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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Éliminer Ben Laden a transformé les Navy Seals en superstars...

Au Pakistan, le médecin qui aida la CIA à traquer le chef d'el-Qaëda vit un calvaire en prison, oublié de tous.

Jamil Afridi (non visible), frère aîné du Dr Shakeel Afridi qui aida la CIA à localiser Oussama Ben Laden, montre aux journalistes une photo de famille où le médecin est le 3e à partir de la gauche. Ce dernier croupit en prison depuis cinq ans, oublié de tous, victime selon ses proches de manœuvres diplomatiques entre Washington et Islamabad. SS Mirza/AFP

Les Navy Seals, forces spéciales de la marine US ayant tué Oussama Ben Laden en mai 2011, sont devenus de véritables prima donna de l'armée américaine au risque, selon certains, de perdre leur efficacité militaire. Films, livres, articles, l'Amérique est littéralement amoureuse de ces forces spéciales surentraînées, icônes du dépassement de soi, de la force victorieuse et de la maîtrise face au danger. Mais le phénomène avait commencé avant même la mort de Ben Laden. Le film Act of Valor de Mike McCoy, préparé depuis 2007 avec la bénédiction de la hiérarchie militaire et sorti en salles en 2012, faisait déjà l'éloge des Navy Seals.
Avec la mission menée dans la nuit du 1er au 2 mai 2011 à Abbottabad au Pakistan, où se terrait Ben Laden, les Seals ont accédé au rang de mythe, suscitant un nombre incalculable d'articles, une floraison de livres et de nouveaux films. Et l'administration Obama a elle-même contribué au phénomène. Elle a laissé filtrer de nombreux détails sur son déroulement, au grand dam du secrétaire à la Défense de l'époque, Robert Gates. « Mais pourquoi tout le monde ne peut-il pas juste fermer sa gueule ? » avait lâché M. Gates à Tom Donilon, conseiller pour la Sécurité nationale du président Obama, dans un échange raconté par M. Gates dans ses Mémoires. Pour couronner le tout, des Seals ayant participé au raid sont sortis de l'ombre : Matthew Bissonnette, le premier à raconter le fait d'armes de son unité, et Robert O'Neill, qui accède à la célébrité mondiale en clamant être le soldat qui a tué Ben Laden.
Certains militaires estiment que la coupe est pleine : en mettant les Seals sous les projecteurs, en dévoilant leurs manières de combattre, leurs tactiques et leurs équipements, cela donne de précieuses informations aux adversaires. Et la course au vedettariat d'anciens Seals risque d'affecter un esprit de corps reposant sur une solidarité sans faille entre ses membres.

Remettre le génie dans la bouteille
Selon le journaliste Sean Naylor, qui a écrit un livre de référence sur les forces spéciales (Relentless Strike), « les chefs des Seals sont inquiets aujourd'hui » et estiment que cette médiatisation « est devenue hors de contrôle ». « Ils essaient de remettre le génie dans la bouteille », explique-t-il. Et l'inquiétude dépasse désormais les seuls Seals : elle concerne toutes les forces spéciales. En décembre dernier, leur commandant en chef, le général Joe Votel – devenu depuis chef des forces US au Moyen-Orient –, a pris la plume pour demander à l'administration d'être plus discrète. Apparemment, il a été entendu.
Au Pakistan entre-temps, cinq ans après son arrestation, le médecin Shakeel Afridi, qui aida la CIA à localiser Oussama Ben Laden, languit oublié en prison, victime selon ses proches de manœuvres diplomatiques entre Washington et Islamabad. « Je n'ai aucun espoir de le voir, je n'attends plus rien de la justice », se lamente Jamil Afridi, son frère aîné, qui se sent lui-même menacé.
Le Dr Afridi, âgé d'une cinquantaine d'années, avait organisé une fausse campagne de vaccination contre l'hépatite C, qui avait servi de couverture pour confirmer la présence de Ben Laden à Abbottabad, une petite ville de garnison qui abrite l'académie militaire pakistanaise. Une fois localisé, Ben Laden avait été abattu par les Navy Seals. Cette spectaculaire intervention étrangère fut vécue comme une humiliation au Pakistan, laissant des traces profondes dans ses relations avec les États-Unis et compliquant d'autant le cas du docteur.
Les détails de la manière dont la CIA a contacté Afridi sont flous : la presse pakistanaise a affirmé que des responsables de l'ONG avec laquelle il travaillait, Save the Children, ont servi d'intermédiaires. L'ONG a démenti. Arrêté peu après le raid, le médecin a été jugé pour liens avec des extrémistes – un chef d'accusation largement considéré comme fantaisiste – et condamné à une peine de 33 ans de prison, réduite par la suite à 23 ans.
Depuis, la procédure est enlisée. Un procès en appel, débuté en 2014, a été ajourné des dizaines de fois. Plusieurs groupes de défense des droits de l'homme ont tiré la sonnette d'alarme, exigeant un procès transparent. Selon son avocat, Qamar Nadeem, le docteur est détenu à l'isolement dans une petite pièce, et, malgré cette précaution, sa vie reste menacée. Pour Me Nadeem, son client ne peut guère espérer se tirer d'affaire sans pression des États-Unis. « Mais jusqu'ici ils n'ont pas fait preuve de soutien », regrette-t-il.
(Source : AFP)

Les Navy Seals, forces spéciales de la marine US ayant tué Oussama Ben Laden en mai 2011, sont devenus de véritables prima donna de l'armée américaine au risque, selon certains, de perdre leur efficacité militaire. Films, livres, articles, l'Amérique est littéralement amoureuse de ces forces spéciales surentraînées, icônes du dépassement de soi, de la force victorieuse et de la...

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