Rechercher
Rechercher

Culture

« L’arménitude » au tempo d’une vie

Il a pris goût à la musique des lettres sur le clavier de l’ordinateur. Avec « Le retour » *, troisième opus, romanesque cette fois-ci, Carlo Akatcherian plonge en toute émotion et toute sensibilité au cœur de l’ « arménitude ». Un vibrant témoignage, pour vivre une identité et une intégration.

Son premier livre fut dédié à son père. Hayrig est une ode d’amour filial à un père rescapé du génocide arménien, fondu dans la grande masse d’une diaspora (aujourd’hui huit millions de personnes, soit deux fois et demie plus que les habitants même de l’Arménie!) disséminée aux quatre coins cardinaux de la planète.
Le second ouvrage, Je les ai tant aimés, a ouvert le volet d’une carrière médicale brillamment menée. Stéthoscope, blouse blanche et mains guérisseuses pour un pédiatre totalement à l’écoute et au service de l’enfance.
Et arrive aujourd’hui ce récit, Le retour (Antoine, 211 pages), où «la fiction est à 80% tirée de la réalité», confie Carlo Akatcherian, en riant avec l’innocence malicieuse des enfants. L’histoire d’une vie, tissée de labeur et de combats, pour s’assimiler aux autres et triompher de l’adversité.
Une histoire aux rebondissements simples mais multiples, relatant le parcours d’un jeune Arménien confronté à la société libanaise. Et par la suite à la France, pour des études de médecine. Pour son intégration et son ascension sociale, professionnelle, et son épanouissement personnel.
Barrière de la langue, de la communication, de l’isolement, du poids du passé, des images atroces vécues par les adultes qui l’entourent et qui veulent protéger l’enfance en ne cédant que quelques parcimonieuses bribes du passé, d’un exode dont ils ne s’en remettront jamais.
Un Arménien jeté sur les routes de l’exil a forcément un vécu différent des autres. Même si les générations montantes, avec le pansement ou la cautérisation du temps,
semblent plus détendues, les enfants aux origines du pays de Grégoire l’Illuminateur n’en ont pas fini avec leur arménité. «Arménitude», rectifie Carlo Akatcherian, en se référant à l’extension du terme de
«négritude».
Derrière la couverture de l’ouvrage, avec une toile représentant une nature boisée aux tons fauves de Zareh Mutafian, Sevag, le héros du roman, parfait alter ego de Carlo Akatcherian, retrace le chemin parcouru à travers des pages fourmillantes d’anecdotes, d’humour, de poésie, de petits (et grands) drames.
De la petite enfance à l’âge adulte, en passant par la saison des amours, c’est toujours la confrontation d’une identité à retrouver, à construire, à harmoniser, avec l’environnement, toujours étranger aux origines. Jusqu’à ce retour à Erevan. Lumineuse et apaisante remontée aux sources, pour une réconciliation intérieure, avec Judith, une épouse aimée et aimante.
Deux phrases, citées en exergue, illustrent ce roman de la réalité. Une réalité blessée. D’abord cette réflexion qui se passe de tout commentaire de William Saroyan: «Je n’écris pas en arménien, mais je regarde le monde en arménien.»
Une pensée complétée par celle de Jean D’Ormesson qui déclare: «Le présent sans le passé est aveugle. Le présent sans l’avenir est stérile.»
Deux citations qui, en un éclairant raccourci, jettent toute la lumière sur cette narration au ton alerte, vif, malicieux et d’une infinie tendresse pour la vie. Écrit dans une langue française maîtrisée, simple et claire, rehaussé de citations de fragments poétiques (arméniens et français), touché par la grâce de la culture, décrivant avec vivacité et amour Tripoli, Beyrouth, Paris et Erevan (de 1933 au fracas des armes de la guerre libanaise, en passant par la libération du pays de Sayat Nova du joug soviétique), ce roman est celui de « l’arménitude».
Un roman sans pathos inutile et, malgré de nombreuses pointes et pics acérés, sans cris ni vociférations. Un texte d’une réconfortante sagesse, avec un sens aigu et édifiant du combat pour la vie. Dans toute sa dignité.

* Signature ce soir, au stand de la librairie Antoine, à partir de 16 heures.
Son premier livre fut dédié à son père. Hayrig est une ode d’amour filial à un père rescapé du génocide arménien, fondu dans la grande masse d’une diaspora (aujourd’hui huit millions de personnes, soit deux fois et demie plus que les habitants même de l’Arménie!) disséminée aux quatre coins cardinaux de la planète. Le second ouvrage, Je les ai tant aimés, a ouvert le volet...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut