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Moyen Orient et Monde - Le point

Si jeunesse pouvait...

L’Internet hoquette à s’étrangler depuis l’ouverture de la campagne électorale ; déjà sévères, les mesures de sécurité ont été considérablement renforcées ; les journalistes sont invités à méditer (à l’ombre) sur les aléas du métier ; bien que n’ayant plus rien à craindre puisqu’il vient d’être écarté de la course, Esfandiar Rahim Machaeï, l’homme qui voulait être président, dort avec un revolver sous l’oreiller, selon l’un de ses proches ; deux leaders du Mouvement vert de 2009 sont en résidence surveillée et le nombre d’objecteurs de conscience réduits au silence atteint un chiffre record. Quoi d’autre ? Ceci : le Conseil des gardiens (six religieux, autant de magistrats), un organisme non élu, chargé de filtrer les candidatures à la magistrature suprême, en a disqualifié 678 dont, outre le poulain de Mahmoud Ahmadinejad, le trop habile Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, ex-chef de l’État, ex-proche du guide suprême et ex-héros malgré lui du défunt mouvement des réformateurs, interdit de concourir en raison de son âge, 78 ans, a fait valoir l’auguste aréopage. L’intéressé est « un individu qui aspire à occuper une importante fonction administrative mais ne peut travailler que quelques heures par jour », a précisé Abbas Ali Kadkhodaï, porte-parole du groupe. On est toujours le vieux de quelqu’un...
La cause de Machaeï est indéfendable. « Leader de secte », « déviationniste », espion, sorcier, adorateur du diable et même « juif » et « franc-maçon » notoire : les Fouquier-Tinville locaux font assaut d’accusations aussi vagues que virulentes pour dénoncer celui qui prétend entretenir un lien personnel avec le mahdi, l’imam caché du chiisme duodécimain, dont l’avènement marquera « le printemps de l’humanité ».
Bien sûr qu’il y a eu des contestations, plutôt timides. Sèche réponse des douze sages, article 115 de la Constitution à l’appui : nous pouvons refuser, sans avoir à en invoquer les raisons, toute démarche qui nous paraît injustifiée. D’ailleurs, avait lancé dès vendredi dernier un prédicateur, tout intéressé qui ferait mine d’objecter devra se préparer à être balayé par la déferlante populaire.
Crédules benêts que nous sommes qui découvrons aujourd’hui combien fausse est l’idée que nous nous faisions de la démocratie !
L’agitation préélectorale constatée ces derniers jours masque mal une inquiétude qui transparaît à travers certains discours officiels et les commentaires dans les médias. D’où la décision de lever tout semblant d’équivoque en accélérant l’exécution du programme nucléaire, l’engagement militaire, à travers le Hezbollah, aux côtés de la Syrie, enfin cette élimination hier dans la course à la magistrature suprême de tous les adversaires des tenants de la ligne officielle du régime. Il est clair que Khamenei ne veut pas d’une réédition du cafouillage ayant prévalu lors de la campagne de 2009, lorsqu’il lui avait fallu intervenir personnellement en faveur de son candidat (faute de mieux), Mahmoud Ahmadinejad. Cette fois, nul ne pourra barrer la voie au candidat de l’establishment, sinon une désaffection populaire qui se traduirait par une chétive participation le 14 juin prochain. Plutôt que de laisser les deux figures de proue d’une vague qui n’a rien de neuf s’affronter en un duel fratricide, assurant du coup le succès de son candidat, Khamenei a préféré ne pas courir de risque. Mohammad Reza Aref, seul réformateur parmi les huit noms retenus par le Conseil des gardiens, est certes l’ancien vice-président du charismatique Khatami, mais il ne possède qu’une mince assise populaire et semble ne concourir que pour la forme.
Un coup d’éclat demeure possible, qui verrait par exemple l’héritier de Khomeyni lever l’interdit qui frappe son « ami de 50 ans ». Ou encore l’actuel président de la République mettre à exécution sa menace de dévoiler les documents compromettants qu’il affirme détenir sur certains hauts dignitaires. Rafsandjani, à l’âge où tout homme aspire à jouir d’une retraite bien méritée, est toujours tenté de céder à l’attrait du pouvoir. Ahmadinejad de son côté, à l’âge où rien ne l’interdit, rêve encore à un retour sur la scène publique. L’un et l’autre affirment aujourd’hui faire confiance à la sagacité du détenteur de l’autorité suprême, lequel paraît avoir arrêté depuis longtemps son choix.
L’ouverture économique, la main tendue à l’Occident, les prémices d’un timide début de démocratisation de la vie publique, tout cela, c’était il y a quatre ans, une éternité. Les moins jeunes se résignent à accepter l’inéluctable. Les jeunes finiront eux aussi, veut-on croire à Téhéran, par s’y faire. Et puis, n’est-ce pas que les dernières statistiques du Centre national ont de quoi rassurer les mollahs ? Les moins de 20 ans représentent une tranche de la société en nette baisse, soit 32,2 pour cent, contre 37,4 pour cent en 2006. Et depuis 1986, le taux de fécondité est en chute libre.
Alors, vraiment trop vieux, Ali Akbar Hachemi Rafsandjani ?
L’Internet hoquette à s’étrangler depuis l’ouverture de la campagne électorale ; déjà sévères, les mesures de sécurité ont été considérablement renforcées ; les journalistes sont invités à méditer (à l’ombre) sur les aléas du métier ; bien que n’ayant plus rien à craindre puisqu’il vient d’être écarté de la course, Esfandiar Rahim Machaeï, l’homme qui...
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