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Moyen Orient et Monde - Le point

Stérile proximité

En observant sa mine perpétuellement renfrognée et sachant qu'il ne saurait ignorer la difficulté de la mission dont il a hérité à la mort de Yasser Arafat, on se dit que l'heure n'est plus à l'optimisme, à supposer qu'elle l'ait jamais été. Mais nonobstant la multiplicité des problèmes, Mahmoud Abbas ne veut pas désespérer, imité en cela par Benjamin Netanyahu. L'un juge, au vu des efforts entrepris, qu'« il ne faut pas perdre patience » ; l'autre se dit prêt à reprendre la négociation directe « n'importe quand, n'importe où ». Dès lors, pourquoi, au lendemain d'un premier round où les sourires (un peu contraints tout de même) étaient de rigueur, ce sentiment que non, rien ne va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? À cause sans doute de l'impression de déjà-vu, de la conviction que, de part et d'autre, on est en train de mentir et surtout parce que l'Amérique, pour la première fois peut-être depuis longtemps, se retrouve à court et de carotte et de bâton.
Curieuses négociations que celles-ci dites « de proximité ». Dans la pratique, cela s'est traduit par une navette de l'inusable George Mitchell entre Jérusalem - que Washington ne reconnaît toujours pas comme étant la capitale de l'État hébreu... - et Ramallah, siège de la Mouqata'a, pauvre hochet que ne hante plus le fantôme d'Abou Ammar. Dans la réalité, il semble bien qu'aucun des partenaires, ainsi que l'« honest broker » que prétendent être les États-Unis, ne soit de taille à s'attaquer au problème numéro un du Proche-Orient. Le Premier ministre israélien veut conserver la grande majorité de la vallée du Jourdain et maintenir la fiction d'une ville qui, un jour, ne comporterait plus de « partie arabe ». En outre, il ne cesse de répéter, sans réussir à convaincre grand monde, qu'il est favorable au principe de deux États tout en travaillant à le vider de sa substantifique moelle, avec le concours des colons. Prisonnier des « durs », indispensables au maintien de sa coalition, c'est-à-dire aussi bien les parlementaires d'Israël Beiteinu, la formation d'Avigdor Lieberman, que ceux du très religieux Shass, il cherche à gagner du temps dans l'espoir que Washington finira par lâcher prise.
Or que dit-on à la Maison-Blanche ? On sait aujourd'hui qu'Abou Mazen s'est décidé à reprendre un contact interrompu depuis dix-huit mois parce que l'administration Obama a laissé entendre qu'en cas de poursuite de la politique d'implantation, elle n'opposerait pas de veto à une condamnation au Conseil de sécurité. L'argument a pesé lourd, couplé à la conviction - affichée surtout par les militaires US - que les manœuvres dilatoires israéliennes entravent les efforts de paix, notamment en Irak et en Afghanistan, et font le jeu des Iraniens, particulièrement actifs à travers le Hamas à Gaza et le Hezbollah libanais. D'autant plus inquiétant que l'Aipac, le lobby sioniste de la capitale fédérale, hier encore tout-puissant, manifeste des signes évidents d'essoufflement.
Affaibli, Abbas l'est tout autant, sinon plus, que le chef du gouvernement israélien. Ceux des pays arabes qui le soutiennent le font du bout des lèvres, l'Égypte en premier, toute à ses problèmes de succession. La Syrie, elle, ne donne pas des signes d'assouplissement de sa position, hostile à ce qu'elle considère comme une reddition pure et simple face au diktat de l'ennemi. Du moins tant qu'elle n'aura pas retrouvé grâce aux yeux des USA, le premier signal devant être représenté par un agrément du Sénat à la désignation du nouvel ambassadeur à Damas, Robert Ford, dont le nom avait été retenu dès le 16 février pour ce poste vacant depuis 2005, un blanc-seing qui vient d'être refusé par les républicains. Et ce n'est certes pas la (très remarquée) relance des contacts avec la Russie, avec la visite cette semaine de Dmitri Medvedev, qui va porter Bachar el-Assad à mettre de l'eau dans son vin. Quant à la Ligue arabe, son aval aux pourparlers, qui devraient reprendre dans une semaine, on ne saurait dire qu'il représente à proprement parler un atout de taille pour le président de l'Autorité palestinienne.
Confronté au risque d'une impasse qui constituerait pour lui une source nouvelle de fragilisation, Obama se voit condamné à aller de l'avant. En clair, à charger ses « Middle East boys » d'élaborer le plus rapidement possible un plan d'action qui représenterait un peu plus qu'une « feuille de route » et un peu moins qu'une sortie de crise en bonne et due forme. À ce jour, son approche du dossier n'a pas été particulièrement heureuse, avec un départ en flèche, suivi d'un freinage brutal et d'une marche arrière du plus mauvais effet. Un peu plus de poigne compenserait l'évident désintérêt des Israéliens et la non moins évidente faiblesse de Mahmoud Abbas. Le facteur temps pourrait ne pas sonner une nouvelle fois.
En observant sa mine perpétuellement renfrognée et sachant qu'il ne saurait ignorer la difficulté de la mission dont il a hérité à la mort de Yasser Arafat, on se dit que l'heure n'est plus à l'optimisme, à supposer qu'elle l'ait jamais été. Mais nonobstant la multiplicité des problèmes, Mahmoud Abbas ne veut pas...
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