chamoun

    09 h 10, le 18 février 2012

  • Un apprentissage amoureux, spirituel et politique qui fait toujours vibrer le pays dans un Small talk entre 8 et 14 mars flirtant toujours avec la ruse . Nazira.A.Sabbagha

    Sabbagha A.Nazira

    07 h 31, le 18 février 2012

  • Heureusement que Ziad nous avait avertit, parce que s'il avait quelque chose à dire , on en serait bon pour y passer la nuit.Et puis c'est vrai il n'avait rien à dire, puisque tout ce qui a été dit, va dans le même sens que ce qu'il reproche à Hassan Nasrallah, c'est du déjà dit, lu et entendu . Je n'avais rien à dire moi aussi mais j'ai risqué de le faire comme il nous l'a demandé. A quand le prochain di s cours.?

    Jaber Kamel

    06 h 03, le 18 février 2012

  • Des bons "Rapports ? Syros-fakîhiens" ! En ces temps de pragmatisme froid, il ne faut pas céder à la menace de ces indigènes "fakihiens". Même si dans les villes syriennes actuellement, on ne souffre pas d’une pénurie de fils de fer barbelés fournis réduits de tout frais ! La menace elle, concerne de même les Libanais Sains, car, ces jours-ci, "Sœur Syrie" ne fait plus dans la dentelle. Un "Fakïhdiot" très local, aux initiales H. N., intimait dernièrement à plusieurs Sains Libanais l’ordre "de ne pas jouer à un jeu politique pour défier la sphère Assadiote car, s’ils font le mauvais choix, ils devront en supporter les graves conséquences ! ; dit-il, l’exotique". En toute hypothèse, pour ce qui concerne ce qui reste de ce gouvernement, il s’agira d’abord de savoir si exprimer sa solidarité à des Persécutés Sains Syriens ou Libanais, est ou non une affaire de "Marotte" gouvernementale pareille. Dans le flot des "no comment" qui suivent ainsi les événements dans les villes de la Sainte Syrie, "Maraoun et Big Mik", sont plus qu’occultes ! A contrario des autres considérables Sains Syriens et Libanais dont la longue marche forcée vers la Liberté a de quoi énerver "ces Baassdiots" locaux soucieux de leur leadership pseudo-panarabe "résistant ? waliiyo-fakîhien", pathétiquement pseudo-mélodramatique irrémédiablement ! Et fort branlant et barbant semble-t-il ; assurément.

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    05 h 25, le 18 février 2012

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