Les pièces du puzzle commencent à se mettre en place et on comprend maintenant les raisons pour lesquelles le Premier ministre, Tammam Salam, n'a toujours pas convoqué le gouvernement pour examiner et approuver la proposition du ministre de l'Agriculture, Akram Chehayeb, pour la gestion des déchets, prête pourtant depuis quelques jours.
Le plan, qui prévoit dans un premier temps le ramassage des ordures et leur entreposage dans un nombre limité de décharges, choisies sur base de critères écologiques très strictes, ne peut être appliqué qu'avec l'aval de toutes les parties politiques. Cet aval est en effet nécessaire si l'on veut éviter les mouvements de protestation populaire similaires à ceux qui avaient ponctué l'annonce du plan Machnouk et poussé le gouvernement à l'abandonner.
Or le bloc parlementaire du général Michel Aoun a fait savoir hier qu'il y est opposé. Près de deux mois après le déclenchement de la crise, il a décidé de soumettre au gouvernement un « plan complet » de gestion des déchets.
C'est le général Aoun lui-même qui l'a annoncé hier, au terme de la réunion hebdomadaire de son bloc, mais sans préciser quand son bloc envisage exactement de soumettre son plan au gouvernement.
« Tant qu'il n'y a pas de programme complet pour la gestion des déchets, je ne sais pas quoi approuver et quoi rejeter. » Ils « veulent que les municipalités gèrent leurs propres déchets, mais cela va générer un chaos inimaginable et les déchets vont se répandre dans toutes les régions libanaises. On a vu comment les chantiers sauvages de construction ont été autorisés par les municipalités. Transférer la gestion des déchets au niveau des municipalités n'est donc pas la solution », a-t-il souligné.
La solution, pour le général Aoun, est la suivante : « Le bloc du Changement et de la Réforme va établir un plan complet de gestion des déchets qui va tenir compte de "leurs" idées mais qui en contiendra d'autres, nouvelles. Il faut réfléchir à tous les détails. Nous ne pouvons pas reprendre le même débat sur la question parce que nous avons d'autres dossiers à examiner et à résoudre, en plus de celui des ordures. »
Concrètement, cela signifie que le plan Chehayeb ne va pas pouvoir être examiné en Conseil des ministres et que le volume des ordures (70 000 tonnes rien qu'à Beyrouth et dans sa banlieue) jetées dans la nature depuis le début de la crise, le 17 juillet dernier, va non seulement augmenter, mais aggraver la pollution avec les premières pluies, attendues après la tempête de sable.
« Chantage »
L'attitude du leader sortant du CPL a été vivement critiquée par le chef des Kataëb, Samy Gemayel, sans que ce dernier ne nomme cependant le général Aoun. M. Gemayel a menacé de retirer le « soutien » de son parti au gouvernement si le plan Chehayeb n'est pas adopté par le cabinet.
« Le gouvernement doit adopter demain le plan présenté par M. Chehayeb, sinon, notre soutien au cabinet serait injustifié », a-t-il déclaré à l'issue de la réunion du bureau politique du parti, à Saïfi, en précisant que ce plan est « basé sur des propositions des Kataëb ».
« Malheureusement, on constate aujourd'hui qu'une partie qui a en permanence plaidé en faveur de la décentralisation essaie de l'entraver. On dirait qu'elle est revenue sur ses revendications concernant la décentralisation », a-t-il ajouté.
Très critique à l'égard du gouvernement « dont on aurait voulu nous retirer », il a expliqué que la proposition Chehayeb représente « un dernier recours ». « Mais apparemment, le but de certains reste le chantage et le blocage permanent » pour obtenir satisfaction de leurs revendications, a lancé le chef des Kataëb.
Pendant ce temps, Akram Chehayeb remettait au chef du gouvernement le rapport de la commission qu'il préside ainsi que l'ensemble des solutions proposées. À la presse, il a expliqué que celles-ci sont « écologiques, saines, économiques et nationales, d'autant qu'elles sont le fruit de concertations avec des experts ». Elles reposent, selon ses précisions, sur une gestion durable du dossier qui commence par le tri à la source, en passant par le recyclage jusqu'à la réhabilitation des sites défigurés grâce à l'usage des matières inertes. Mais pour arriver à la gestion durable, il est nécessaire de passer par une phase transitoire qui ne doit pas dépasser les 18 mois et qui va permettre aux autorités de régler la crise actuelle, a-t-il dit.
M. Chehayeb a éludé une question en rapport avec l'examen de ce dossier en Conseil des ministres. « Le rapport est aux mains du chef du gouvernement à qui il appartient de prendre la décision qu'il faut le plus tôt possible », s'est-il contenté de répondre.
Il a insisté sur le fait que « légalement, la gestion de ce secteur appartient aux autorités locales, soit les municipalités, sous la supervision des ministères concernés » et que pour que celles-ci puissent assumer leurs responsabilités, il est important que leurs dettes soient supprimées.
Rappelons que le plan Chehayeb est prêt depuis vendredi, mais aucun détail du texte n'a encore filtré.
commentaires (9)
Que fiche le râïîîî(h) ?
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
16 h 19, le 09 septembre 2015