Des conteurs sachant conter
Avec un extraordinaire jeu de mots et d’imagination, les cinq conteurs professionnels, Jihad Darwiche (Liban), Rachid Akbal (Algérie), Saidou Abatcha (Cameroun), Souleymane Mbodj et Boubacar N’Diaye (Sénégal), Abdon Fortuné (Congo), ont improvisé à tour de rôle des histoires, des décors et des personnages, souvent puisés de leur vécu et de leur village natal. «On ne discute pas avec une brouette, on la pousse», première phrase écrite par le public, dite par le premier conteur. Boubacar N’Diaye se lance dans son histoire. Dans la salle, les premiers sourires apparaissent sur les visages des spectateurs. Ce Sénégalais, auteur, conteur et musicien, initié dès sa plus tendre enfance à la musique et au conte, puise dans son imagination les mots qui attirent, amusent et captent le public. Tels les contes des Mille et Une Nuits, les histoires s’enchaînent inspirées par les nouvelles phrases: «la tortue camomille a fugué», «une culotte à rayures vertes» qui rencontre «un éléphant amnésique», et une «femme à l’ONU». Autant de phrases saugrenues et originales qui titillent l’imagination fébrile de ces conteurs.
Improviser en chantant
Souleymane Mbodj, guitare à la main, a décidé, lui, de chanter avec des mots poétiques l’histoire de «sa chemise aux étoiles». Le public est sous le charme de cette voix langoureuse aux intonations africaines. «Si tu ne sais pas dire des mots tissés dans les racines profondes du cœur, laisse la parole au poète», dira ce Sénégalais baigné dans l’univers du conte, du chant et de la poésie depuis son plus jeune âge. L’interaction est totale entre le public et les conteurs. «Le tout est de tisser un lien avec le public, car il faut être amoureux de ces histoires pour pouvoir les transmettre», poursuivra Jihad Darwiche, seul conteur libanais du festival qui manipule les mots avec une aisance à couper le souffle. «Il faut être fou pour rester là» sera le thème de son histoire, où il se remémore les mots de sa grand-mère: «Quand tu ne sais pas où tu vas, rappelle-toi d’où tu viens.» Et le public reste là. Il s’accroche, s’amuse avec les conteurs, lui souffle les mots. Même les enfants qui, eux aussi ont eu droit à une semaine de conte dans leurs établissements scolaires, se sont mis de la partie.
Pari gagné pour ces habiles jongleurs de mots et de formes théâtrales africaines, qui ont établi une magnifique complicité avec le public libanais et ramené avec eux les histoires de leur Afrique natale. Et c’est évidemment par la danse et la chanson, traditions profondément ancrées dans les mœurs de ce peuple, que s’est clôturée cette 14e édition du conte et du monodrame où tous les conteurs ont gagné!
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