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À La Une - Le billet

Fier d’être néchinois

L’entrée du village de Néchin, en Belgique, où l’acteur français Gérard Depardieu est désormais domicilié.                   Photo AFP

Quel mépris ! Quel mépris ! Oh, pas envers moi. Enfin si, un peu quand même, mais ça, c’est pas grave. Ça fait un moment que les Français m’ont tourné le dos. Je me souviens du temps où une chute de scooter sous l’emprise de l’alcool m’aurait hissé au rang de héros national. Aujourd’hui, dans cette France aseptisée qui a le goût du jus d’herbes et le parfum de la détox, moi, Gérard Depardieu, je ne suis plus une icône mais un soulard déchu. Un « minable », comme l’a dit Ayrault, le second du grand mou. Moi, Gégé, coupable de m’être tiré chez les Belges avec ma cagnotte.
Qu’on me traîne dans la boue, m’en fous. Mais qu’on manque de respect à Néchin, alors ça, je peux pas accepter !
À aucun moment, ça les a effleurés les mesquins que j’aie pu avoir envie de m’installer à Néchin pour Néchin, et pas contre le fisc ?

Néchin, c’est un beau petit village belge. Un vrai village bourré de charme. Regarde, la rue de la Reine Astrid, par exemple. C’est la rue qui m’emmène vers la mère patrie, et celle où se trouvent ma nouvelle maison et le bar. D’accord, la maison que j’ai choisie, c’est pas la plus gracieuse du village. Ceci dit, t’as vu mon gabarit ? Tu me voyais quand même pas dans une réplique du château de Neuschwanstein ?

La villa, elle est massive, mais il y a une piscine. Dans mon hôtel particulier parisien du Cherche-Midi, pas de piscine. Pour aller piquer une tête, c’est le bassin municipal de la rue Lobineau, des horaires alambiqués, trois euros l’entrée, avec, en prime, port obligatoire du slip moulant et du bonnet de bain façon vieille dame. Dans ma villa néchinoise, je me baigne quand je veux, et à poil si ça me chante.

La rue de la Reine Astrid, elle serpente tout gentiment de maisons ordinaires en grosses villas. Une belle diversité tu vois, un melting-pot comme disent les angliches. Melting-pot humain aussi. Regarde, au niveau des voisins, entre Éric le garagiste, un bon petit gars qui sait lever le coude, et les Mulliez, la famille Auchan en gros, c’est pas de la belle variété ça ?

Attention, Néchin c’est aussi un village qui a de la culture : une église consacrée par l’évêque de Tournai, avec un portail sculpté du XIIIe siècle. C’est pas du IKEA quoi.

Et puis à Estampuis, juste à côté de Néchin, il y a la bibliothèque. L’inscription annuelle est gratos, même pour moi. Je peux y louer un DVD à 1 euro. Ça me ferait presque passer l’envie de pirater. Et ils ont toute une gamme de magazines : Déco idées, Bricoliers, Essentiel jardin, Rustica pratique tout en un... De quoi satisfaire mon envie pressante de lazurer les murs et de planter des choux.

On s’est demandé pourquoi, quitte à quitter Paris et ses agents du fisc, je n’optais pas carrément pour l’urbaine Bruxelles. Remise à niveau pour les ignares : ça ne fait pas un mois que je suis néchinois, et j’ai déjà ma carte de l’Union colombophile de Néchin et de l’association philatélique d’Estaimpuis.

Côté sport, je suis bien servi aussi. J’ai tout de même eu une petite hésitation. J’ai failli rejoindre les amis de la boule, mais quand j’ai découvert qu’ils étaient, en fait, les amis de la bourle, j’ai opté pour les pétanqueux de St d’Jir.

Tu vois, la vie, elle bouillonne à Néchin, ça palpite, tu sens l’air vibrer, même quand tout gèle. Dès le printemps venu, on enchaîne les sorties. J’ai déjà réservé, pour juin prochain, une balade transfrontalière du canal de Roubaix-Espierre à pied et en bateau, avec découverte des bassins filtrants de Grimonpont. Tu penses bien que pour rien au monde je raterais ça.

Néchin, c’est ma rédemption. Et je compte bien être un Néchinois exemplaire. Je me suis déjà engagé bénévolement dans l’Agence des aînés actifs.
Pour Nouvel An, moi et Dany – Dany, c’est Daniel Senesael, le bourgmestre, un type sensass – on va monter un spectacle à réveiller les morts. Alors je te dis pas l’effet sur les vieux.

Dany, c’est un fan de Carlos. Ça nous fait un point commun. Tous les deux, on va leur faire « Le bougalou du loup-garou » aux petits vieux Néchinois, ça va être du grand Gérard.

Mais le top, vraiment, à Néchin, c’est la gastronomie. Je te passe le marché tous les mercredis matin, pour sauter directement aux restos. Rien que sur la place de Bourgogne, à Estaimbourg, un autre village de la commune, tu as l’embarras du choix : le relais des Ducs et son steak normand, À la cave de Bourgogne et La ferme du Château.
Pour 85 euros avec le vin, tu t’y fais un gueuleton de roi. Vise un peu : tartare de saumon sauvage et de crevettes de Madagascar, noix de Saint-Jacques juste raidies et pommade de chou-fleur, perdreau de tir sur chou pointu, foie gras et potimarron, filet mignon de biche et sa poêlée de champignons sauvages, et en dessert, une variation sur la châtaigne. En plus, on t’offre les « délicatesses sur table » : beurre aux truffes et petit pain fait maison. L’osmose totale, en somme, parce le Gégé, c’est un grand délicat au niveau du palais.
Et tout ça, c’est un seul repas !
Ah, j’avais presque oublié les coupelles de mise en bouche si tu prends l’apéro. « Si tu prends l’apéro » ! Depuis quand l’apéro est une option ?

Le soir, si t’es un peu barbouillé, tu la joues plus léger, avec le Yang Tse Kiang, à Estaimpuis, juste à côté. Un petit chinois qui accepte les enfants et les chiens.

Toujours pas convaincu ? O.K., alors sache que dans la commune, il y a des majorettes, elles s’appellent les Fairy Wand.

Signé : Gérard, Néchinois et fier de l’être



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