Les craintes que l'Iran chiite conserve un programme nucléaire potentiellement dangereux même après un accord international alimentent l'hypothèse que l'Arabie saoudite sunnite, rivale de Téhéran, va chercher à disposer de moyens équivalents.
Quelle que soit l'issue des négociations entre l'Iran et les grandes puissances, les risques de prolifération nucléaire persisteront au Moyen-Orient, préviennent des analystes. Car l'Iran gardera des capacités pour enrichir l'uranium et la possibilité de relancer des activités douteuses à plus ou moins long terme, selon eux.
Depuis des années, les monarchies arabes du Golfe redoutent, comme Israël, les États-Unis ou leurs alliés occidentaux, que l'Iran ne se dote de l'arme atomique sous le couvert d'un programme présenté comme uniquement civil par Téhéran. Alors qu'un nouveau round de négociations s'ouvrait cette semaine en Suisse, l'influent prince saoudien Turki al-Fayçal a averti que des pays du Moyen-Orient, dont l'Arabie saoudite, pourraient formuler des exigences à l'issue d'un éventuel accord international avec Téhéran. « J'ai toujours dit que, quelle que soit l'issue de ces négociations, nous voudrons la même chose », a déclaré le prince à la BBC. « Si l'Iran a la capacité d'enrichir l'uranium à un niveau quelconque, ce n'est pas seulement l'Arabie saoudite qui demandera ça. Le monde entier aura la voie ouverte pour prendre cette direction sans la moindre inhibition », a-t-il déclaré, en expliquant que c'était sa « principale objection » à l'accord actuellement envisagé. Le prince al-Fayçal, frère de l'actuel ministre des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal, a longtemps dirigé les services de renseignements du royaume saoudien avant d'être ambassadeur aux États-Unis.
Washington, qui espère obtenir un accord-cadre au 31 mars, semble avoir abandonné l'objectif d'obtenir un démantèlement total des installations nucléaires iraniennes. Un important volet de la négociation porte sur le nombre de centrifugeuses et le niveau d'enrichissement d'uranium, qui seraient accordés à l'Iran, ce qui suscite une grande méfiance parmi les monarchies du Golfe. « Il y a une inquiétude : l'Arabie saoudite et peut-être d'autres États dans la région pourraient chercher à obtenir les mêmes capacités », affirme Mark Fitzpatrick, directeur du programme de non-prolifération et de désarmement à l'Institut international d'études stratégiques. « Cependant, si l'on tient compte du fait que ça a coûté très cher à l'Iran, je pense que le royaume (saoudien) réfléchira à deux fois avant de prendre cette direction », estime-t-il.
« Capacité latente »
De fait, le premier exportateur de pétrole au monde cherche à diversifier ses sources d'énergie. Le 3 mars, l'Arabie saoudite a signé un accord de coopération dans le domaine du nucléaire civil avec la Corée du Sud. Son voisin, les Émirats arabes unis, va se doter de quatre réacteurs nucléaires sud-coréens, dont le premier sera opérationnel en 2017, a annoncé le 22 décembre un haut responsable d'Abou Dhabi. Cependant, la plupart des pays du Golfe n'ont pas la technologie pour enrichir l'uranium, souligne Anthony Cordesman du Centre d'études internationales et stratégiques à Washington. Pour pouvoir progresser et confectionner des armes, « la seule voie » possible sera de faire appel à « un pays comme le Pakistan », dit-il. Pour rappel, l'Arabie saoudite et le Pakistan, deux pays sunnites, sont de proches alliés depuis des décennies.
Toutefois, Asaad al-Shamlan, professeur de sciences politiques à l'Institut d'études diplomatiques à Riyad, assure qu'il n'y aucun fondement dans les « spéculations » selon lesquelles l'Arabie saoudite cherche à disposer de l'énergie nucléaire pour contrer l'Iran. Les pays du Golfe devront toutefois accepter le fait que l'Iran aura des « capacités latentes », c'est-à-dire le potentiel d'acquérir un jour l'arme atomique, dit-il. « L'une des options pour les pays du Conseil de coopération du Golfe (CGC) sera d'essayer de se doter d'une capacité équivalente avec une même capacité latente », explique M. Shamlan.
Pour les monarchies du Golfe, cette délicate question devra être traitée « dans le cadre de la relation stratégique avec l'Occident » et ce sera « un défi » d'y répondre « sans mettre en péril les liens étroits avec les États-Unis », prédit-il. L'Arabie saoudite et ses partenaires du Golfe ont toujours réclamé, en vain, d'être associés ou du moins informés des négociations sur le programme nucléaire iranien.
Ian Geoffrey
Quelle que soit l'issue des négociations entre l'Iran et les grandes puissances, les risques de prolifération nucléaire persisteront au...
commentaires (2)
ILS PEUVENT L'ACHETER SUR LES MARCHÉS... CE N'EST PAS LA MÊME CHOSE ! LES PERC(S)ÉS ONT DES SAVANTS ET DES INGÉNIEURS ET LA TECHNIQUE... ET LA FABRIQUENT EUX-MÊMES !!!
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 03, le 19 mars 2015