Les mille et un arômes de Kamal Mouzawak

Malek Chebel, véritable spécialiste des contes des Mille et une Nuits et auteur, entre autres, du Dictionnaire amoureux des Mille et une Nuits (Plon), propose, dans la première partie du livre, une invitation au voyage dans les arômes et les arts de la table de ces contes ensorcelants. Alors que le second, inspiré par la richesse des banquets qui y sont si brillement décrits, a choisi de « raconter » cinquante recettes, qui sont, chacune, comme il tient à le préciser, relative à une histoire puisée des contes.
Malek Chebel et Kamal Mouzawak ne se connaissaient pas. Leur rencontre improbable, devenue possible grâce à l’éditrice Laure-Hélène Accaoui, la complémentarité virtuelle et surtout naturelle qui a suivi, a donné naissance à un bel ouvrage, envoûtant et sensuel. « Ce n’est pas un livre de recettes ni de recettes historiques, mais un livre d’histoires », tient à préciser Mouzawak. De ces contes vieux de presque onze siècles, il est question de récits, de rencontres, de sensations, certes, mais également de cuisine, de repas enchanteurs et de produits délicats. Dans ses textes poétiques, Chebel se plaît à revenir sur les mille et un parfums de ces « contes pour adultes ». Les épices, les viandes et les légumes « au service de la sensualité » qui deviennent à leur tour... des personnages de conte. « Si l’on devait résumer en une phrase l’esprit des Mille et Une Nuits, écrit-il avec délice, on pourrait dire que ces contes sont à la fois un concert de musique, un marché de parfumeur(souk al-attarine), une fête des voyageurs et surtout un banquet amoureux. » Il en est de même pour cet ouvrage...

Des recettes authentiques
On ne présente plus Kamal Mouzawak dont le nom est synonyme de Souk el-Tayeb, depuis sa création en 2004, devenu un cas d’étude à l’étranger, puis de Tawlet, créée en 2009. En mettant sur pied ce marché de fermiers et de producteurs, loin des habituels revendeurs, en mettant en avant des produits « de la terre », il a réussi à modifier la façon de manger des Libanais, mais aussi d’appréhender le rôle essentiel de l’agriculteur. « J’ai deux vies parallèles, confie-t-il. Dans la première, je suis le serviteur d’un rêve baptisé Souk el-Tayeb, qui est le projet de tous, le mien et celui du producteur et du Liban. Et puis j’ai ma vie à laquelle je reviens de temps en temps. » Dans cette deuxième existence, Mouzawak retrouve son amour pour la cuisine et le rédactionnel, il a coopéré, dans cette autre vie, avec Noun Magazine, Magazine, Chronique et Saveurs du Liban. « La cuisine est à mes yeux le meilleur indicateur anthropologique. Elle reste l’expression la plus sincère et la plus authentique de la tradition. C’est également l’histoire derrière qui m’intéresse. » Alors, lorsque la maison d’éditions Gründ le contacte pour s’associer au « fantastique Orient » de Chebel, il ne pouvait que s’emballer. « Ce livre raconte l’histoire de nos recettes dans une époque contemporaine et à travers la région du Levant. La kebbé arnabiyé aux sept agrumes, les poissons grillés à l’eau de rose, c’est de la fine cuisine ! » Pareil pour le « riz du pêcheur » (sayadiyeh), la « pâte de noix pimentée » (mohammara), les « boulettes au confit d’oignons » (Daoud bacha) ou encore les « tuiles au sésame » (barazee de Damas) et le « velouté d’abricots aux fruits secs » (khoshaf). Dans ces recettes claires et faciles, il se dégage surtout une grande poésie et des parfums imaginaires ou réels, souvenirs olfactifs ou envies d’encore plus...

*La signature du livre Délices des Mille et Une Nuits, au stand de la Librairie Antoine, sera précédée d’une conférence qui aura lieu à l’Agora à 17 heures, en présence de Kamal Mouzawak et de Jean-Michel Bertrand, professeur à l’École nationale supérieure des arts décoratifs et professeur associé à l’Institut français de la mode.