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Liban - En dents de scie

La balade de Lucy Jordan et de Hassan Nasrallah

Dix-neuvième semaine de 2013.
Elle finira sûrement main dans la main avec Bacchus himself. Fantôme omniscient et omnipotent en son temple, le dieu croyait avoir tout vu, tout entendu. Mais ne pensait jamais verser autant de larmes, exhiber autant de sourires. Devoir cacher une pareille érection. Stocker dans ses tripes et ses rétines et ses tympans, ses tympans surtout, autant d’émotions. Parce que des cordes vocales comme celles-ci, il n’en existe pas. Plus. Ou si peu. Des cordes vocales d’aristo Sissi impératrice, petite-fille de Sacher-Masoch ; des cordes vocales de clocharde junkie, héroïnée jusqu’à l’os ; des cordes vocales coups de poing ; des cordes vocales baisers volés ; des cordes vocales Viagra ; des cordes vocales capables de raconter cent et une histoires chaque trois minutes, de projeter à elles seules 24 images par seconde : des cordes vocales épopées. Bacchus sera le dernier, sûrement pas l’ultime, à chavirer, à faire ouaf ouaf, à tendre la patte, à mendier d’elle une caresse, comme avant lui Angelo Badalamenti et Beck et David Bowie et Nick Cave et Jarvis Cocker et Étienne Daho et Alain Delon et Serge Gainsbourg et Jean-Luc Godard et Anthony Hopkins et Mick Jagger et Brian Jones et Sean Lennon et Roman Polanski et Lou Reed et Keith Richards et Gus Van Sant et Rufus Wainwright et Orson Welles... Et tous les autres. Des cordes vocales qui feront frémir ou sursauter les ruines, les (ré)animer dans tous les cas. Des cordes vocales comme une paume. Et des psaumes. Hosties et cocaïne. Who Will Take my Dreams Away, For Wanting you, As Tears Go By, Vagabond Ways, Les Prisons du Roy, Why D’Ya Do It, Boulevard of Broken Dreams, Sex With Strangers, She, Broken English, Crazy Love et toutes les autres peuvent faire croire en Dieu, en tous les dieux, peuvent guérir des lépreux, rallumer des Etna, pousser Bachar el-Assad à se livrer au premier tribunal international venu, permettre enfin au petit poisson et au petit oiseau de vivre heureux, longtemps, et d’adopter plein d’enfants.
Marianne Faithfull est un mythe vivant. Une monstresse sacrée. Désacralisée. Une lionne superbe et généreuse. Et elle sera le 17 août prochain dans le temple de Bacchus, au cœur (du festival) de Baalbeck. Personne ne pourra l’empêcher de s’y rendre, d’y (en)chanter, de déranger les pierres. Personne. Sauf Hassan Nasrallah.
Il en fallait, effectivement, du culot pour, plus bling bling que jamais en star pontifiante du (tout) petit écran, promettre au régime de Damas la libération du Golan alors que le gang Assad lui-même n’en a jamais voulu. Il en fallait du culot, et de l’inconscience, pour asséner comme un na ! assourdissant que la Syrie allait livrer de nouveaux types d’armes au Hezbollah. En un seul discours, ce brave sayyed a prouvé à qui en doutait encore que peut lui chaut, vraiment, s’il est libanais de passeport, d’identité, de chair ; prouvé combien restent secondaires la stabilité et la sécurité du Liban ; combien est méprisable, finalement, cet État et ceux qui l’incarnent, et que si des hommes du Hezb acceptent des postes de députés et de ministres, ce n’est aucunement par considération, par respect ou par empathie avec les institutions libanaises, mais uniquement pour servir un objectif bien plus large, bien plus ambitieux, bien plus létal : le bon plaisir de la wilayet el-faqih. Cette semaine Hassan Nasrallah, plus que jamais, était bien plus le gouverneur de la 32e province iranienne (le Liban) que le secrétaire général d’un parti qui n’a plus grand-chose, finalement, de libanais.
Alors, le Festival de Baalbeck, Marianne Faithfull, le Festival de Beiteddine, Angelin Preljocaj, le Festival de Byblos, les Pet Shop Boys, le Festival de Jounieh, Mika et Sardou, et tous les autres, M. Nasrallah s’en moque royalement. Royalement aussi, il balaie d’un revers de turban les réservations d’avions, d’hôtels, les plages et les restaurants et les pubs bondés, les emplois assurés, les devises étrangères. Tout cela peut bien aller se fracasser sur les murs métastasés, rances et sanglants de la Résistance telle que la conçoit le Hezbollah – et s’ils ne sont pas contents, qu’ils s’en aillent, qu’ils (é)migrent !
La résistance, justement, il est temps que M. Nasrallah comprenne qu’il n’en a furieusement pas le monopole. Que ce que les comités de Baalbeck, de Beiteddine, de Byblos, du Bustan, de Jounieh, de Zouk et d’ailleurs, ce que les artistes et tous ceux qui les aident font est de la résistance pure. De la résistance définitive. Et belle. Exactement comme celle du Hezb durant l’occupation israélienne. Exactement comme celle des autres durant l’occupation syrienne. À la seule différence que cette résistance culturelle sur laquelle les chefaillons du 8 Mars s’essuient les pieds, elle est féconde, elle est ivre de vie(s), et d’envies, et d’échanges, et de métissages. Pas de guerre perpétuelle, pas de kidnappings, pas de moumana3a crétine, pas de viol quotidien de l’État, pas de culture de mort.
Michel Sleiman, qui frôle la perfection depuis quelques mois, a courtoisement mais fermement tancé Hassan Nasrallah hier. En lui rappelant à quoi doivent uniquement servir les armes du Hezb et sous quelle autorité.
Sauf que, c’est combien de divisions Michel Sleiman ? C’est combien de divisions, des festivals libanais ? C’est combien de divisions un été libanais réussi, quand, en face, pire que l’arsenal hallucinant, pire que les tee-shirts noirs, pire que les ordres perses, il y a cette arrogance tellement démesurée, tellement gigantesque, tellement autosuffisante qu’elle en devient littéralement vomitive ?
Dix-neuvième semaine de 2013.Elle finira sûrement main dans la main avec Bacchus himself. Fantôme omniscient et omnipotent en son temple, le dieu croyait avoir tout vu, tout entendu. Mais ne pensait jamais verser autant de larmes, exhiber autant de sourires. Devoir cacher une pareille érection. Stocker dans ses tripes et ses rétines et ses tympans, ses tympans surtout, autant d’émotions....

