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Scan TV - Décryptage

Les photos sur Facebook, un trésor pour les télés... à l’insu des victimes

Illustration de Pawel Kuczynski.

La manière dont a été traitée l'affaire de Nathalie Michel Solbane par les chaînes de télévision locales et leur sites d'informations en ligne jeudi constitue un second crime à l'encontre de la famille et surtout à l'encontre de la fille aînée de Nathalie qui n'a que cinq ans et qui a eu le malheur, selon ces sites susmentionnés, non seulement de témoigner de ce crime mais d'être citée par les médias et présentée comme étant le seul témoin au moment de la catastrophe, incapable de sauver sa mère qui lui demandait son aide !
En quelques dizaines de minutes, tous les sites des chaînes locales et des médias libanais sont entrés par effraction dans la vie privée de Nathalie Solbane en la nommant par son nom ainsi que son père, ses enfants et son mari. Ils ont diffusé des photos la montrant en compagnie de sa petite famille dans des moments qui ne les concernent qu'à eux seuls et qui n'avancent en rien les téléspectateurs, sauf ceux dont la curiosité est plus obscène que la laideur de l'acte commis.
Comme si sa gentillesse, ou sa douceur, ou le fait qu'elle soit une bonne épouse et une bonne maman rendait le crime encore plus abject ! Un meurtre est par définition horrible, indépendamment de la personnalité de la victime ou de celle du criminel. Ces photos censées être privées et réservées aux amis et à la famille qui vient de vivre des moments tragiques et dont les répercussions s'étendront sur des années à venir sont devenues, en l'espace de quelques heures, accessibles à tous les internautes.
De petites filles innocentes et ignorant pour le moment l'ampleur de la catastrophe ont été propulsées, ainsi que leur père, à leur insu bien évidemment, au-devant de la scène publique libanaise. L'infortunée maman et épouse, devenue célèbre de la façon la plus sordide, alimente les conversations et les spéculations au grand malheur des proches, impuissants face à des journalistes qui ne se sont pas privés de fouiner davantage dans les photos publiées sur le mur Facebook de la victime afin de construire une histoire fictive à propos d'une personne qu'ils ignorent totalement. Ces photos sont certes postées régulièrement par chaque personne et d'une façon naturelle dans une envie de partager des moments heureux, mais leurs effets sont néfastes pour la vie privée de la famille et pour son moral si jamais la personne concernée est victime d'un incident qui pourrait susciter la convoitise médiatique.

 

(Pour mémoire : À Aïn Najem, la stupeur après l'horrible meurtre de Nathalie Solbane Farhat)


La facilité avec laquelle les chaînes de télévision et leurs sites en ligne, dont l'impact auprès des téléspectateurs est mille fois plus important que la presse écrite, ont pu se procurer et diffuser les photos est proprement hallucinant ! Dans beaucoup de scénarios semblables, il est inadmissible que les utilisateurs soient informés des détails de l'histoire avant le reste de la famille. La décence et la sobriété sont censées empêcher toute personne de briser la frontière de l'intimité pour les besoins de l'information, avant même le début de l'enquête. Les photos intimes d'une victime la montrant avec sa famille ainsi que les portraits de ses enfants vont rester en ligne, accessibles à monsieur Tout-le-Monde, et ne serviront que comme matière grasse aux commérages. Ils induisent de même le public en erreur et l'invitent en toute impunité à émettre des avis parfois blessants pour les proches de la victime qui sont toujours en vie et qui ont tous les droits du monde de dénoncer cette violation de leur vie privée.
Des filles viennent de perdre leur mère. Un mari vient de découvrir que sa femme a été assassinée. Faut-il les faire souffrir davantage afin que les besoins du scoop soient comblés ? Encore faut-il que les utilisateurs soient plus vigilants sur Facebook, car, en fin de compte, ce sont eux qui décident avec qui partager leur vie sur un mur virtuel qui, au lieu de la maintenir privée, la prive de toute protection !

 

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La manière dont a été traitée l'affaire de Nathalie Michel Solbane par les chaînes de télévision locales et leur sites d'informations en ligne jeudi constitue un second crime à l'encontre de la famille et surtout à l'encontre de la fille aînée de Nathalie qui n'a que cinq ans et qui a eu le malheur, selon ces sites susmentionnés, non seulement de témoigner de ce crime mais d'être...

commentaires (2)

Je voudrais préciser que mon observation entend exclusivement le journalisme audio-visuel dont il s'agit dans l'article.

Halim Abou Chacra

08 h 00, le 06 décembre 2015

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Commentaires (2)

  • Je voudrais préciser que mon observation entend exclusivement le journalisme audio-visuel dont il s'agit dans l'article.

    Halim Abou Chacra

    08 h 00, le 06 décembre 2015

  • "Sobriété et décence", dîtes-vous, Madame ? Malheureusement ces deux termes n'existent pas dans le lexique de la majorité des journalistes dans ce pays. Un grand scandale !

    Halim Abou Chacra

    07 h 00, le 06 décembre 2015

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