Rechercher
Rechercher

À La Une - L'homme de la semaine

Aaron Swartz, le "hacker extraordinaire" qui a bouleversé le Web

Le suicide du co-fondateur du réseau social Reddit relance le débat sur la loi sur le crime informatique aux Etats-Unis.

Aaron Swartz, co-fondateur du réseau social Reddit, et militant pour l'accès libre à Internet, a été retrouvé mort pendu à son domicile à Brooklyn vendredi dernier. NOAH BERGER / Reuters

"Adieu à Aaron Swartz, hacker et militant extraordinaire". Le suicide, dimanche dernier, de ce génie informatique américain, âgé de 26 ans, a ému la toile sur laquelle ont fleuri les hommages et messages, à l'instar de celui lancé par le site Internet Electronic Frontier Foundation, qui a salué "un ami et collaborateur" de l'association de défense des droits dans le monde numérique.

 

Aaron Swartz, co-fondateur du réseau social Reddit très en vogue aux Etats-Unis, et militant pour l'accès libre à Internet, a été retrouvé mort pendu à son domicile à Brooklyn vendredi dernier.

L'informaticien, qui avait participé à l'élaboration du format RSS à l'âge de 14 ans, devait comparaître le 1er avril devant la justice. Il était accusé d'avoir volé en 2011 des millions d'articles scientifiques et littéraires à JSTOR, un service d'archivage en ligne de publications universitaires et scientifiques, accessible uniquement par abonnement.

Le jeune homme avait téléchargé ces milliers de données en laissant, pendant deux jours, un ordinateur caché dans un placard du prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology).

Risquant jusqu'à 35 ans de prison et un million de dollars d'amende, il plaidait non coupable.

 

A la suite de son arrestation en 2011 à Boston, son organisation de lutte contre la censure Demand Progress avait protesté en disant que ces poursuites "n'avaient pas de sens". La famille et les amis du militant ont également reproché à la justice et au MIT, à l'origine des poursuites, de porter une part de responsabilité dans ce suicide.

 

 

"Hackers pour le droit, nous sommes un de moins"

"La mort de Aaron n'est pas une tragédie personnelle, c'est le fruit d'un système de justice qui a dépassé les bornes. Les décisions prises par la justice du Massachusetts et le MIT ont contribué à sa mort", dit la famille dans un communiqué publié sur un site à la mémoire du jeune homme rememberaaronsw.tumblr.com.

Contacté par l'AFP, le bureau du procureur s'est refusé à tout commentaire "par respect pour la famille".

 

Le président du MIT, L. Rafael Reif, a pour sa part exprimé sa tristesse à l'égard du "décès de ce jeune homme prometteur qui a touché la vie de tant de personnes". "Cela me peine de penser que le MIT a joué un certain rôle dans la série d'évènements qui se sont terminés par cette tragédie", a-t-il déclaré en chargeant un universitaire de diligenter "une analyse en profondeur" de l'implication du MIT dans l'affaire du JSTOR.

 

L'inventeur du web (World Wide Web) Tim Berners-Lee a de son côté indiqué dans un tweet : " Aaron est mort. Vagabonds du monde, nous avons perdu un sage. Hackers pour le droit, nous sommes un de moins. Parents, vous avez perdu un enfant. Pleurons".

 

Un des amis du jeune homme, Larry Lessing, s'est emporté sur le site Boingboing.net contre la justice qui avait accusé Aaron Swartz d'avoir "volé" des biens "valant des millions de dollars".

"Aaron n'a jamais rien fait dans sa vie pour +faire de l'argent+", il ne travaillait que pour l'intérêt général, il était brillant, drôle, c'était un gamin génial".

 

Il y a deux ans, le FBI avait lancé une enquête contre le jeune informaticien qui avait publié des documents de la cour fédérale américaine normalement accessible contre paiement. En 2008, il fallait payer huit cents par page. En moins de trois semaines, il avait réussi à charger plus de 18 millions de pages d'une valeur estimée à 1,5 million de dollars.

Aucune charge n'avait alors été retenue contre le jeune homme.

 

 

Victime du "zèle procédural" de l'Etat

La mort d'Aaron Swartz alimente ainsi des critiques aux Etats-Unis contre une législation sur les crimes informatiques "draconiens".

"Aaron Swartz risquait une peine de prison plus sévère que des tueurs, des trafiquants d'esclaves et des braqueurs de banque", dénonce Ian Millhiser du Center for American Progress Action Fund.


Une pétition en ligne demandant la récusation des procureurs en charge de l'affaire avait déjà réuni 31.000 signatures mardi, et une autre réclamant son pardon posthume 21.000 signatures. Une pétition séparée adressée à la Maison blanche et réclamant une modification de la loi de 1986 sur les crimes informatiques en a rassemblé pour sa part 23.000.

 

Cette loi est "draconienne", et la changer rendrait hommage à Aaron Swartz, estime Marcia Hofman de l'Electronic Frontier Foundation. "Quand le gouvernement fédéral s'en est pris à lui, (...) ils ne l'ont pas traité comme une personne qui avait peut-être fait quelque chose de stupide. Il était un exemple", juge aussi Danah Boyd, une chercheuse de Microsoft qui donne également des cours à l'université de Harvard.

 

Robin Corey, spécialiste en sciences politiques au Brooklyn College, a aussi souligné que Aaron Swartz n'était "malheureusement qu'une des victimes" du "zèle procédural" de l'Etat.

 

Certains experts en droit estiment toutefois que les autorités se sont contentées d'appliquer la loi. Les charges retenues contre Aaron Swartz "étaient basées sur une lecture juste de la loi" et sur "une jurisprudence établie", a estimé dans un blog Orin Kerr, un spécialiste du droit des crimes informatiques à l'université George Washington.

Cette analyse ignore toutefois "la culture du piratage du MIT, qui encourage le genre d'activité informatique rebelle dans laquelle Swartz était engagé", rétorque Ted Frank, un chercheur de l'Institute for Legal Policy de New York. 

 

 

Fuir un monde "teinté de tristesse"?

Mais le jeune informaticien souffrait aussi de longue date de dépression, selon ses amis.

"Aujourd'hui, tout le monde se demande si Aaron ne s'est pas tué parce qu'il ne voulait pas aller en prison. Peut-être. Mais Aaron souffrait aussi de dépression depuis de nombreuses années", écrit sur Boingboing.net Cory Doctorow, militant de l'Internet et ami du jeune homme, Aaron "en avait parlé publiquement et en parlait avec ses amis".

En 2007, Aaron Swartz avait publiquement évoqué l'idée du suicide, selon le New York Times qui lui consacrait dimanche une demi-page. Sur son blog, il évoquait ainsi un monde "teinté de tristesse".

 

Pour mémoire:

Seize sites Web gouvernementaux piratés au cri de « Faites-vous entendre ! »

 

Liban : quatre sites web du gouvernement piratés, naissance d'un Anonymous Lebanon?

"Adieu à Aaron Swartz, hacker et militant extraordinaire". Le suicide, dimanche dernier, de ce génie informatique américain, âgé de 26 ans, a ému la toile sur laquelle ont fleuri les hommages et messages, à l'instar de celui lancé par le site Internet Electronic Frontier Foundation, qui a salué "un ami et collaborateur" de l'association de défense des droits dans le monde...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut