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Culture - Livre

« Tripoliwood », de Delphine Minoui

Delphine Minoui, reporter au « Figaro », fait partie de ces journalistes qui ont été tantôt otages, tantôt marionnettes du régime libyen. Dans un ouvrage baptisé « Tripoliwood », elle livre son expérience.

Le 15 février 2011, la Libye décide de suivre l’exemple révolutionnaire donné par ses voisins tunisiens et égyptiens. Soudainement, un mouvement de contestation se créé et les rues se remplissent de manifestants, remettant en cause quarante-deux ans de dictature kadhafiste. La presse internationale se tourne vers ces événements, mais seul un petit groupe de journaliste est autorisé à se rendre à Tripoli sous bonne garde des «minders».
Dans Tripoliwood, ce «récit du réel», Delphine Minoui raconte comment, isolés, gavés d’hymnes kadhafistes jusqu’à l’écœurement, ces journalistes ont dû repérer et interpréter les moindres signes de contestation oubliés par le régime. D’abord amusés par l’absurdité des mises en scène, ils ont eu de plus en plus de mal à contenir leur colère. Delphine Minoui parvient à trouver le juste ton pour rapporter leur quotidien au «Corinthia» puis au «Rixos», hôtels de luxe de Tripoli. Elle témoigne que le plaisir d’être logés dans un hôtel cinq étoiles laisse rapidement place au sentiment terrible d’être retenus prisonniers d’un régime qui les manipule. Ballottée entre sa «prison dorée» et les visites officielles, la journaliste dévoile ses moyens d’obtenir des informations tangibles sur la situation des rebelles. À travers des portraits de personnages aussi touchants que courageux, elle prouve que la population libyenne n’est pas dupe de la mascarade jouée par Kadhafi.
Le grand guide de la Jamahiriya, Delphine Minoui a eu l’occasion de le rencontrer au cours d’une interview. Entre déclarations délirantes et supposées preuves accablantes contre l’actuel président français, Mouammar Kadhafi lui prouve qu’il est grand temps pour ce dernier de quitter le pouvoir.
Au quotidien, la journaliste raconte aussi bien l’évolution de la situation militaire que ses sentiments face à l’étouffement exercé par la répression. Chaque sortie hors de la vue des «minders» est un pas vers la liberté et la vérité. La découverte du mot «freedom» peint sur un mur, un mot glissé dans l’oreille par un ou une courageuse au cours d’une visite ou un coup de fil sont autant d’éléments auxquels il faut s’accrocher. Dans la Libye qui leur est présentée, les journalistes sont tenus à distance des rebelles et des victimes de la répression. «Au pays de l’absurde», comme elle l’appelle, les sbires de Kadhafi se montrent champions du mensonge. Aussi, la journaliste témoigne avec justesse et humour du matraquage de slogans, de chants et de conférences de presse jusqu’à l’overdose du vert, la couleur du régime. Au comble du grotesque, elle décrit chaque sortie comme une pièce de théâtre organisée par les «petits hommes verts» du régime. On garde le scénario et les acteurs, on ne change que les décors et les costumes. Il en est ainsi du «préposé au portrait de Kadhafi» présent à chaque manifestation, ou de l’ingénieur de Zaouia convertit en instituteur pour la bonne cause.
Cependant, l’ambiance de Tripoliwood change lorsque les frappes de l’OTAN débutent le 20 mars. Toujours prisonniers d’un régime qui perd le contrôle de la situation, les journalistes sont surveillés de plus en plus étroitement. Le récit de Delphine Minoui nous fait alors vivre de l’intérieur des événements que nous avons suivis dans les médias il y a quelques mois. Parmi ceux-là, l’intrusion dans le Rixos et le témoignage déchirant d’Iman al-Obeidi, cette jeune fille originaire de Benghazi, prisonnière des forces khadafistes, torturée et violée pendant plusieurs jours.
Peu de temps après et alors que la révolte est de plus en plus difficile à masquer, Delphine Minoui et son mari sont expulsés de Libye. Avec eux, vingt-quatre journalistes sont également priés de quitter le pays. Après une ultime preuve de l’espionnage dont ils ont été la cible, la reporter et ses collègues quittent Tripoli le samedi 9 avril. Delphine Minoui nous apporte avec Tripoliwood de précieux indices sur la débâcle d’un régime au bord du gouffre et ses tentatives aussi désespérées que désespérantes de sauver la face.

Julia JOUDIÉ
Le 15 février 2011, la Libye décide de suivre l’exemple révolutionnaire donné par ses voisins tunisiens et égyptiens. Soudainement, un mouvement de contestation se créé et les rues se remplissent de manifestants, remettant en cause quarante-deux ans de dictature kadhafiste. La presse internationale se tourne vers ces événements, mais seul un petit groupe de journaliste est...

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