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Moyen Orient et Monde - Société

En Suisse, la démocratie à main levée toujours aussi populaire

Les épées remplacent les cartes d’électeur dans le canton conservateur d’Appenzell.

Le vote rassemble près de 4 000 personnes et dure plus de trois heures.  Sébastien Bozon/AFP

Steffan Millius prend son épée et avance fièrement au milieu de la foule rassemblée sur la place d’Appenzell ; il s’apprête à voter dans ce qui demeure la forme la plus traditionnelle de la démocratie directe suisse. « J’adore, lance Millius. Je pense que c’est l’expression la meilleure pour la démocratie, c’est vraiment une expression directe. » Alors que les notables, vêtus de lourdes capes, défilent lentement au rythme d’une fanfare. Chaque année au mois d’avril, les citoyens d’Appenzell Intérieur, dans le nord-est de la Suisse, élisent à main levée leurs autorités et leurs juges locaux. Cette élection à l’air libre, la landsgemeinde, remonte au XIVe siècle, quand seuls les hommes prêts à se battre pour défendre leur communauté avaient le droit de vote.
Aujourd’hui encore, les épées tiennent lieu de carte d’électeur. « C’est le seul endroit dans le monde où une arme sert à identifier l’électeur », estime Rudolf Keller, second secrétaire du canton, en sortant son épée de son fourreau pour montrer son nom gravé sur la lame. Les femmes n’ont pas d’épées, mais bien des cartes d’électrice jaunes. Elles ne peuvent voter aux élections locales d’Appenzell, considéré comme un des cantons les plus conservateurs de Suisse, que depuis 1991, vingt ans après que les femmes suisses eurent obtenu le droit de vote aux élections fédérales. Vreni Inauen, une guide touristique, concède que certains hommes n’apprécient toujours pas cette participation des femmes, mais elle fait remarquer que même avant l’obtention de ce droit, des femmes influençaient les votes. « Beaucoup venaient suivre la landsgemeinde pour être sûres que leur mari votait selon leur opinion. » « Certains hommes âgés ne s’y sont toujours pas vraiment habitués, mais les jeunes générations ont changé et sont contents que les femmes soient là aussi », remarque Mme Inauen.
Le vote rassemble près de 4 000 personnes et dure plus de trois heures. Quand le résultat en évaluant les mains levées paraît trop serré, les électeurs doivent quitter les lieux en empruntant deux sorties différentes, chacune pour un candidat. Ils sont décomptés, et une corde pousse la foule pour s’assurer que personne ne revient pour voter une seconde fois. Mais pour certains, cette pratique très ouverte n’est pas si positive pour la démocratie. Irene Hermann Palmieri, professeure d’histoire à l’Université de Genève, affirme que « voter à main levée, ça veut dire qu’il y a certaines personnes qui peuvent savoir ce que vous votez, qui peuvent vous influencer, qui peuvent vous acheter, et ça va totalement à l’encontre d’une conception moderne du vote où chacun, chaque individu en son âme et conscience décide de ce qui est le mieux pour la communauté ». « Il faut du courage pour lever la main et faire connaître à tous son opinion », estime également Claude Chappuis, un Suisse romand qui a fait le déplacement pour ne rien manquer de cette « vraie démocratie ». « Il n’y a pas l’isolement dans l’urne. En France, quand (le chef de l’extrême droite) Jean-Marie Le Pen avait battu (le candidat socialiste) Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle (en 2002), personne ne déclarait voter Front national. Donc il y a une différence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait dans l’isoloir, alors qu’ici, ce n’est pas possible », relève-t-il.
Les dirigeants sont donc élus, le vice-président du canton avec seulement 33 voix d’écart avec son rival, un projet ferroviaire est adopté et une demande de limiter à 12 ans les mandats consécutifs est rejetée. La landsgemeinde est terminée. « C’est le système le plus pur. Il peut y avoir des problèmes comme pour tous les systèmes. Mais il marche pour nous », estime finalement Steffan Millius. Il peut maintenant ranger son épée, en attendant l’année prochaine.
(Source : AFP)
Steffan Millius prend son épée et avance fièrement au milieu de la foule rassemblée sur la place d’Appenzell ; il s’apprête à voter dans ce qui demeure la forme la plus traditionnelle de la démocratie directe suisse. « J’adore, lance Millius. Je pense que c’est l’expression la meilleure pour la démocratie, c’est vraiment une expression directe. » Alors que les notables,...

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