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À La Une - L’éclairage

Le Hezbollah et les affres de l’acte d’accusation bulgare

L’acte d’accusation bulgare impliquant le Hezbollah dans l’attentat de Burgas, qui avait provoqué la mort de cinq soldats israéliens et d’un ressortissant bulgare, constitue un nouvel obstacle de taille pour le Premier ministre Nagib Mikati. Le président du Conseil, qui s’était rendu à Sofia dans le cadre d’une tournée européenne, a annoncé sa volonté de coopérer avec les autorités bulgares. L’initiative bulgare s’est accompagnée d’une demande de la part du nouveau secrétaire d’État américain, John Kerry, auprès de la responsable de la Sécurité et des Affaires étrangères au sein de l’UE, Catherine Ashton, de classer le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes. Elle s’est également accompagnée d’un mouvement de troupes israéliennes à la frontière syro-libanaise, où des batteries de missiles Patriot ont été installées, selon des sources diplomatiques occidentales.

 

Selon des informations filtrées par des responsables sécuritaires israéliens, 2013 sera l’année de la guerre au Liban, le Hezbollah s’étant doté de missiles et d’armes sophistiqués. Pour Tel-Aviv, sa destruction est devenue une nécessité maintenant, avant qu’il ne devienne trop puissant.


Cependant, un diplomate occidental confirme que la décision de classer le Hezbollah dans la liste des entités terroristes est loin de faire l’unanimité en Europe. Et pour cause : cela risquerait de compromettre, entre autres, la sécurité des contingents européens de la Finul qui se trouvent au Liban-Sud.

 

(Lire aussi : Affaire Burgas : un flou total entoure les positions des pays de l'UE)

 

Des responsables occidentaux suggèrent ainsi la nécessité d’opérer une distinction entre le « bras armé » du Hezbollah et l’aile politique du parti, représentée à la Chambre et au gouvernement, une approche déjà entreprise par la Grande-Bretagne, dans le but d’aider à une mutation de la formation paramilitaire en parti politique dans la pleine acception du terme. D’ailleurs, le Hezbollah n’est pas mis au ban par beaucoup de pays européens, qui entretiennent des relations avec des responsables de ce parti.


Des sources sécuritaires bien informées affirment, dans ce cadre, qu’un débat se produit depuis plus d’un an au sein du conseil exécutif du parti sur la nature de l’étape à venir, ce qui a retardé la tenue de son congrès général et l’élection de ses nouveaux cadres. Selon ces sources, deux courants s’opposent ainsi. Le premier camp continue de prôner la politique de la confrontation, le recours à la violence et la nécessité de conforter la mainmise du parti sur l’appareil d’État libanais, ce qui passerait par l’urgence de maintenir en place le cabinet Mikati et provoquer un report des élections. Le vide politique arrangerait le Hezbollah, formation politique la plus disciplinée et la plus organisée du paysage politique libanais, alors qu’il sèmerait la confusion dans les rangs de ses adversaires.

 

(Lire aussi : « Le Liban ne doit pas se laisser entraîner dans un conflit qui n’est pas le sien », avertit le Quai d’Orsay)

 

Cette option est défendue par la branche du parti proche des gardiens de la révolution islamique en Iran, c’est-à-dire l’aile sécuritaire.
Le deuxième camp, lui, souhaite promouvoir le dialogue et la négociation avec les différentes parties libanaises afin de dégager un consensus sur les questions en suspens. Ces « colombes » du parti fondent leur argumentation sur le changement de la donne stratégique sur le terrain, induite par l’effondrement du principal allié de Téhéran et du Hezbollah dans la région, le régime de Bachar el-Assad.

 

Pourquoi alors s’aliéner d’ores et déjà l’opposition syrienne qui risque de se retrouver au pouvoir ? Pourquoi pousser dans le sens de la confrontation chiito-sunnite ? Pourquoi se mettre totalement en travers du printemps arabe en jouant son va-tout sur un cheval perdant et en campant sur des positions rigides... à l’heure où Washington et Téhéran sont en pleines négociations ? Pour ces « colombes », le pari de la « résistance » et de la « moumanaa » ne rapporte plus : même le Hamas a quitté Damas pour Doha et Le Caire, et il faut garder à l’esprit que John Kerry, un partisan du dialogue avec l’Iran, va déployer tous ses efforts dans les mois à venir pour relancer les négociations israélo-palestiniennes...

 

(Lire aussi : Le Hezbollah dénonce une "campagne israélienne")


C’est dans ce contexte qu’un responsable sécuritaire révèle qu’une délégation du Hezbollah lui a récemment rendu visite et lui a proposé de parrainer un deal politique entre le 14 et le 8 Mars, et plus spécifiquement entre le Hezbollah et le courant du Futur. Mais le dialogue n’a pas été très loin, le parti chiite ayant refusé de donner un gage de bonne intention en acceptant le dialogue sur le sort de son arsenal, la remise à la justice des accusés dans les dossiers Hariri et Harb et l’abandon de toute couverture politique au cabinet Mikati en vue de la formation d’un nouveau gouvernement chargé de superviser les élections. En fait, le Hezbollah est à la recherche d’un marché au plus vite, mais sans la moindre concession, puisqu’il est actuellement en position de puissance. Mais le temps joue en sa défaveur, et il le sait, d’où sa volonté manifeste pour l’instant de calmer le jeu, d’éviter les polémiques et de jouer la carte de la coopération avec les institutions étatiques.


Il reste deux questions fondamentales : comment faire obstruction au « build-up » américano-israélien qui se construit actuellement contre le Hezbollah après l’acte d’accusation bulgare, et, surtout, comment empêcher que l’affaire Burgas n’emporte définitivement le cabinet Mikati, qui est en fait, dominé par le parti chiite. Deux questions existentielles pour le Hezb et ses alliés – et toujours sans réponses.

 

 

Pour mémoire

« L’homme parlait anglais, avec un accent peut-être arabe... »
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