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Culture - Concert

Pindoll tire son épingle du rock

Sombre, sensuelle et expérimentale, la musique du groupe libanais Pindoll fait mouche. Une musique qui oscille intensément aux confins du rock et du jazz. Aperçu et interview au Métro.

Erin Michaelian, chanteuse, et Chris Reslan, bassiste. Photo Marwan Assaf

Hélène BAQUET

 

En plein cœur de Hamra, deux volées d’escaliers s’enfoncent dans la pénombre pour aboutir dans un sas aux lumières tamisées : Métro al-Madina, lieu définitivement « underground » de Beyrouth, ouvre sa scène – l’ancien cinéma Saroulla rénové en un espace de 110 places –
à la diversité locale, et ce soir, c’est Pindoll qui mène le bal.
Rencontré avant le concert, Miran Gurunian, guitariste du groupe, revient sur la genèse de Pindoll : « Chacun des membres est impliqué dans différents projets alternatifs depuis dix ans. Nous multiplions les collaborations avec un maximum de musiciens, arméniens et libanais. C’est une nécessité, c’est la seule façon de créer une musique nouvelle. En s’aidant, on grandit plus vite, peut-être ! »
Et de poursuivre : « Pindoll existe depuis un an. Pas vraiment notre gagne-pain, mais ces expérimentations nous ont permis d’être plus fous, de vibrer tous les quatre pour ce projet. Et d’y croire. »
Gurunian évoque aussi la scène alternative au Liban, qui existait, selon lui, même avant la guerre. « Si notre musique est alternative ? D’un côté, je l’espère, car cela nous donne de l’espace pour continuer à expérimenter. Mais, par ailleurs, nous voulons que notre musique soit écoutée par un maximum de gens. Je pense par exemple à Miles Davis... »
La scène, plongée dans le noir, s’éclaire peu à peu et laisse entrevoir un morceau de mer bleue, projeté sur deux écrans géants. La silhouette de la chanteuse arménienne Erin Michaelian, assise sur un tabouret de bar, dos au public, se découpe progressivement. Parée d’un tutu noir et de vertigineux talons qui semblent pouvoir la faire vaciller à chaque instant, Michaelian ressemble à un personnage tiré d’un film de Tim Burton, sombre et burlesque à la fois. D’après Gurunian, elle « est un caractère central et à part entière... il s’est imposé à nous ». Une poupée vaudou ensorcelante ayant inspiré le nom du groupe Pindoll ?
Quoi qu’il en soit, au-delà de l’aspect esthétique de cette « poupée désarticulée », c’est aussi le charisme et la voix de Michaelian qui... s’imposent : son ton se module dans différents registres, sensuel, acide ou encore ingénu, et révèle une maîtrise vocale affirmée.
La guitare de Gurunian se fait planante, atmosphérique. Certaines envolées font penser au mythique Ry Cooder. Armé d’une série de pédales d’effet, le guitariste laisse libre cours à ses impulsions.
Le son de Pindoll oscille intensément entre rock et jazz. Mais Gurunian parle aussi de « bruit ». « Plus jeune, quand je jouais, mes parents ne cessaient de me dire “arrête ce bruit !”. Mais pour moi, cela ne l’était pas. C’est une dimension très relative. »
La musique de Pindoll est un « work in progress » qui fait la part belle aux expérimentations sonores et à l’improvisation : « La façon dont nous jouons est toujours différente », explique Gurunian. Pour éviter l’aspect mécanique ou monotone, le groupe se gargarise de ses improvisations. « C’est important aussi de garder l’équilibre entre les mélodies et d’autres formes musicales plus surprenantes », ajoute-t-il. Et au rayon des expérimentations, Pindoll ne laisse pas son public en reste : sur le troisième morceau, les lignes de basse très funky de Chris Relsan se mêlent aux consonances plus orientales de la guitare, Michaelian empoigne un mégaphone tandis que Jad Aouad, le batteur, insuffle à l’ensemble des pulsations étourdissantes.
À mi-chemin, Michaelian lance un « Revolutions never go backwards ! » (« Les révolutions ne font jamais machine arrière »). Sur des images de soulèvement populaire où les manifestants sont munis de casseroles, cuillères et autres passoires, la chanteuse entame un « you’re not moving, you’re not changing, you’re not trying! » (« Tu ne bouges pas, tu ne changes pas, tu n’essaies pas ! »). Engagé, Pindoll? « Nous essayons de transmettre des idées, de lancer des discussions, et s’il y a une cause à laquelle nous croyons, c’est à travers la musique que nous la soutenons », explique Gurunian.
Côté inspirations, le guitariste se dit aussi « très influencé par les nouvelles à la télévision. Ce qui se passe à l’extérieur, j’essaie de l’intégrer même indirectement dans ce que je crée musicalement ». Et puis, « le manque d’électricité est une influence ! Les arrêts forcés nous obligent à rêvasser d’un monde différent ».
Durant le concert, en marge de leurs compositions personnelles, le groupe a offert plusieurs reprises, réarrangées avec swing et tempo : Tainted Love de Soft Cell, ainsi que Personal Jesus de Depeche Mode, Dance me to the end of love de Leonard Cohen, ou I Want you des Beatles. Le public a redécouvert ainsi, avec bonheur, de magnifiques classiques de la chanson rock, réinterprétés avec la touche Pindoll, à la fois originale et excitante.
Tandis que Pindoll entame son dernier morceau Stop Me, l’habillage visuel – réalisé par le vidéaste Omar Fakhoury – montre un cheval galopant à toute vitesse...
Le premier album de Pindoll est prévu pour début 2013. Le leader « porte-parole » du groupe explique que les chansons sont en phase de « test de compatibilité » avec le public. De sorte à faire émerger de nouvelles sonorités... L’enregistrement viendra après. Si l’électricité le veut.

Hélène BAQUET
 
En plein cœur de Hamra, deux volées d’escaliers s’enfoncent dans la pénombre pour aboutir dans un sas aux lumières tamisées : Métro al-Madina, lieu définitivement « underground » de Beyrouth, ouvre sa scène – l’ancien cinéma Saroulla rénové en un espace de 110 places – à la diversité locale, et ce soir, c’est Pindoll qui mène le...

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