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Lifestyle - Rencontre

Les mots sur mesure de Nicolas Ouchenir

Dandy déconcertant mais pas poseur, élevé dans le berceau peu douillet des maths et de la finance, Nicolas Ouchenir est un calligraphe autodidacte. Aujourd'hui, il laboure le petit sillon de ce métier désuet et sa plume est sans conteste l'une des plus talentueuses et convoitées dans les milieux de l'art et la mode. Flash-back sur une success story à la française.

Nicolas Ouchenir. Photo DR

Le regard velouté est comme griffonné au fusain, les traits romantiques quasi romanesques tracés au stylo bille et le secoué de tête noirci à l'encre de Chine. À le regarder, de prime abord, on dirait que Nicolas Ouchenir est l'esquisse d'un dessinateur fou. On imagine alors rencontrer un personnage torturé et broussailleux, orbites enfoncées dans les incertitudes. Surprise, l'homme est solaire, souple, joueur, presque félin. C'est un garçon malicieux aux dents du bonheur et aux cheveux en bataille qui porte des Stan Smith sur une silhouette qui ne trahit pas ses 37 printemps. En fait, Nicolas Ouchenir ne fait pas partie de notre temps. C'est à la fois un visionnaire passé à travers et un rembobineur d'avenir échoué sur le rivage de la nostalgie. Car en devenant calligraphe « par accident » il y a près de dix ans, l'artiste réécrit des histoires cousues à l'encre sur papier qui « revendique des initiatives oubliées ». Invité par Alice Eddé, il était de passage au Liban la semaine dernière pour animer des ateliers de graphisme à la LAU et pour une collaboration (avec son hôtesse) sur une série de trousses en cuir.

Les jeux de hasard
Ni vraiment assis dans son fauteuil et pas tout à fait debout, le regard intense et la parole fluide, Nicolas Ouchenir fait craquer ses doigts tachetés d'un arc-en-ciel encré. Des Parisiens intellos et bien-pensants, il a le contact facile et amical, la curiosité polymorphe, le goût de la conversation, l'art de la digression et le sens de l'humour. Il a aussi et surtout cette facilité à saisir qui passe à portée. « Je n'ai jamais vraiment appris mon métier de calligraphe, je suis autodidacte. Les choses sont venues comme ça, au bon moment, un peu par accident » pose-t-il d'entrée de jeu. D'abord, des études commerciales suivies d'un stage en finance le rebuteront et le pousseront à amorcer un virage. Le garçon ira donc se « renouveler dans le monde de l'art » qui l'attirait déjà depuis tout jeune, et ce après la rencontre « déterminante » de Jean-Gabriel Mitterrand avec qui il travaillera à la JGM galerie, toutefois dans le domaine financier.
Mais c'est en se frottant à ce monde, en baignant dans cette marmite créative et en côtoyant des légendes vivantes de l'art dont Niki de Saint-Phalle, que Nicolas Ouchenir prend goût à ce nouvel univers. Au culot, il s'invite au crayon : « Je me suis amusé à imiter la signature de Dali, de Warhol et puis ensuite à écrire sur des enveloppes le nom des invités à l'un de nos vernissages », confie le calligraphe avec sa mine d'arsouille sage. Lorsque ses cartons d'invitations sont envoyés, le Tout Paris se demande qui se cache derrière cette plume. « Et comme ça, de bouche à oreille, les choses se sont mises en place », poursuit-il simplement, comme si ces choses-là avaient suivi la fluidité de son coup de crayon sur le papier de sa vie.

It boy
Et même si aujourd'hui son nom ne fait peut-être pas tilt d'emblée, ses mots qui se transforment en dessins sont devenus des incontournables dans les milieux artsy-mondains les plus pointus. « Tout a été très vite, je me suis retrouvé en l'espace de quelques mois en train de réaliser les cartons des grosses marques de luxe, de Prada à Miu Miu en passant par Hermès ou Dior, mais aussi ceux d'événements fabuleux comme les bals des Rothschild », raconte-t-il d'un ton débridé, attendrissant, mais sans aucune once de prétention.
Au contraire, ce qu'on vante chez le jeune homme, c'est son jeu, sa spontanéité, voire l'animalité qui ressort dans son travail, cette manière intuitive de modeler ses lettres et ses mots en fonction du client : « Ce que j'aime dans la calligraphie, c'est que j'ai l'impression de parler à quelqu'un », confirme-t-il. Mais en plus d'apposer son encre sur le papier ivoire des Fashion Weeks, en plus de créer des mots Rochas, une signature Louis Vuitton ou une typographie Margiela, Nicolas Ouchenir joue les caméléons en fréquentant le gratin et empilant une multitude de projets dont, dernièrement, une exposition de portraits-signatures chez Colette à Paris, ou des collaborations avec l'ex-rédactrice en chef de Vogue Paris Carine Roitfeld sur une ligne de produits pour Uniqlo et Caviar Kaspia.

L'écriture imparfaite
Il serait tout à fait logique de se demander donc comment un homme qui se dit « autodidacte » en est-il arrivé là si vite ? Un élément de réponse : justement, parce qu'il n'est pas passé par les voies ordinaires. Nicolas Ouchenir a collé à ce qu'on attendait de lui, avec le zèle de celui qui vit une différence comme une force. Sa plume un rien libérée répond manifestement au besoin de rupture avec les standards de perfection : « Les calligraphes écrivent très bien, mais justement un peu trop bien, sans aucun défaut. Du coup, je trouve que ça n'a pas vraiment de charme. L'écriture imparfaite va faire que les mots semblent écrits par un être humain, pas un ordinateur. » Ses papiers, ses cartons prennent alors la forme d'un vaste terrain de jeu abstrait pour une bouteille d'encre noire où sa plume s'amuse à construire un castelet de mots tour à tour géométriques et piquants, gothiques et alambiqués, ou romantiques et voluptueux.
Ce qui intrigue dans son travail, c'est cet empilement de références, de strates et de styles qui donnent une qualité presque narrative à son écriture qu'il « vit comme une drogue ». Et que fait Nicolas lorsqu'il n'a pas son stylo à la main, à dépoussiérer et réinventer cet art épistolaire ? « Je fais la fête, je danse, je bois, je me nourris de mes amis, du monde, du mouvement. »
On l'avait bien compris, entre l'avant-hier et l'après-demain, ce garçon n'a toujours pas choisi...

Le regard velouté est comme griffonné au fusain, les traits romantiques quasi romanesques tracés au stylo bille et le secoué de tête noirci à l'encre de Chine. À le regarder, de prime abord, on dirait que Nicolas Ouchenir est l'esquisse d'un dessinateur fou. On imagine alors rencontrer un personnage torturé et broussailleux, orbites enfoncées dans les incertitudes. Surprise,...

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