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À La Une - Éclairage

Les derniers événements, un test pour le Hezbollah

Entre les combats par intermittence à Tripoli, où le feu continue de couver sous la cendre, les développements dans l’affaire des pèlerins enlevés en Syrie ainsi que la réaction violente et spectaculaire de la famille Mokdad, sans parler de l’arrestation de l’ancien député et ministre Michel Samaha, les événements semblent se précipiter et plonger un peu plus le Liban dans le chaos. Une phrase dans le dernier discours du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah résume d’ailleurs bien la nouvelle équation : « Ce qui s’est passé avec la famille Mokdad et la multiplication des enlèvements est hors de notre contrôle », a-t-il dit. Il a ensuite invité les protagonistes à interpréter cette phrase comme ils le souhaitent. Certains en ont aussitôt déduit que le Hezbollah est en perte de vitesse et qu’il est en train de s’affaiblir et de perdre son influence sur la rue chiite. Ceux qui pensent ainsi croient qu’à mesure que le régime syrien va se rapprocher de la chute, le Hezbollah va par ricochet perdre de sa puissance et devenir une composante parmi d’autres de la scène politique locale, après avoir remis de facto ses armes à l’État. D’ailleurs, pour certains observateurs, tout ce qui s’est passé ces derniers temps, surtout depuis la visite du numéro deux iranien Saïd Jalili à Beyrouth, s’inscrit dans le cadre d’une évaluation du rapport de force, notamment celle du Hezbollah. Les sources du 8 Mars sont encore plus précises. Pour elles, tous ces événements étaient une tentative du 14 Mars pour modifier en sa faveur l’équilibre actuel et pour voir quand le Hezbollah se déciderait à réagir.
Indépendamment de la dynamique et du contexte propres à chacun des événements qui se sont succédé sur la scène locale, chacun d’eux aboutissait finalement à tenter d’affaiblir le Hezbollah. L’enlèvement des onze pèlerins chiites en Syrie, que ceux-ci soient ou non proches du Hezbollah, visait essentiellement à pousser la rue chiite à se soulever contre ce parti qui prétend la défendre et qui ne peut rien faire pour obtenir leur libération. Les déclarations des ravisseurs étaient d’ailleurs claires à cet égard. Plus l’affaire des pèlerins enlevés traînait en longueur, plus la rancœur des familles contre le Hezbollah et Amal était censée grandir, d’autant que les commandements des deux formations empêchaient les familles et les partisans de bloquer de façon significative les routes, notamment celle de l’aéroport. Le feuilleton télévisé dit d’Abou Ibrahim était aussi destiné à permettre aux pèlerins enlevés de faire les louanges des rebelles syriens, pour mieux rendre inconfortable, voire impopulaire, la position officielle du Hezbollah aux côtés du régime et le pousser à réagir à la suite de la pression de ses partisans.
Vint ensuite l’arrestation surprise de l’ancien ministre et député Michel Samaha. Indépendamment de l’enquête judiciaire actuellement en cours, le timing de l’opération était aussi destiné à porter un coup au camp dit prorégime syrien, quitte à provoquer une réaction de la part du Hezbollah pour le pousser à la faute. Mais le Hezbollah a choisi de se taire sur la question, en laissant officiellement la justice suivre son cours. C’est dans ce contexte qu’est survenu l’enlèvement de Hassan Mokdad en Syrie. Toutes les forces politiques libanaises se demandaient à ce moment-là jusqu’à quand le Hezbollah pouvait continuer à se taire et quand et comment il pourrait réagir. Certains parlaient de renversement du gouvernement, d’autres d’une action militaire. Les sources proches du parti chiite affirment que celui-ci a bien compris les messages successifs qui lui étaient adressés. Liant ces événements à la visite de Saïd Jalili qui avait délivré aux responsables libanais le message suivant : la politique de dissociation à l’égard du dossier syrien ne doit pas signifier que le Liban peut basculer dans l’autre camp ; le Hezbollah a compris que l’on cherchait soit à l’entraîner dans une action interne pour le discréditer, soit à profiter de son inertie pour pousser petit à petit le Liban vers le camp de l’opposition syrienne et de ceux qui l’appuient. Il a donc réagi là où on l’attendait le moins. Il a décidé de ne plus retenir la rue chiite et de la laisser agir de son propre chef. Le message à l’adresse des forces politiques libanaises était ainsi clair : vous voulez nous pousser à bout, voilà donc ce qui se passe si le Hezbollah et Amal se retirent de la scène. Ce fut donc le fameux mercredi 15 août avec la frénésie des enlèvements et l’instabilité routière. Un chaos auquel personne ne comprenait plus grand-chose et où il n’y avait aucun interlocuteur crédible pour tenter d’y voir clair et circonscrire le désordre. Cette journée de folie a d’ailleurs constitué une sorte d’électrochoc, le gouvernement ayant compris le message et décidé de reprendre en main – autant que possible – la situation. Il a, d’une part, entamé une nouvelle série de négociations avec la Turquie pour obtenir la libération des Libanais enlevés en Syrie et il a donné, d’autre part, un nouveau feu vert à l’armée. Selon les proches du Hezbollah, celui-ci considère que le message du 15 août a été bien reçu... jusqu’au nouvel incident.
Dans ce pays divisé entre prorégime syrien et pro-opposition syrienne, le statu quo doit être maintenu et il n’est pas permis pour l’instant de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Mais il est certain que plus la crise syrienne se prolonge et plus cet étrange équilibre sera difficile à préserver.

 

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