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Culture - Photographies

L’absence et le vide par-delà ruines et reconstruction

Beyrouth dans tous ses états. Raid ravageur des Israéliens en 2006 et le centre-ville émergeant de ses ruines fumantes en bâtiments flambant neufs. Entre ces deux extrêmes, un banc pour méditer. C’est cette halte de témoignage et de réflexion que propose l’espace de la galerie Tanit à Mar Mikhaël*.

Photos Gilbert Hage – Beyrouth / Dahieh après le passage destructeur d’Israël en 2006.

Trois artistes se sont penchés sur ce phénomène de la destruction et de la reconstruction, avec un invité certes insolite mais permanent: l’absence. Absence de vie dans la désolation des ruines, absence de passé et par conséquent d’une certaine vie, pour les immeubles fraîchement bâtis et peints.
Pour parler de cet état paradoxal de la vie beyrouthine (mais cela pourrait très bien être aussi en tout lieu sur cette planète prise dans l’engrenage de la violence et des troubles guerriers), trois artistes se placent sous la bannière du témoignage, d’une vision à la fois actuelle et futuriste et d’un moment de contemplation doublé de réflexion.
Pour dire cet état de chamboulement et de reconstruction, le photographe Gilbert Hage, les vidéastes Jalal Toufic et Graziella Rizkallah, et l’installation, simplissime, de Walid Sadek.
La grande salle est réservée aux mégaphotos (220 x 282 cm) de Gilbert Hage dont l’œil de la caméra a capté, en toute objectivité et netteté, l’ampleur d’une «dahié» (banlieue sud) lamentablement dévastée par les bombardements israéliens. Immense béance des immeubles éventrés, littéralement mis à terre, avec des façades hideusement défigurées. Effroyable paysage d’apocalypse après le passage haineux des barbares. Images qui jettent l’effroi avec ces pierres calcinées, ces ferrailles qui se tordent comme des viscères déchiquetées, ces habitations frappées de plein fouet jusqu’à l’absolue distorsion. Images terribles d’un désastre qui a l’allure d’un séisme...
Petite salle intime avec quelques chaises en plastique pour retrouver un écran où est projetée la vidéo de sept minutes du couple Jalal Toufic et Graziella Rizkallah Toufic. Un vieux taxi blanc, presque bringuebalant, serpente au centre-ville. Destination le district commercial 2000. Ballade impromptue et labyrinthique pour des chantiers qui n’en finissent plus de s’étendre et des immeubles qui poussent comme des champignons. Éruption citadine sans âme, vidée de son essence humaine, cœur d’un négoce qui ne connaît ni dieux ni frontières. Comme pour contrer le temps, marche arrière du véhicule qui révèle sur ses vitres mouillées par la pluie, des graffitis sur des immeubles dynamités encore debout ou des pancartes criblées de balles et d’éclats d’obus avec des enseignes borgnes et estropiées.
Une fois de plus, l’absence du passé à travers une aseptique et chlorophyllisée
nouveauté, même si elle est pimpante.
Entre ces deux espaces voués aux souvenirs douloureux ou replâtrés, surgit, comme un passage obligé, dans une salle tremplin, un banc en fonte avec bois peint en vert. Avec au dos du siège cet écriteau en arabe «Moutou kable an tamouto»... Autrement dit, mourrez avant de mourir... Mais pour le dire de manière moins sibylline, il faudrait laisser ce qui est terrestre pour retrouver ce qui est immatériel ou spirituel.
Par conséquent un banc très «lamartinien» pour méditer non seulement sur la notion du temps qui passe, mais celle du sens des ruines. Une leçon de vie à tirer des misères qui entravent toute traversée
humaine.
Sans provocation ni chichi ou pathos déplacé, voilà une exposition qui n’a rien à voir avec ce qui est banalement commercial ou simplement esthétique. Mais une manifestation sociétale à trois têtes, d’une sobre conception, pour une pause de réflexion, d’analyse, de témoignage, de dépassement, de renaissance. Une plongée dans les entrailles de Beyrouth: un moment de recul pour mieux aller de l’avant.

* Galerie Tanit (Mar Mikhaël) jusqu’au 6 juin 2013.
Trois artistes se sont penchés sur ce phénomène de la destruction et de la reconstruction, avec un invité certes insolite mais permanent: l’absence. Absence de vie dans la désolation des ruines, absence de passé et par conséquent d’une certaine vie, pour les immeubles fraîchement bâtis et peints. Pour parler de cet état paradoxal de la vie beyrouthine (mais cela pourrait très bien...

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