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Culture - Concert

Ferveur et passion de Bayonne à Beyrouth

En ces temps troubles, la musique pour consoler et adoucir les mœurs. À l’AUB, devant une salle relativement pleine, deux musiciens, Nicole Mandement (piano) et Frederik Jongejans (violon), pour des pages qui vont de Haendel à Brahms, en passant par Franck, Gelalian et Liszt.

Au clavier, Nicole Mandement. Photo Ibrahim Tawil

Dans une ville livrée à l’anarchie et la dictature de la violence, vouée à la hantise, la terreur et la psychose des attentats à la voiture piégée, à un pays guetté par une guerre régionale suspendue au-dessus de la tête de ses citoyens comme une épée de Damoclès, que peut faire la musique ? Classique en l’occurrence. Beaucoup et peu à la fois.
Outre ses vertus apaisantes ou thérapeutiques pour une paix intérieure, elle demeure un espace d’harmonie, d’évasion, de rêve et de plaisir sonore. Un moment absolu d’euphorie, de ravissement, de liberté et d’indépendance.
De Bayonne, cœur de la côte basque française, deux musiciens de talent pour dérider Beyrouth et tenir un langage, par-delà tout malentendu, d’une rassurante humanité.
Au clavier, arborant une longue robe noire moulante évasée, les cheveux blonds et courts, Nicole Mandement ouvre le concert avec une Chaconne de G. F. Haendel. En mesures lentes et douces, entre mélancolie et gravité, se dessinent les grandes lignes mélodiques d’une œuvre empreinte d’une certaine transparence et d’un équilibre tout en finesse. Grandes aches sonores, presque solennelles, pour une narration tissée comme des mailles serrées afin d’évoquer une danse aux mouvements amples et
limpides.
Suit, en grands cercles se fermant comme une rosace colorée, toujours pour clavier seul, le Prélude, choral et fugue de César Franck. Romantisme ombrageux avec une part de lumière inattendue pour cette composition cyclique qui a toutes les allures d’une prière, d’un jeu d’eau babillant et léger. Touches caressées comme pour un clapotis de vagues qui reviennent inlassablement à la charge.
Pour prendre le relais, les Images orientales de Boghos Gelalian en solo de violon. Pour traduire l’arménité, la nostalgie, les paradoxes de l’Orient, le déracinement, le désarroi de vivre et le lamento de Gelalian, fin compositeur libanais disparu il y a quelque temps, ces deux opus, interprétés en un souffle unificateur, liés dans leurs cadences, leurs rythmes, leurs pizzicati, leur trémolo... Images vibrantes de vie entre lyrisme contenu et éclats impétueux pour une sensibilité d’écorché vif, toujours aux aguets.
Leçon de foi et de virtuosité pianistique avec Liszt dont on écoute ici au clavier l’admirable et radieux Saint François de Paule sur les eaux. Mysticisme exalté et amour de la musique se fondent en une chaîne impalpable. Entre arpèges perlés, vagues mugissantes de touches triturées et pétries comme pâte qui lève, un moment intense pour des accords opalescents et torrentiels, nimbés de lumière, d’intériorité et de ferveur. D’une inspiration qui frise l’extase.
Pour terminer, La troisième sonate pour piano et violon de Johannes Brahms. Dialogue merveilleux entre les cordes de la boîte magique et du clavier avant d’atteindre ce volcanique et saisissant presto agitato. Poésie, douceur et passion pour ces pages habitées d’un esprit en feu, d’un imaginaire survolté.
Excellente interprétation des deux musiciens rompus à la tâche et dont le talent sûr a subjugué l’auditoire.
Note finale cocasse, interprétée in petto par un petit chat qui grimpe furtivement et en catimini sur scène. Bercé par la musique, il promène ses pattes blanches velues en coulisses avec un public qui le regarde à la fois amusé et médusé. Le museau rose, les yeux brillants, les oreilles dressées, le félin fait le tour des feux de la rampe. Avec un calme olympien. Pour ressortir du décor en toute discrétion, comme il est rentré...
Trombe d’applaudissements du public, bouquets de roses et révérences des musiciens tout sourire. Mais pas de bis.
Dans une ville livrée à l’anarchie et la dictature de la violence, vouée à la hantise, la terreur et la psychose des attentats à la voiture piégée, à un pays guetté par une guerre régionale suspendue au-dessus de la tête de ses citoyens comme une épée de Damoclès, que peut faire la musique ? Classique en l’occurrence. Beaucoup et peu à la fois.Outre ses vertus apaisantes ou...

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