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À La Une - Attentat place Sassine

À Tripoli, des salafistes essaient de semer la peur

« On ne m’a pas demandé solennellement de fermer, on est entré chez moi et on a terrorisé tous mes clients »

Samedi 20 octobre 2012? au lendemain de l'attentat de la place Sassine, à Beyrouth, qui a coûté la vie au général sunnite Wissam el-Hassan, de jeunes sunnites patrouillent dans les rues, arme à la main, à Tripoli, au Liban-Nord. REUTERS/Omar Ibrahim

À Tripoli, les gens vivent dans la peur. Depuis la mort du chef des services de renseignements des FSI, Wissam Hassan, les apparitions armées et les abus se multiplient. Les habitants redoutent essentiellement les salafistes.
Il est 21 h quand Muutaz entend des de tirs alors qu’il se rend au café Ahwak, dans la rue Achir el-Dayeh. Des hommes en treillis le dévisagent. L’un d’eux, armé jusqu’aux dents, un kalachnikov à la main et deux revolvers en poche, lui reproche de ne pas pleurer la mort de Wissam el-Hassan : « Va pleurer sa mort au lieu de boire un café, tempête-t-il. On tire pour que vous fichiez le camp. »


Pour Sahar, propriétaire du café Ahwak, la constance des menaces n’est plus soutenable. « On avait mis une chaîne qui passait les infos quand tout à coup les tirs ont semé la panique. Encore ce matin, des voyous ont menacé de détruire mon café. On ne m’a pas demandé solennellement de fermer, on est entré chez moi et on a terrorisé tous mes clients », poursuit-elle.

 

Samedi, des hommes armés sont descendus dans les rue de Tripoli, pour protester contre l'assassinat de Wissam el-Hassan. REUTERS/Omar Ibrahim


Des tirs en l’air s’en étaient suivis. « Statufié, j’ai vraiment eu l’impression que je n’étais plus dans ma ville. Pendant une seconde, j’ai vécu ce que me racontait mon père à propos de la guerre, comme si j’étais dans le film de West Beirut », raconte Muutaz.


Sept types armés l’entourent, alors qu’il redémarre sa moto. La pluie tambourine au rythme des coups de kalachnikov portés à sa moto. Les insultes fusent, puis des menaces de tout casser « quand la guerre se déclarera » incitent les propriétaires des cafés à fermer boutique et à évacuer les lieux.

 

(Lire aussi : Dans la journée comme en pleine nuit, des incidents sécuritaires partout...)


« Ce n’est pas la Tripoli que je connais », déplore Khaled, avocat. « Depuis 2005, la religion chez certains est devenue l’apanage de ceux qui veulent appliquer leurs propres lois. Tripoli ne profite pas de la protection du Premier ministre Nagib Mikati. À ce jour, je me demande comment me défendre et si je dois, moi aussi, porter des armes. Achraf Rifi est responsable de notre sécurité mais il n’y a aucune mobilisation de l’État dans ce sens. »


Abdallah, 21 ans, a assisté à la scène. Comme ses amis, il est sous le choc. « Aujourd’hui, certains parviennent en l’absence de l’État à gagner la sympathie des musulmans modérés. Mais ce sont des armées. On compare parfois ces milices fanatiques au Hezbollah, mais on n’a pas à imiter le parti de Dieu. »

 

 

Tripoli, samedi 20 octobre 2012, protestations après la mort de Wissam el-Hassan. AFP/IBRAHIM CHALHOUB

 

Issa, 25 ans, a lui aussi été témoin d’une scène inédite. Des dizaines d’hommes armés, parmi lesquels des islamistes, ont cerné, le soir de l’assassinat de Wissam el-Hassan, son immeuble. « On m’a demandé de lever les bras et de rentrer chez moi les mains en l’air », raconte-t-il.


Comme eux, Moayad, 20 ans, n’en croit pas ses yeux. « J’avais un doute sur mes croyances religieuses mais maintenant c’est clair, je ne fais pas partie de ce radicalisme. J’ai de la tendresse pour Tripoli mais y vivre n’est plus envisageable. »


Muutaz, quant à lui, prévoit de prendre ses distances. « Ça fait un moment que je ne viens pas à Tripoli et le fait de vivre ce genre d’expériences me confirme que cette ville n’est plus pour moi. Ce ne sont pas les chrétiens qui sont menacés, mais les salafistes sont aussi une menace pour les musulmans modérés », dit-il.

 

 

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