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Culture - Lecture d’été

L’appel aux croisades vu par Carole Martinez...

Une voix venue du Moyen Âge mais qui ressemble à la nôtre. Avec « Du domaine des murmures » de Carole Martinez (Gallimard – 201 pages).

La mélodie de la vie mais aussi l’appel aux croisades ont pour cadre, dans cet ouvrage, les modulations d’une jeune fille emmurée vivante.
Un livre qui a des atouts littéraires exceptionnels. Un livre qui vient d’obtenir le prix Goncourt des lycéens 2011. Son auteur ? Carole Martinez, presque une inconnue, à part un premier livre en 2007, Le cœur cousu. Un livre quand même remarqué par le public et la critique et qui a obtenu le prix Renaudot des lycéens.
À quarante-six ans, Carole Martinez, ancienne comédienne rompue au métier de l’enseignement du français aux jeunes, et vedette courtisée récemment par Le Nouvel Observateur via un article élogieux, récidive son exploit de piquer la curiosité et l’intérêt des lecteurs.
En devanture des librairies, son second ouvrage Du domaine des murmures, qui parle du sort des femmes. Femmes à l’époque médiévale. Mais celles d’aujourd’hui, ces femmes de l’ombre, privées de leurs droits mais paradoxalement puissantes et écoutées, s’y reconnaîtront aussi.
Pour certaines femmes, c’est un sort qui semble arrêté dans le temps. Aussi bien au présent qu’au passé, vu surtout la destinée, encore moyenâgeuse aujourd’hui, de certaines levantines et d’une bonne partie des femmes des pays en développement, sans oublier celles du Pakistan et d’Afghanistan.
Une histoire à faire frémir mais qui, grâce à la poésie d’une langue susurrante et diaprée, passe parfaitement le cap de l’angoisse ou de l’horreur. Jugez-en plutôt, avec ce thème insoutenable : une jeune fille emmurée vivante.
Rassurons-nous, l’auteur a assez d’intelligence et de talent pour s’évader, par le biais du langage, des images et des associations verbales, vers les douces et appaisantes zones de l’imaginaire.
Dans un monde sans contour précis, entre lisière de forêt et chant des oiseaux, entre feuilles mortes et paysage médiéval, entre tourelles perdues dans les brumes et attente d’une foule en liesse sous le regard d’un châtelain, Esclarmonde (joli prénom pour une demoiselle à hennin!), jeune fille devant l’autel pour son mariage en 1187, dit «non» à son futur époux et à toute l’assemblée.
Sacrilège, défi, révolte, courroux du père, stupéfaction, consternation et châtiment sur le vif.
Et «la sacrifiée, la chair offerte à Dieu» est placée dans la chapelle attenante, toutes issues scellées. Pire qu’une vie de couventine pour cette morte-vivante qui communique avec l’extérieur à travers une «fenestrelle» pourvue de barreaux.
Grâce de Dieu, force vive intérieure, sagesse venue de la douleur et de la renonciation, renaissance de tout ce qui périt, la voix de l’emmurée devient la conscience vive des gens du châteaux. Une sorte d’ombre qui plane entre ciel et terre... et qui cause.
Tout le monde écoute avec vénération, déférence et presque crainte cette voix pourtant douce, presque mielleuse qui s’échappe d’une meurtrière où s’infiltrent à peine vent et lumière.
La part d’ombre est toujours une part de mystère, une énergie qu’il ne faut jamais sous-estimer ou ignorer... Souffle magnétique, que ces propos d’une jeune fille qui garde pour elle un passé de violée.
Par-delà les conseils avisés au quotidien aux pauvres gens (on y croise hères et ribaudes!), le discours d’Esclarmonde est aussi celui d’une femme qui ne s’est pas tout à fait détournée des activités terrestres. Vouée à Dieu, elle reste une guerrière pour la conquête d’une religion et d’une foi. Et c’est à croire que c’est par cette minuscule « fenestrelle » que s’échappe, en toute véhémence, ferveur et passion, le premier appel aux croisades...
Belle fabulation qui ne fléchit ni de rythme ni de ton dans ce flot de phrases finement fignolées, de paroles psalmodiées mais sonnantes et de vocables d’une poésie intense et diaphane.
Entre conte et récit est cette initiation spirituelle. À la fois aventure mystique et charnelle est ce Du domaine des murmures qui table beaucoup sur la séduction d’une langue française (sur) ornée, mais aussi l’évolution d’un récit qui ne manque pas de surprise et de souffle...
Un livre d’été agréable, qui se laisse facilement dévorer, comme une gourmandise certes rafraîchissante mais ultrasucrée...
La mélodie de la vie mais aussi l’appel aux croisades ont pour cadre, dans cet ouvrage, les modulations d’une jeune fille emmurée vivante.Un livre qui a des atouts littéraires exceptionnels. Un livre qui vient d’obtenir le prix Goncourt des lycéens 2011. Son auteur ? Carole Martinez, presque une inconnue, à part un premier livre en 2007, Le cœur cousu. Un livre quand même remarqué...

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