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À La Une - Le point

En attendant l’autre printemps

La vengeance est un plat qui se mange froid – ce n’est pas à Moscou que l’on vous dira le contraire. Vingt ans après l’éclatement de l’Union soviétique, le Parti communiste revient en force et, avec 20 pour cent des voix aux législatives de dimanche, il double presque son score précédent. L’ancien colonel du KGB Vladimir Poutine devrait-il s’en inquiéter pour autant, lui qui n’a jamais tourné complètement le dos à ses anciens camarades ? Oui, en un sens, si l’on songe que ce sont les déçus de Russie unie qui ont reporté leurs votes sur la formation des anciens maîtres du pays. Non, car le mode de la proportionnelle lui permet, grâce à un jeu de reports, de conserver la majorité absolue à la Douma, soit 238 députés sur un total de 450. On est loin pourtant du chiffre magique de 315 mandats de 2007 qui avait permis de modifier dans la Constitution ce qui avait lieu de l’être pour favoriser l’ahurissante opération de roque réussie avec Dmitri Medvedev. Résultat : le supertsar, président de 2004 à 2008 puis Premier ministre depuis cette date, reviendra en mars prochain à la tête de l’État pour deux nouveaux mandats, battant ainsi le record de Leonid Brejnev (18 ans) mais restant loin derrière celui de Staline (24 ans). Il est évident que l’image de machiste a été sérieusement écornée, malgré les démonstrations de judo, les rodéos à moto, la main passé sur le cou d’un tigre visiblement sous l’effet d’un puissant sédatif et les chevauchées dignes de feu John Wayne. Néanmoins, la campagne des spin doctors a fait son effet : la cote de popularité du maître de l’alternance se maintient à un taux de 60 pour cent, ce qui devrait le rassurer sur l’avenir proche et même relativement éloigné.
L’usure n’en est pas moins évidente et grande la frustration d’une population qui doit se contenter depuis trop longtemps de promesses jamais tenues, constater les méfaits d’une corruption galopante et s’effrayer de voir s’approfondir chaque jour un peu plus le fossé qui sépare superriches et hyperpauvres. Même au niveau des oligarques, il y a les favoris (comme Roman Abramovitch) et les bannis qui pourrissent en prison (Mikhaïl Khodorkovsky) ou vivent en exil (Boris Berezovsky). Et on ne s’étonnera pas de noter le glissement vers la gauche de certains hommes d’affaires qui ont opté pour le PC – aussi étrange que cela puisse paraître, vu de l’extérieur – mais aussi des jeunes, principalement les étudiants et les intellectuels.
Cette fois, 60 pour cent des 110 millions d’électeurs inscrits ont déposé leur bulletin dans l’urne contre 64 pour cent lors de la dernière consultation. Sept formations avaient été autorisées à présenter des candidats, alors que toutes les autres, d’une fidélité douteuse, étaient soigneusement tenues à l’écart. Et que dire de ces libertés prises avec les règles les plus élémentaires de la démocratie... Financé par l’Union européenne et les États-Unis, le groupe d’observation Golos (fort de 3 000 membres présents dans la moitié des 83 régions de l’immense territoire russe) a comptabilisé plus de 5 300 violations de la loi électorale, énumérées sur le site kartanarusheniy.ru avant de disparaître de la Toile, victime d’une cyberattaque. Livejournal, Ekho Moskvy, New Times ont connu un sort identique, de même que nombre de sites qui avaient eu la témérité de vouloir porter témoignage sur la régularité du scrutin.
Il y a longtemps que les Russes ont cessé de croire en l’homme providentiel, capable de redresser un pays dont les dirigeants étaient devenus la risée du monde entier. Rappelez-vous la démarche chancelante de Boris Eltsine, trop imbibé de vodka pour pouvoir articuler deux mots, l’effarant bradage des richesses du pays : mines d’or, réserves de pétrole et de gaz, les errements en politique étrangère. De nos jours, la corruption s’étale de manière moins scandaleuse, mais elle est toujours présente. Officiellement, le salaire annuel de Poutine représente l’équivalent de 60 000 dollars, mais sa fortune, à en croire diverses sources, se calculerait en milliards. Quelque peu exagéré, mais, n’est-ce pas, on ne prête qu’aux riches.
Il reste que l’on chercherait en vain des réponses aux questions que se posent adversaires et partisans du régime. L’ouverture en direction des mers chaudes pourrait coûter plus cher que prévu ; le bras de fer représenté par la riposte au bouclier nucléaire occidental en Europe de l’Est déboucherait un jour ou l’autre sur une crise majeure qui n’aurait rien à envier à celle des missiles de Cuba dans les années soixante, que nul ne devrait s’en étonner ; la percée économique chinoise aux portes orientales donne déjà des urticaires au Kremlin, ainsi que l’inquiétant vieillissement de la population en raison de la baisse de la natalité, l’énormité de la dette impayée des anciens protégés, enfin l’aspect monochrome de l’économie.
Le citoyen russe s’attendait à connaître un hiver rude. Il devra, demain, se méfier du red.
La vengeance est un plat qui se mange froid – ce n’est pas à Moscou que l’on vous dira le contraire. Vingt ans après l’éclatement de l’Union soviétique, le Parti communiste revient en force et, avec 20 pour cent des voix aux législatives de dimanche, il double presque son score précédent. L’ancien colonel du KGB Vladimir Poutine devrait-il s’en inquiéter pour...

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