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Culture - Festival al-Bustan

Omniprésence du pèlerin polonais avec Yundi

Omniprésence de Chopin avec Yundi, un pianiste de vingt-huit ans qui, de la Grande Muraille de Chine, rejoint à l'auditorium Émile Bustani, avec éclat et charisme, les plus belles pages du pèlerin polonais au clavier. Une interprétation hors norme, pour mieux découvrir et inventer Chopin. Un vent de fraîcheur a soufflé sur ces pages pourtant si ressassées.

 (DR)

Rien que du Chopin, poète absolu du piano, pour ce jeune virtuose (comment en serait-il autrement pour ce bicentenaire qui se célèbre fastueusement en envahissant écrans de télévision, ondes de radios, villes et salles de concerts du monde?) pour servir, avec une aussi rare acuité, puissance, sentiments, précision, mais aussi originalité, des partitions éminemment évocatrices et envoûtantes.
De Nocturnes en Polonaises, en passant par la Sonate n°2 et les Mazurkas, toute l'inspiration de l'illustre vacancier de Valldermossa à Majorque est là. Des pages allant des rêveries d'un promeneur solitaire à l'emprise de l'angoisse de la mort et sa funeste consolation, en passant par les tourmentes et le spleen de la nostalgie entre exil et bouffées nationalistes polonaises, voilà presque tous les ingrédients de la mythologie «chopinienne» mise à nu.
Ce grand livre de lecture aux images sonores éblouissantes (qui semble aussi le sien), Yundi le propose en touches à la fois fermes, délicates et d'une extrême précision, où célérité et sereine harmonie s'équilibrent en un subtil sens des contrastes. Sans parler de ces mains qui, de gauche à droite, n'en finissent pas d'étonner.
Frac noir, nœud papillon blanc sur col cassé, chaussures noires lustrées, cheveux d'ébène dans la nuque, voilà le pianiste à sa première révérence sur scène. Gracieuse révérence avant son superbe et précautionneux lâcher des premières notes comme une insaisissable kyrielle de lucioles luisantes, translucides, luminescentes et aériennes pour ouvrir la frileuse et capiteuse ronde de cinq Nocturnes.
Humeur variable et changeante pour ces Nocturnes se déployant indolemment telle une promenade «rousseauiste» entre mélodies, cadences et rythmes invoquant tout de la nuit. Ses frôlements, son velours, ses mystères, ses effluves passionnés, ses murmures, ses obsessions, ses libérations.
De la chavirante rêverie du Nocturne Op 9 n°1 habitée par la tendresse et la nostalgie aux fortissimos du Nocturne op 48 n°1 aux indécisions tempérées, en passant par la véhémence et le feu de l'Op 15 n°2 ainsi que de l'incantation et la prière de l'op 27 n°2, ces nocturnes demeurent à jamais un joyau du répertoire pianistique. Ils enferment dans leur écrin scintillant un trésor d'émotions, où l'on retrouve toute la palette du romantisme frémissant de Chopin. Un Chopin certes connu, mais rarement aussi bien servi malgré ces légères embrouilles de doigts qui, brusquement, s'écrasent.
Pour boucler la première partie du programme, on enchaîne avec la transcendante Andante spianto et la Grande Polonaise brillante op 22(14'), où l'on retrouve les chromatismes les plus échevelés, les arches sonores les plus proches d'un arc-en ciel et ces accords orageux qui font toute la sophistication de l'art du génie de Zelozowa Wola.

Des cadences chaloupées
Petit entracte avant de reprendre avec quatre Mazurkas op 33( 10), ces danses jaillies du cœur même de la campagne polonaise et qui, dans les salons lambrissés du XIXe siècle, de Varsovie à Vienne, en passant par Paris et Berlin, ont pris une tournure d'élégance bien différente. Mélodies vibrantes de vie pour des cadences chaloupées avec des phrases parfois au cou long comme ceux des cygnes qui glissent sur des eaux faussement lisses et calmes.
Et arrive cette grandiose Sonate n°2 (op) 23 où la mort, archange aux ailes déployées, fait frissonner tout l'auditoire. Silence de mort pour cette œuvre terrifiante dans sa beauté hardie et ses accords alternés. On déplore l'ignorance de certains auditeurs et leur inutile témérité à vouloir absolument applaudir quand cette grave narration est à son second souffle et que l'artiste, déjà en transe, s'apprête à attaquer un cortège funèbre où la crinière d'un cheval blanc ou noir fraye son chemin entre larmes, douleur, deuil et ultime consolation.
Pour terminer, incontestablement en brio, en grappes de notes opalescentes et triomphales, en rubato menaçant comme une arme, La Polonaise Héroïque op 53 ( 7'). Éruptive, volcanique, impétueuse, incandescente Polonaise où coule en lave bouillonnante toute la passion de Chopin pour la Pologne. Un Chopin au paroxysme de ses sentiments nationalistes mêlant dans son exaltation galop de la cavalerie, canonnades, fumées de batailles enragées et fanion de la liberté.
C'est épuisé et les cheveux plaqués au front par la transpiration que Yundi salue un auditoire littéralement envoûté et si nombreux qu'il a même assailli les strapontins.
Deux bis, même en état d'extrême fatigue. Tout d'abord, comme pour prolonger la magie du clavier, un morceau de Liszt, une autre superstar du clavier de l'époque romantique, et ensuite, nouveauté et surprise pour le public toutes oreilles tendues, ce lointain et inconnu Sunflower de Jzhong Wang.
Connaissez-vous ce musicien au nom si bien chinois? Peu importe, vous n'avez qu'à écouter, Yundi est au clavier.
Rien que du Chopin, poète absolu du piano, pour ce jeune virtuose (comment en serait-il autrement pour ce bicentenaire qui se célèbre fastueusement en envahissant écrans de télévision, ondes de radios, villes et salles de concerts du monde?) pour servir, avec une aussi rare acuité, puissance, sentiments, précision, mais aussi...

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