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À La Une - Liban - Urbanisation

Zéro pointé pour la proposition sur « l’étage Mikati »

Une pétition mise en place par des universitaires, des chercheurs, des urbanistes professionnels, des activistes et des membres de la société civile réclamant l’arrêt de la loi dite « loi du bâtiment vert » ou plus communément « l’étage Mikati », est mise en ligne depuis quelques semaines. Les auteurs de la pétition pointent du doigt les pratiques usurpatrices qui découleront de cette loi – conçue pour financer la nouvelle grille des salaires – ainsi que les conséquences néfastes qu’elle aura sur la santé publique des citoyens. Le Conseil des ministres tente, lui, tant bien que mal de défendre le projet de loi.

Une vue de Beyrouth. Archives AFP

Le débat sur la grille des salaires sera certainement l’un des dossiers les plus chauds de l’année en cours. Outre l’importance de devoir impérativement se pencher sur la grille des salaires de la fonction publique (et l’urgente réforme de celle-ci), c’est surtout l’aberration d’un oui en Conseil des ministres, suivi d’un non et de toutes les nuances de tergiversations à la sauce libanaise qui s’ensuivent. Rappelons que la nouvelle grille des salaires avait été approuvée en Conseil des ministres en septembre dernier, mais pour être adoptée, il aurait fallu qu’elle soit ratifiée par le Parlement. Une étape qui n’a pas l’air de se concrétiser de sitôt, « faute de moyens », souligne le gouvernement. Une excuse qui enrage les syndicats qui manifestent dans les grandes villes du pays depuis des semaines. Les syndicats accusent le gouvernement de tergiverser alors que les couches les plus défavorisées de la société font figure de victimes idéales d’un recul du pouvoir d’achat doublé d’une inflation galopante ; une inflation de l’ordre de 110 % depuis 1996.


Force est de noter que les fonctionnaires n’ont pas eu droit à des hausses de salaires depuis 16 ans déjà... Alors pour pallier le manque de financement, le gouvernement a mis en place certaines mesures qui devraient grossir les revenus étatiques. Parmi ces mesures, la « loi du bâtiment vert » ou « loi du bâtiment durable » également estampillée « l’étage Mikati » en référence au Premier ministre Nagib Mikati. Le projet de loi proposé par ce dernier et qui rappelle étrangement le célèbre « étage Murr » préconise une augmentation des coefficients d’exploitation des bâtiments, c’est-à-dire une hausse des ratios qui déterminent les hauteurs et surfaces bâties des propriétés. En d’autres termes, le projet de loi propose de construire des surfaces additionnelles sur tous les bâtiments du Liban, tant que ceux-ci adhèrent à des critères « durables » ; des critères qui devraient être spécifiés dans les futurs décrets d’application.
Le projet de loi est très critiqué dans une pétition mise en place par des universitaires, des chercheurs, des activistes et des membres de la société civile. La pétition, qui a déjà récolté plus de 1 000 signatures depuis sa mise en ligne le 7 mars 2013, a pour objectif de sensibiliser les acteurs nationaux aux conséquences économiques, environnementales et sanitaires de ce projet de loi.

Un danger pour une ville déjà asphyxiée
« Le projet de loi est une catastrophe pour l’environnement », fustige Mona Harb, urbaniste et politologue, professeure à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et une des personnes qui ont rédigé la pétition qui met en garde contre les dangers de « l’étage Mikati », s’il venait à être adopté. Interrogée par L’Orient-Le Jour, Mona Harb souligne d’emblée que c’est un projet de loi qui bénéficierait aux promoteurs immobiliers, aux dépens des espaces verts, de l’amélioration des services urbains et de la santé publique. « La hausse des coefficients d’exploitation est une aberration pour le paysage naturel surtout dans des villes comme Beyrouth où la densification urbaine atteint des sommets et où les espaces verts sont pratiquement inexistants », souligne-t-elle. De plus, l’experte met en avant le fait que l’application de la loi ne sera pas respectée. Entre autres, Harb indique que, pour que toutes les conditions soient respectées, il faudrait forcément trouver de nouvelles places de parking, réhabiliter les services urbains (eau, électricité, réseau d’assainissement, etc). « L’étage supplémentaire dit étage vert est extrêmement coûteux. Le coût du mètre carré sera démultiplié puisque le coût des matériaux des constructions dites “vertes” est très élevé.

Construire “vert” sous-entend un cycle de construction qui est différent de celui des constructions “normales” », explique Mona Harb qui précise « qu’il ne suffit pas d’ajouter quelques bacs à fleurs pour qu’un étage soit considéré comme “vert” ».
« Dans les pays qui se respectent, les taxes foncières servent à améliorer les services urbains et à créer des espaces verts pour permettre aux villes très denses de souffler, et non pas à financer la grille des salaires de la fonction publique », martèle-t-elle enfin.

Daher : Les prix du foncier augmenteront forcément
Interrogé par L’Orient-Le Jour, Samir Daher, conseiller auprès du Premier ministre Nagib Mikati, tente de répondre à ces critiques. S’il avoue que le projet de loi mènera à une augmentation de la densité urbaine et à une hausse des prix du foncier, il tempère toutefois les conséquences « catastrophiques » que ce projet de loi aura sur les villes libanaises et ses citoyens. M. Daher indique que si ce projet de loi mènera forcément à une augmentation des prix du foncier, cela ne veut pas nécessairement dire que les prix des appartements augmenteront. Parallèlement, il insiste sur le fait que les bâtiments qui bénéficieront de ce projet de loi doivent au préalable avoir fait preuve qu’ils peuvent soutenir le futur étage en termes de places de parking, de normes acoustiques, de réseaux d’évacuation, de coûts environnementaux, etc. Samir Daher indique en outre que 10 % des mètres carrés construits au Liban sont dans la capitale, 60 % au Mont-Liban et 30 % répartis sur le reste du territoire, donc la capitale ne sera pas touchée outre mesure par une augmentation de la densification.


Encore un projet de loi qui n’aborde aucunement la possibilité de mettre en avant des mesures de réduction des pratiques de corruption galopante et passe ainsi outre à l’éventualité de financer la grille des salaires par des mesures nettement plus efficaces et moins crapuleuses. Affaire à suivre...

 

 

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