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Lifestyle - Rencontre

Milia M, du brut et du beau

Elle a fait de son prénom, assorti d’une initiale, un label qui s’expose à Tokyo, Paris et Milan, et s’exporte aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Milia M, c’est une personnalité, une féminité et une sensibilité qui ont du caractère.

Milia Maroun en Milia M. Photo Joe Kesrouani

« Vous voulez qu’on parle de Milia M ou de moi ? » demande-t-elle d’emblée. La question surprend, tant le « produit » est indissociable de la personne. Puis elle fait sourire.
Pour comprendre la naissance de la marque, la naissance de la ligne, du volume, de la courbe de ses vêtements, sans doute faut-il un peu parler de Milia Maroun. Ce petit bout de femme, qui déteste qu’on la trouve « mignonne », tient certainement de sa mère Hoda une belle énergie et une force indémontables. Et de son père Nabih, propriétaire de La Gondole, la sagesse de ne pas brûler les étapes. « Optimiste, peut-être pas. Positive, certainement. »
Le style de Milia M, celui de Milia Maroun également, c’est une exubérance qui reste sensuelle, une liberté de découper un vêtement là où bon lui semble. De plier, déplier un tissu, faire un revers, mettre un bouton, structurer et déstructurer. « C’est une marque féminine qui s’adresse à la féminité de la femme. Ses fragilités et ses forces. Une ligne qui a une histoire à raconter à chaque fois et qui évoque des sensations. » Un style imprégné d’une poésie brute qui ressemble à la pureté du béton. Un peu comme la décoration délibérément inachevée de son espace à Saifi Village où elle s’est installée en octobre 2005, peaufiné par l’architecte Raëd Abillama.

Des vêtements et des histoires
Le chemin parcouru par (les deux) Milia, depuis Esmod Paris jusqu’aux défilés de mode parisiens et milanais, a pris son temps. Le rythme juste. Démarré au milieu des années 90 par une collaboration avec Naf Naf – elle fut stagiaire puis conceptrice de la ligne lingerie –, son parcours a pris des chemins de traverse qui l’ont menée à Beyrouth, puis Istanbul et Londres où la jeune créatrice a vécu ces dernières années. Entre les deux, il y eut l’ouverture de son premier show-room en 1996, le premier défilé à Milan en 2002, suivi par Paris, et la participation à de nombreux événements internationaux. Milia M se construit alors une histoire et une réputation. « L’évolution de la marque a été lente et sûre, confie-t-elle. Je l’ai vécue et sentie organiquement. J’ai accompagné la marque comme elle m’a accompagnée. »
Puis, ce chemin presque tranquille a pris un tournant brutal en juillet 2006. Dans un grand ras-le-bol accompagné d’une grande désillusion, suite à une guerre aussi absurde que violente, la jeune femme décide de poser ses bagages d’une manière plus permanente en Turquie. Bagages personnels surtout, puisque sa production se faisait déjà à 70 % à partir de là-bas... Sa colère prendra également la forme de 1 191 tee-shirts numérotés, portant la mention « Je n’oublie pas », qu’elle dessine pour lutter contre « l’amnésie, maladie nationale des Libanais ». Les bénéfices de cet hommage aux 1 191 victimes de la guerre de juillet, en vente dans le monde, ont été versés au Mouvement social et à l’association Mada.
« À partir de ce moment, le Liban ne me paraissait plus du tout un milieu propice pour des affaires à long terme, mais plus une plate-forme d’“art et d’essais”. Petit à petit, poursuit Milia M, la création et la production se sont entièrement faits en Turquie, durant 3 ans. Si je n’avais pas installé Saifi Village, je n’aurais pas pu quitter aussi facilement. »
« C’était un bon passage pour moi, poursuit Milia Maroun. Une façon idéale de quitter Beyrouth sans percevoir ce départ comme un exil. » En un mois, elle apprend le turc, se laisse envahir par des inspirations inédites, des couleurs, des matières, des formes, et comble son atelier de nouvelles créations.
L’année suivante, et pour des raisons de cœur, la styliste dépose ses bagages émotionnels à Londres. Elle y découvre une ville dynamique, une « grande ville », comme elle les aime. Et se laisse emporter par une formidable énergie et de nouvelles envies.
Rentrée au pays en 2011 pour y redéfinir sa base et mieux s’ouvrir au monde, Milia sent le moment propice de passer à la vitesse supérieure. Son atelier de création de 300 m2 situé à Beyrouth la stimule. « Aujourd’hui, confie-t-elle, je voudrais installer Milia M à un autre niveau, dans un développement plus global et institutionnalisé. »
Et, surtout, continuer à créer des vêtements qui donnent la parole aux femmes. Ses deux collections annuelles en sont d’ailleurs les parfaits porte-parole.
« Vous voulez qu’on parle de Milia M ou de moi ? » demande-t-elle d’emblée. La question surprend, tant le « produit » est indissociable de la personne. Puis elle fait sourire. Pour comprendre la naissance de la marque, la naissance de la ligne, du volume, de la courbe de ses vêtements, sans doute faut-il un peu parler de Milia Maroun. Ce petit bout de femme, qui déteste qu’on la...

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