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Culture - Rentrée littéraire

Les banlieusards, étrangers sur terre et à eux-mêmes...

Un gros pavé dans la mare des prix. Avec « Les Lisières », Olivier Adam (Flammarion, 454 pages) tente une pessimiste introspection de l’univers des banlieues. Et des adultes, un peu brisés. Images littéraires d’un scénariste et écrivain en romantisme sombre, ici, à la lisière de soi, des villes et de la vie...

Prix Goncourt pour La Nouvelle en 2004, scénariste et auteur à succès pour Je vais bien, ne t’en fais pas, son dernier opus, Olivier Adam est aujourd’hui loin de ne pas inquiéter son public... Oui, on s’en fait après avoir parcouru cet ouvrage touffu et presque sans un rai de lumière. Il est évident que les banlieues ne sont pas des paradis terrestres, quoique, pour certains, ça le pourrait! «Qu’en savez-vous?» disait Jean Genet en parlant du comportement de ses «bonnes»...
Un roman à la sinistrose dense, suspendu entre deux mondes. Plutôt relégué aux zones intermédiaires, entre vies rurale et urbaine, zones peu rassurantes, à déchiffrer, à décrypter et qui ne sont pas le seul apanage de l’Hexagone mais un phénomène planétaire.
Études de mœurs? Radioscopie d’une société en mal de vivre? Malaise des zones périphériques des mégalopoles? Scan de personnages en mal de carrière, en proie à un consumérisme accablant? Tout cela à la fois, sans nul doute, comme un chaos que nul n’élude, que ce mélange à l’encre noire et aux fils inextricables. Des pages habitées d’une certaine colère, désenchantement, vindicte, amertume, rancœur même.
Paul Steiner, écrivain (alter ego de l’auteur?), est séparé de sa femme. Ses deux enfants lui manquent. Les vieux, ses parents, sont guettés par la vieillesse et la maladie. Son rêve d’un Japon aux cerisiers blancs, où il a eu des moments de bonheur, s’effondre quand arrivent tsunami et catastrophe de Fukushima. Un drame qui recadre et relativise tout mécontentement humain.
Tableau bien sombre où manquent les paroles de consolation ou d’apaisement. On espère un grand bol d’air frais en retrouvant les solitudes de Saint-Malo et du Finistère, loin de tout nombrilisme et creuses mondanités parisiennes, mais le ton est davantage à la sombre mélancolie des humeurs massacrantes du seigneur de Combourg.
Dans ce livre davantage porté au nihilisme que vers un positivisme tonique, vivre au quotidien semble une tâche éprouvante. De déception en déception, voilà des situations et des questionnements qui ne font rien avancer, mais enfoncer davantage le clou. Dans cette existence froide des banlieusards, on croise une mère en proie à l’alzheimer, des amitiés qui ne tiennent pas la route, des fraternités privées d’affection, voire presque conflictuelles, le désarroi des pères sans amour, les amours elles-mêmes peu crédibles et friables comme ailes de papillons...
Et d’où viendrait la délivrance dans ce fatras de désespérance et de misère humaine? Pour un écrivain, ce serait de l’art et de la littérature, sans nul doute comme le suggère l’auteur à travers un personnage pourtant en panne d’inspiration.
Les embruns de l’Atlantique ne suffisent pas à rafraîchir ces pages dévorées par l’angoisse, l’obsession et le rejet de la défaite... Ce livre, dont l’écriture oscille entre envolées littéraires et souffle d’un usage quotidien de la langue française, entre une certaine tenue littéraire et simple langage courant, est presque une exploration minutieuse mais négative, voire acrimonieuse des zones de bordures des grandes villes. Voilà des personnages et des lieux en quête d’identité, de paix intérieure et extérieure et d’équilibre (professionnel et civique).
Et ce n’est que voilette de bienséance et de bien-être, avec une pointe d’espoir quand même, un soupçon d’entretenir les illusions, volonté de rebondir, quand le livre se clôt sur un nouveau départ, avec cette phrase: «C’est rien, papa, ça va. Tout va bien.» Vraiment? Et comment ne pas s’en faire alors?

* « Les Lisières » d’Olivier Adam, Flammarion, 454 pages, est en vente à la librairie al-Bourj.
Prix Goncourt pour La Nouvelle en 2004, scénariste et auteur à succès pour Je vais bien, ne t’en fais pas, son dernier opus, Olivier Adam est aujourd’hui loin de ne pas inquiéter son public... Oui, on s’en fait après avoir parcouru cet ouvrage touffu et presque sans un rai de lumière. Il est évident que les banlieues ne sont pas des paradis terrestres, quoique, pour certains, ça le...
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