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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Quand les Saoudiens multiplient les alliances pour contrer l’Iran

Pour certains observateurs, une grande partie des discours de Riyad concernant l'obtention par le royaume de l'arme nucléaire relève de la « posture ».

Le réchauffement des liens avec la France illustre la volonté du Golfe de se lier à de nouveaux partenaires au-delà du traditionnel allié américain. Ici, le vice-prince héritier Mohammad ben Salman à l’Élysée avec le président français François Hollande. Charles Platiau/Reuters

À quelques jours d'un possible accord sur le nucléaire iranien, l'Arabie saoudite accélère ses propres projets nucléaires et tisse de nouvelles alliances avec l'Occident, par crainte de voir Téhéran déstabiliser le Moyen-Orient.
Le royaume fait partie des pays les plus réservés sur l'accord que cherchent à conclure l'Iran et les 5+1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne). Avec les autres monarchies sunnites du Golfe, Riyad craint qu'il n'empêche pas l'Iran de se doter, à terme, d'une bombe nucléaire sous couvert d'un programme présenté comme uniquement civil par Téhéran. S'y ajoutent les inquiétudes d'un rapprochement entre Washington et Téhéran, accusé d'« actes déstabilisateurs » au Moyen-Orient, où l'Iran soutient le régime syrien de Bachar el-Assad et les rebelles chiites au Yémen.
Pour s'en prémunir, les Saoudiens multiplient contrats et contacts, espérant tisser de solides alliances économiques et diplomatiques. Riyad et Paris ont ainsi annoncé mercredi dernier le lancement d'une étude pour l'installation de deux réacteurs nucléaires EPR dans le royaume, premier exportateur mondial de pétrole qui cherche à diversifier ses sources d'énergie.
Cet accord est le troisième signé cette année par les autorités saoudiennes, avec la Russie pour un pacte portant sur la coopération économique et des échanges scientifiques sur l'énergie atomique civile, et avec la Corée du Sud pour un accord de coopération nucléaire. « L'Arabie saoudite voit grand avec ses projets nucléaires », explique Jamal Khashoggi, un ancien journaliste devenu analyste, et lié à la famille royale. « Évidemment, il s'agit officiellement d'un projet pacifique », mais le savoir nucléaire pourrait aussi être utilisé à des fins militaires, ajoute-t-il. Son voisin, l'État des Emirats arabes unis, prévoit aussi de se doter de quatre réacteurs nucléaires sud-coréens, dont le premier sera opérationnel en 2017.
En mars, l'influent prince saoudien Turki al-Fayçal, alors à la tête des Renseignements du royaume, avait averti que des pays du Moyen-Orient, dont l'Arabie saoudite, pourraient formuler des exigences à l'issue d'un éventuel accord international avec Téhéran. « J'ai toujours dit que, quelle que soit l'issue de ces négociations, nous voudrons la même chose », avait déclaré le prince à la BBC. En pratique, si un accord est signé, Téhéran devra réduire ses capacités nucléaires en se débarrassant d'un grand nombre de ses centrifugeuses – qui permettent d'enrichir l'uranium – en échange de la levée des sanctions internationales qui étouffent son économie.

« Posture »
Sous le couvert de l'anonymat, un responsable saoudien a confié que le royaume « ne prendrait pas le risque de chercher à se doter de la bombe atomique ». « Je pense que la majorité des discours sur les intérêts saoudiens pour une arme nucléaire relèvent de la posture », abonde Mark Fitzpatrick, directeur du programme de non-prolifération et de désarmement à l'Institut international des études stratégique, basé à Londres. Selon lui, la capacité saoudienne à se doter d'une telle arme est « plutôt faible », et la meilleure option pour Riyad est plutôt de nouer des partenariats avec des pays occidentaux, à l'image de l'accord conclu avec Paris. Le réchauffement des liens avec la France, avec laquelle Riyad a signé pour 12 milliards de dollars de contrats cette semaine, illustre la volonté du Golfe de se lier à de nouveaux partenaires au-delà du traditionnel allié américain.
Pour M. Fitzpatrick, si la méfiance entre Washington et Téhéran ne disparaîtra pas du jour au lendemain, accord nucléaire ou non, les nouvelles voies de communication entre les États-Unis et l'Iran « inquiètent légitimement l'Arabie saoudite ». « Maintenant, les Français sont proches des Saoudiens sur à peu près toutes les questions relatives au Moyen-Orient », se félicite la source officielle saoudienne, ajoutant que le royaume cherche à investir à l'étranger tant pour s'assurer un bon retour économique que pour forger de « fortes alliances ».
Outre la France, l'Arabie saoudite resserre les liens avec la Russie, même si elle est en désaccord avec ses choix diplomatiques, au premier rang desquels le soutien au régime syrien. Mais la situation nécessite quelques concessions. « Nous sommes inquiets de l'expansionnisme iranien. Le Moyen-Orient s'écroule et personne ne travaille à le remettre sur pied. L'Arabie saoudite est un peu seule là », regrette M. Khashoggi.

Ian Timberlake/AFP

À quelques jours d'un possible accord sur le nucléaire iranien, l'Arabie saoudite accélère ses propres projets nucléaires et tisse de nouvelles alliances avec l'Occident, par crainte de voir Téhéran déstabiliser le Moyen-Orient.Le royaume fait partie des pays les plus réservés sur l'accord que cherchent à conclure l'Iran et les 5+1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et...

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