commentaires (5)

CORRECTION ! MERCI : "On Peut affirmer que ce genre "humain", PLUTÔT MALSAIN...."

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 11, le 12 mai 2013

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Commentaires (5)

  • CORRECTION ! MERCI : "On Peut affirmer que ce genre "humain", PLUTÔT MALSAIN...."

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 11, le 12 mai 2013

  • TOUTES LES CHANSONS ET TOUTES LES DANSES ONT UNE FIN !

    SAKR LOUBNAN

    14 h 44, le 12 mai 2013

  • The Ballad of Lucy Jordan, un des meilleurs morceaux de Marianne Faithfull, avec sa belle voix rauque et engageante. Le discours de Hassan Nisrallah, une des meilleures preuves de la non-libanite de cet homme qu'on avait beaucoup aime il y a un temps lointain, tres lointain, et qui nous montre son vrai visage maintenant. Liberer le Golan? Liberer la Palestine? Non seulement il ne verra pas ca dans un zillion d'annees, pas grave, pas notre probleme, mais ce a quoi il nous entraine est un remake de 2006, une autre victoire divine qui sera tres probablement divinement fatale pour notre pauvre pays. Bravo Hassan Nisrallah et bravo son plus ardent supporter, Michel Aoun (celui-la en tous cas on l'a jamais aime, ni maintenant ni il fut un temps lointain!)

    Fady Challita

    09 h 39, le 11 mai 2013

  • On Peut affirmer que ce genre "humain" est plein d'imperfections, mais on ne peut que se montrer indulgent mais déçus si l'on songe à l'époque où il fut créé ! Car les siècles ont eu beau leurs jalons poser, il semble qu’il n'ait pas fait sur le plan éthique assez de progrès. Il n'est que d'éponger l'actualité pour constater que pour jauger cet "humanisé", l’un des rudes labeurs est d’extraire de son âme la Malsanité. Il est à espérer que cela ira mieux, ce qui n'est pas sûr si l'on en croit certains qui, après avoir pronostiqué l'Histoire et sa Fin, prédisent La Fin de Tout Humain Sain ! Après avoir énoncé un truisme de la plus belle eau, comme quoi toute Menace de Liberté est une altération de la Malsanité, ils se disent persuadés qu'un Tri aboutira à la création d'individus sélectionnés pour leur Fine excellence dans la Malsanité. Ce qui provoquera chez les 2nds choix Sains ; clonés à la va-vite et régénérés en série ; d’Insupportables J a l o u s i e s ! Et comme la Malsanité sera gavée par leur pharmacologie Traficotée, que l'allongement de la durée de sa vie recouvrira ce Kottor-contrée d'une couche d'incompressibles Malsains et que, in fine, cette Malsanité toute en plasticité avec cellules souches capables de se régénérer à l'identique conduira aux portes de l'Immoralité, cette Montagne Campagnardisée "fertiliséééée" de Malsanité restera perhaps très délicate à arpenter.... Yâ hassértéhhh !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    09 h 08, le 11 mai 2013

  • C'est tout simplement le Liban que Hassan Nasrallah "balaie d'un revers de turban" et avec l'effronteire la plus monstre. Oui, c'est une nausée mortelle que cela donne.

    Halim Abou Chacra

    03 h 57, le 11 mai 2013

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