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Culture - Livre

Khaled al-Khamissi a sauté dans le « Taxi » de la révolution

Parmi les invités du Salon, l’Égyptien Khaled al-Khamissi, analyste politique lucide, auteur du best-seller international « Taxi » qui, avec ses 250 000 ventes au compteur, permet de comprendre le pourquoi de la révolution égyptienne.

Face au succès phénoménal de son premier ouvrage Taxi (2009, Actes Sud), (Taxi, hawâdît al-machâwîr, Dar al-Shorouq, 2007), Khaled al-Khamissi reste circonspect. Pour l’écrivain et opposant politique, si son ouvrage s’est écoulé, dans sa version arabe uniquement, à près de 250000 copies, puis a été traduit en 18 langues, ce n’est pas tant pour ses qualités littéraires que pour son appartenance à une certaine mouvance. «Il faut parler là d’un certain phénomène social. Et non d’un livre phénoménal», assure en toute modestie celui qui croit que son œuvre relève plus du travail anthropologique et journalistique que de la fiction littéraire.
Et pourtant. Selon les aveux même de l’écrivain, ces conversations avec les chauffeurs de taxi du Caire – cinquante-huit, retranscrites chacune dans un chapitre – ne sont pas réelles, mais tiennent bien lieu de la fiction. Ces saynètes ou maqamat (genre littéraire arabe développé au Xe siècle) reflètent, selon leur auteur, la société égyptienne actuelle, parce qu’il voulait, justement, «incarner la réalité des rues du Caire, donner la voix aux démunis». «Mes chauffeurs sont devenus le prétexte pour dire des choses sur ces classes pauvres d’Égypte qui représentent aujourd’hui 80% de nos 80 millions de citoyens», souligne-t-il.
«Taxi est basé sur la sagesse et la conscience du peuple égyptien avec ses différentes catégories», souligne l’auteur. Ras-le-bol ambiant, critiques virulentes, lutte au quotidien contre la pauvreté, la corruption qui sévit à tous les échelons de la société et de l’administration, états d’âme divers, les humiliations... En fait, dans Taxi, al-Khamissi soulevait l’irritation latente et la conscience politique du citoyen. Ces chauffeurs sont les porte-parole de la colère, des rumeurs et des fantasmes de la population...
Ce livre retranscrit une certaine période charnière de l’histoire du pays. «On parle là des premiers balbutiements de ce qui s’est passé place Tahrir en 2011, indique l’auteur. On parle d’une société qui cherche une sortie, des jeunes qui cherchent une terre sur laquelle ils peuvent bâtir leur avenir. De 2005 à 2011, un véritable séisme culturel a secoué Le Caire. On a vu éclore partout des librairies, des maisons d’édition, des salles de cinéma, des théâtres, de nouveaux groupes musicaux.» Pressentait-il ce qui allait arriver?
«Winston Churchill comparait le peuple à un ballon qu’il fallait perforer de temps à autre pour l’empêcher d’éclater. Hosni Moubarak a omis de faire cela. En fait, il a été une catastrophe réelle dans tous les domaines. Si quelqu’un voulait anéantir l’Égypte mieux que lui, ce serait difficile.»
Quant à la révolution, al-Khamissi estime que le déclic a été moins la Tunisie que les élections législatives de novembre, ressenties comme une insulte et une humiliation supplémentaires. «C’est une révolte pour la liberté déclenchée grâce à Facebook par la jeunesse, la classe moyenne et la haute classe moyenne. Le peuple a suivi. Les gens souffrent des échecs économiques, d’une corruption énorme de la police.»
Al-Khamissi se veut optimiste quant à l’avenir des révolutions, arabes ou pas seulement. «Il faut être créatif pour dessiner demain. Demain est l’embryon de notre imagination. Les modèles existants ne sont pas des modèles viables. Le politique est en crise. On doit le réinventer, réinventer demain», martèle l’intellectuel.
«Ce n’est pas seulement la question libanaise ou égyptienne uniquement. C’est l’avenir des 7 milliards de personnes qui habitent cette terre. EIles sont sur le seuil d’un nouveau monde. Nous avons le choix entre créer un monde nouveau ou nous engloutir dans celui où l’on vit aujourd’hui et où tout est en crise. Et c’est aux poètes, aux écrivains et aux intellectuels de tenir ce rôle.»
L’arche de Noé, le deuxième roman d’al-Khamissi, décrit ainsi les différents types de classes sociales qui cherchent à tout prix à émigrer. Un troisième ouvrage est en cours de préparation. Al-Khamissi y poursuit ses analyses sociopolitiques, puise dans l’histoire des classes sociales pour faire un livre sur la révolution. Un sujet sur lequel Khaled al-Khamissi n’a pas fini d’analyser et de dévoiler les ramifications.
Face au succès phénoménal de son premier ouvrage Taxi (2009, Actes Sud), (Taxi, hawâdît al-machâwîr, Dar al-Shorouq, 2007), Khaled al-Khamissi reste circonspect. Pour l’écrivain et opposant politique, si son ouvrage s’est écoulé, dans sa version arabe uniquement, à près de 250000 copies, puis a été traduit en 18 langues, ce n’est pas tant pour ses qualités littéraires que...

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