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À La Une - Éclairage

Le Liban, terrain d’affrontement favori des négociateurs régionaux et internationaux

Si les observateurs sont tous d’accord pour affirmer que la réunion de Bagdad, hier, était cruciale pour les relations entre les États-Unis et l’Iran, et pour l’avenir de la région en général, ils précisent qu’elle a été préparée depuis quelque temps déjà. Selon un expert du dossier iranien, ce n’est pas sur un coup de tête que les Iraniens ont choisi l’Irak pour accueillir la seconde réunion des représentants de la République islamique et des cinq pays plus un. Bagdad est non seulement un symbole en soi, mais le chef de son gouvernement Nouri al-Maliki est en quelque sorte le fruit d’une convergence d’intérêts entre la République des mollahs et l’administration américaine. On se souvient d’ailleurs de la rencontre qui s’était déroulée il y a quelques mois entre al-Maliki et le président Obama, au cours de laquelle le premier avait insisté sur l’importance d’une solution politique en Syrie. D’ailleurs, le sommet arabe n’aurait pas pu se tenir en Irak, en dépit de l’opposition de nombreux pays comme l’Arabie saoudite et le Qatar, si les Américains y étaient aussi réellement hostiles. Devenu un des principaux médiateurs entre l’Iran et les États-Unis, al-Maliki n’est pas le seul canal de contacts entre les deux parties, la Suisse et Oman ayant aussi joué un rôle dans ce dossier ainsi que des canaux privés, comme un proche d’Ahmadinejad établi aux États-Unis. Mais le plus important reste la volonté des deux parties concernées qui, chacune pour des raisons propres, estiment qu’il serait sans doute temps de songer à trouver un accord global.


L’Iran souffre du poids des sanctions économiques qui lui sont imposées et les États-Unis ont compris qu’ils ne peuvent pas influer sur le cours de la situation iranienne, puisque les dernières élections législatives ont renforcé l’influence de l’ayatollah Khamenei aux dépens des autres courants, y compris celui de l’opposition. De plus, les États-Unis ont tenté tous les moyens possibles pour isoler le régime iranien, tantôt en lançant des appâts à la Syrie, au Liban, voire à la Russie, et tantôt en cherchant à y provoquer des troubles. Mais au contraire, au fil des mois, l’Iran est en train de consolider son influence en Syrie, en Irak, en Afghanistan, tout en bénéficiant clairement désormais de l’appui clair des pays du Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Mais l’élément le plus important dans la nouvelle donne, c’est que de plus en plus de responsables et de stratèges américains sont convaincus que la République des mollahs, jadis considérée à la limite comme un foyer d’illuminés, est composée de personnes raisonnables qui manient avec talent l’art d’avancer au bord du gouffre sans jamais y tomber. L’ancien secrétaire d’État Henry Kissinger ainsi que l’ancien conseiller de Carter, Zbignew Brezinski, font partie de ces derniers.


L’expert du dossier iranien précise que le moment de concrétiser cette nouvelle atmosphère se rapproche et ce n’est pas un hasard si l’ayatollah Khamenei a émis une fatwa récemment dans laquelle il interdit les armes nucléaires, alors que l’Iran a accepté de réduire son enrichissement d’uranium de 20 % à 5 %. La République islamique a donc fait des concessions en prélude à la réunion de Bagdad et celle-ci devrait être l’occasion d’évoquer tous les dossiers en prévision d’un accord global qui tournerait autour de deux points : l’Iran reconnaît le rôle primordial des États-Unis dans le monde et respecte ses intérêts, et à leur tour les États-Unis reconnaissent le rôle régional de l’Iran.


Tout cela paraît encore un peu théorique, mais la tendance générale est de croire qu’un grand accord se prépare qui devrait commencer à Bagdad mais se poursuivre à travers d’autres rencontres et pourquoi pas par une réunion directe entre Iraniens et Américains.


Si cette tendance se concrétise, elle devra avoir des répercussions sur l’ensemble de la région. D’abord, il y aurait un allégement des sanctions économiques sur l’exportation du pétrole iranien et sur la Banque centrale de Téhéran, et en même temps l’option militaire contre l’Iran serait abandonnée. Les deux parties s’entendraient aussi pour protéger le régime actuel en Irak et pour trouver une solution politique en Syrie. Les États-Unis souhaiteraient à cet égard une solution à la yéménite (départ du président, mais maintien du régime) et les Iraniens considèrent que le président Assad est une ligne rouge. Mais il apparaît de plus en plus clairement que les Américains ne sont plus pressés de faire chuter le régime. La solution le plus souvent évoquée est la tenue d’une sorte de Taëf syrien, avec la bénédiction de l’Iran et des États-Unis. Il y aurait aussi un accord à Bahreïn en poussant le roi à procéder à des réformes structurelles...


Mais si le tableau est « si idyllique », pourquoi cet embrasement soudain au Liban et pourquoi la violence continue-t-elle en Syrie ? L’expert du dossier iranien souligne que deux facteurs provoquent un regain de violence au Liban et en Syrie, le premier est le fait qu’avant un accord d’une telle importance, chaque partie a besoin de renforcer sa position en ramassant le plus de cartes possible, c’est le cas du Liban – qui fait l’objet d’un tiraillement entre les Américains et les Iraniens via les pro et les antirégime syrien – et de la Syrie qui reste l’un des principaux enjeux des négociations actuelles et futures.

 

Le second facteur réside dans le fait que la perspective d’un accord entre les États-Unis et l’Iran, qui passerait par une solution politique de la crise syrienne, déplaît à des acteurs arabes qui se sont totalement investis dans la lutte contre le régime et qui cherchent à renverser la donne en utilisant le terrain libanais favorable à toutes les divisions et à Israël qui ne souhaite nullement qu’un accord soit trouvé au sujet du dossier nucléaire iranien. Israël craint aussi tout autant la réélection de Barack Obama pour un second mandat au cours duquel il aurait les coudées plus franches puisqu’il ne peut plus solliciter un troisième. C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle Benjamin Netanyahu aurait tout fait pour former un gouvernement de coalition solide qui lui permettrait d’affronter le nouveau défi que constitue pour lui un accord éventuel entre les États-Unis et l’Iran, avec un front solide et uni à l’intérieur. Est-ce à dire qu’on pourrait assister à une alliance au moins tacite entre ces pays arabes et Israël contre le rapprochement irano-américain? L’expert affirme que parfois les convergences d’intérêts sont plus efficaces que les alliances. En tout cas, le Liban a devant lui des mois difficiles, puisque sa classe politique a accepté d’être le terrain d’affrontement favori de ceux qui négocient des enjeux bien plus importants pour eux.

Si les observateurs sont tous d’accord pour affirmer que la réunion de Bagdad, hier, était cruciale pour les relations entre les États-Unis et l’Iran, et pour l’avenir de la région en général, ils précisent qu’elle a été préparée depuis quelque temps déjà. Selon un expert du dossier iranien, ce n’est pas sur un coup de tête que les Iraniens ont choisi l’Irak...

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