« Quel rôle le Liban est-il à même de jouer, après avoir perdu plusieurs de ses précédentes fonctions, après avoir perdu notamment le monopole des universités, des arts, de la presse et de l'expérience démocratique ? » s'est interrogé samedi le journaliste Kamal Richa, qui modérait une conférence à Batroun (Village Club), organisée par la section des Forces libanaises de Batroun et le secrétariat général du 14 Mars, avec la participation des députés Ahmad Fatfat et Fadi Karam, et de l'ancien député Samir Frangié. À la problématique posée par le modérateur, les réponses ont convergé sur une idée-clé : la préservation du modèle libanais, que les participants ont valorisé sous l'angle du vivre-ensemble. Mais il est un autre principe qui s'est inséré hier dans cette rhétorique : la neutralité du Liban, perçu non pas comme un élément de définition du modèle libanais, mais comme la garantie fondamentale de sa pérennité.
Après une démonstration référencée de « la rencontre entre les intérêts israélo-iraniens avec les intérêts de l'islam extrémiste dans la région », le député Ahmad Fatfat, membre du bloc du Futur, a cerné l'enjeu libanais sous l'angle suivant : « Comment protéger le Liban du fourneau régional, ou du moins, comment retarder l'instant où celui-ci l'atteindra ? » Si les dialogues politiques en cours « sont le signe d'une envie partagée d'épargner au pays une nouvelle guerre (...) la vraie question qui doit se poser se situe au niveau stratégique et non plus circonstanciel ». Affinant ainsi sa problématique, il s'est interrogé sur « les moyens de libérer une fois pour toutes le Liban du risque persistant d'être l'écho des développements régionaux », a précisé le député.
Il a en effet décrit l'histoire du Liban comme « une répétition troublante, un cercle vicieux de destruction et d'effritement de l'État et du message libanais ». Il faut donc oser poser la question de savoir si « l'accord de Taëf, la réaffirmation de l'arabité du Liban, l'accord de Baabda et la politique de distanciation sont vraiment suffisants ». Certes, a-t-il poursuivi, « une mise en œuvre efficace de l'accord de Baabda et de la résolution 1701 protégerait le Liban de dangereux dérapages », mais il est grand temps « d'examiner radicalement les moyens d'empêcher une réédition des souffrances des Libanais ». « N'est-il pas temps de relancer l'idée de la neutralité du Liban? » a-t-il demandé. « Cette question n'est ni un souhait ni une tentative de provocation. Elle appelle seulement à avoir assez d'audace pour débattre des idées salvatrices, sans idées préconçues ni préjugées », a conclu Ahmad Fatfat.
Pour Samir Frangié, « le salut du Liban est possible, à condition de bâtir sur une nouvelle culture, celle de la paix et du vivre-ensemble, et de soutenir les acteurs civils et leur mouvement contre toutes les formes de violences, et leurs multiples sources. Ce salut est possible à condition aussi de communiquer avec les forces modérées et démocrates du monde arabe, unies par une vision commune d'un Orient du vivre-ensemble. La dernière condition, enfin, est notre contribution, à partir du modèle libanais, à construire et mettre en œuvre cette vision ». La paix au Liban et la préservation de son modèle sont ainsi intrinsèquement liées.
Le député Fadi Karam, membre du bloc des Forces libanaises, a adapté cet argumentaire à la situation des chrétiens d'Orient. « Le rôle des chrétiens n'existe pas sans les concepts libanais communs, tout comme le Liban-État n'existe pas sans un rôle chrétien actif », a-t-il souligné.
Il a appuyé en outre une relance du débat sur la neutralité. Il a rappelé dans ce cadre que « la neutralité du Liban a toujours été une nécessité pour les Arabes, surtout en période de conflits entre eux, sauf lorsque certains régimes arabes ont voulu utiliser le Liban contre d'autres régimes. C'est alors que le pays a explosé... ».
Liban
Samir Frangié, Fatfat et Karam : double plaidoyer pour le vivre-ensemble et la neutralité
OLJ / le 20 avril 2015 à 00h00
commentaires (3)
CORRECTION : PRIÈRE LIRE L'UN TERRESTRE ET L'AUTRE DIVIN. MERCI.
LA LIBRE EXPRESSION
16 h 25, le 20 avril 2015