Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Nigeria

« L’État islamique de Boko Haram n’est qu’une chimère... »

Les rescapés de la secte islamiste racontent les meurtres et la famine.

Une jeune fille nigériane, rescapée des razzias de Boko Haram, vit comme des milliers d’autres personnes dans un camp de fortune pour déplacés. Afolabi Sotunde/Reuters

Boko Haram affirme bâtir un État islamique dans le nord du Nigeria, mais les habitants qui ont fui les territoires contrôlés par le groupe armé ne connaissent que meurtres, rapts et famine.


L'insurrection déclenchée il y a cinq ans par la secte islamiste est l'une des plus meurtrières au monde, ayant coûté la vie à 10 000 personnes l'an dernier, selon le Council of Foreign Relations, un groupe d'études bipartisan américain. Des centaines de personnes, femmes et enfants pour la plupart, ont été enlevées par les jihadistes et le groupe menace la stabilité du pays le plus peuplé d'Afrique ainsi que des pays voisins comme le Cameroun ou le Niger.

 

(Pour mémoire : Une femme tuée en plein accouchement, Boko Haram pousse l'horreur toujours plus loin)


Mais s'il affiche la même cruauté que l'État islamique en Irak et en Syrie, décapitant ses ennemis devant les caméras, il est loin d'avoir mis en place le moindre embryon d'administration, rapportent des témoins qui ont pu s'échapper des zones qu'il contrôle. Ces villageois évoquent avant tout pénuries, esclavage, meurtres et une activité économique au point mort. « L'État islamique n'est qu'une chimère. Les hommes de Boko Haram se bornent à pénétrer dans votre maison pour s'en emparer », déclare Phineas Elisha, porte-parole du gouvernement de l'État d'Adamawa, un des trois États que la République fédérale du Nigeria a placés en état d'urgence pour lutter contre l'insurrection. « Il n'y a aucune forme de gouvernement », ajoute ce responsable qui a pu voir les dégâts provoqués par Boko Haram après la reconquête par l'armée de la ville de Mubi en novembre.

 

(Pour mémoire : « Après avoir assassiné nos jeunes, les insurgés ont emmené nos femmes et nos filles »)

 

Une éphémère « Cité de l'islam »
Les dirigeants du groupe jihadiste, qui ne parlent jamais aux médias, disent rebâtir un ancien empire musulman qui prospérait il y a des siècles sur le commerce transsaharien des esclaves, de l'or et de l'ivoire. En août, un homme se revendiquant comme le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau (même si l'armée affirme avoir tué Shekau), a proclamé dans une vidéo un « territoire musulman » à Gwoza, près de la frontière camerounaise. Selon les services de sécurité nigérians et des données gouvernementales, Boko Haram contrôlerait un peu plus de 30 000 km2, un territoire comparable à celui de la Belgique.
Mais tandis qu'en Syrie, au terme d'offensives brutales, le groupe État islamique s'emploie à s'attirer la bienveillance des tribus, ceux qui ont échappé à Boko Haram racontent que les jihadistes nigérians ne font guère autre chose que contraindre les habitants à adopter leur version ultrarigoriste de l'islam, sous peine de mort. « Ils distribuent du riz qu'ils ont volé dans les magasins, une bouilloire et des voiles pour les femmes. Les gens ont faim. Ils ne mangent que du maïs et des courges », déclare Maryam Peter, originaire du village de Pambla.

 

(Lire aussi : À l'attention de M. Shekau, le billet d'Emilie Sueur)


Les victimes de Boko Haram sont rarement enterrées. La première chose que la Croix-Rouge nigériane doit faire lorsqu'une localité retombe dans les mains du gouvernement, c'est enlever les corps, explique Aliyu Maikano, un responsable de l'organisation. Il se souvient qu'après la prise de Mubi par l'armée en novembre, il a dû se couvrir la bouche et le nez en raison de la puanteur des cadavres en décomposition. Les survivants, ajoute-t-il, « étaient affamés et assoiffés. Il n'y a pas d'eau potable parce que, dans la plupart des puits, on trouve des cadavres ». Un ancien habitant de Mubi déclare que les rebelles avaient rebaptisé la ville « Madinatul Islam », ou « Cité de l'islam ». Parfois, les hommes de Boko Haram pillent les villages sans protection et repartent se cacher dans leurs camps installés dans la brousse, déclarent des responsables de la sécurité. Pour survivre parmi eux, il faut prétendre les soutenir, ajoute Andrew Miyanda, qui a fui les rebelles la semaine passée en marchant pendant des jours jusqu'à la rivière Benoué. De jeunes garçons de son village ont été enlevés pour « entraînement », ce qui rappelle les pratiques de l'Armée de résistance du Seigneur, un groupe rebelle ougandais.

 

 

 

 

Boko Haram affirme bâtir un État islamique dans le nord du Nigeria, mais les habitants qui ont fui les territoires contrôlés par le groupe armé ne connaissent que meurtres, rapts et famine.
L'insurrection déclenchée il y a cinq ans par la secte islamiste est l'une des plus meurtrières au monde, ayant coûté la vie à 10 000 personnes l'an dernier, selon le Council of Foreign Relations,...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut