Les responsables du groupe dit des 5+1 (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume uni et Allemagne) et de l'Iran ont annoncé, hier soir, avoir convenu d'un accord cadre pour résoudre le dossier du nucléaire iranien. Cette étape fondamentale doit ouvrir la voie, grâce à de nouvelles négociations, à un accord définitif d'ici au 30 juin. Un accord final sur le nucléaire iranien, qui apparaît comme possible à l'issue des discussions de Lausanne, redonnerait à l'Iran toute sa place sur la scène diplomatique.
Mais, en raison de l'implication toujours plus grande de Téhéran dans différents conflits, les experts se montrent divisés sur les évolutions à attendre au Moyen-Orient. Au total, cela « permettrait à l'Iran de se refaire une virginité » sur le terrain diplomatique, « et pas seulement auprès de Washington », assure le politologue algérien Hasni Abidi, directeur à Genève du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen. Sur le plan économique, l'Iran devrait bénéficier, à plus ou moins long terme, d'une levée des sanctions internationales qui le frappent durement depuis des années, en échange de la garantie formelle qu'il renonce à se doter de l'arme nucléaire.
Un tel accord consacrerait la domination « de deux grands acteurs sur la scène régionale, l'Iran et l'Arabie saoudite », juge pour sa part le spécialiste de la République islamique Bernard Hourcade, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), basé à Paris. Pour les monarchies du Golfe, un accord sera vécu « comme un renversement de balancier, comme si les États-Unis passaient du côté de l'Iran », note Bernard Hourcade. « Mais il forcera aussi les deux grands rivaux, Iraniens et Saoudiens, à se mettre autour d'une table. Il y aura donc des perspectives positives », selon lui. L'expert estime que « jusqu'à présent, l'Iran s'imposait, sans qu'on l'invite, sur le théâtre régional et ça donnait la guerre. Avec un accord, l'Iran devra jouer sur le terrain diplomatique et un processus vertueux pourra être enclenché ».
(Lire aussi : Perse islamique ou Iran de toujours ?)
Péril sécuritaire ?
Les experts s'interrogent surtout sur les conséquences qu'aura pour la région une levée des sanctions qui frappent l'Iran, si un accord définitif est gravé dans le marbre. « Les alliés des États-Unis dans la région se disent qu'une levée des sanctions, même graduelle, permettra à l'Iran d'aider encore plus militairement et financièrement le régime de Bachar el-Assad, les milices chiites d'Irak et le mouvement houthi au Yémen », relève dans la même veine le groupe de réflexion américain Soufan Group.
Pour David Hartwell, directeur à Londres du magazine Middle East Insider, « les choses ont tellement changé (dans la région) ces derniers mois, et ces dernières semaines, que ce qu'on pouvait escompter, c'est-à-dire voir l'Iran mieux coopérer sur d'autres questions (que le nucléaire), s'éloigne de plus en plus ». Pour lui, il est « difficile de concevoir qu'un accord sur le nucléaire améliorera la sécurité régionale, au moment où vous avez trois guerres dans trois pays, l'État islamique partout, et l'Iran qui met son nez dans plusieurs pays ».
Relégué jadis par les États-Unis dans un « axe du mal », ostracisé diplomatiquement depuis 35 ans et économiquement paralysé par les sanctions, l'Iran n'a en tout cas pas attendu l'éventuelle conclusion de 12 années de négociations pour avancer ses pions sur le terrain, en termes d'influence politico-militaire. Que ce soit au Liban à travers le Hezbollah, en Syrie où Téhéran défend le régime de Damas, en Irak où des forces iraniennes prêtent main forte aux troupes régulières contre les extrémistes du groupe État islamique, ou au Yémen. C'est pour intervenir dans ce pays que l'Arabie saoudite, rival sunnite de l'Iran, vient de rassembler une coalition militaire arabe pour combattre les rebelles chiites houthis soutenus par Téhéran. « L'interventionnisme de l'Iran, de la Syrie au Yémen, en a fait un acteur incontournable, et redouté », résume M. Abidi.
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commentaires (4)
"Quelles implications" ? A u c u n e, qui soit d'une importance exceptionnelle.
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
09 h 22, le 04 avril 2015