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Moyen Orient et Monde - Par Christopher R. HILL

La clarté stratégique sur la Corée du Nord

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Republic of Korea Out/AFP

Tous les regards sont braqués en ce moment sur les nouvelles cyberpossibilités récemment prétendues de la Corée du Nord. Si la récente attaque sur les ordinateurs de Sony Pictures proviennent bien de ce pays, comme l'affirment les pouvoirs publics des États-Unis, s'agit-il d'un acte de sabotage, de vandalisme, de terrorisme ou, pour employer la formule préférée des néoconservateurs (surtout pendant la période des fêtes), de guerre ?
Quels que soient les mérites de l'allégation américaine (à propos de laquelle persiste un certain scepticisme), le bilan en matière des droits de l'homme de la Corée du Nord vient d'être renouvelé, à juste titre. Si cet épisode débouche sur quelque chose (à savoir, sur le renvoi de la Corée du Nord devant la Cour pénale internationale (CPI), cela dépendra de décisions prises par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Étant donné que la Chine et la Russie (qui brandit son droit de veto de membre permanent du Conseil de sécurité) s'opposent à une action en la matière, le différend ne va probablement pas en arriver là. Mais à tout le moins, le débat selon les termes de l'ambassadrice des États-Unis aux Nations unies Samantha Power, « lève le voile » sur le « bilan effroyable de la Corée du Nord en matière de droits de l'homme » et sur l'urgence de rendre compte de ce bilan.
Dans le monde entier, certains pays s'en tirent sans aucune sanction pour leur mauvais bilan en matière de droits de l'homme. Certains s'en tirent avec des cyberattaques transfrontalières. Quelques-uns s'en tirent même avec le maintien de programmes nucléaires. Mais un pays les subit rarement toutes, comme c'est évidemment le cas de la Corée du Nord.
Mais le monde change. Quiconque a récemment voyagé en Chine sait que si en fin de compte les Chinois (pour des raisons qui leur sont propres) empêchent la Corée du Nord d'être renvoyée devant la CPI, ils en ont assez de son comportement d'État client. Dans une partie du monde où la politique repose en grande partie sur des symboles, la Chine n'a pas invité le chef nord-coréen Kim Jong-un à visiter Pékin depuis son accession au pouvoir en 2012 et semble peu disposée à le faire de sitôt.
L'explication officielle de la Chine pour cet écart est que le moment n'est pas approprié : un argument évidemment ouvert à l'interprétation et aux variations. Toutefois pour l'instant, il semble que l'évitement de Kim par la Chine soit irrémédiable.
Quand Kim a pris le pouvoir, il a immédiatement formulé des menaces de guerre envers les États-Unis, en posant avec ses généraux devant une carte montrant des missiles pointés vers l'Amérique du Nord. Kim a finalement choisi une autre manière d'exprimer son leadership : il a fait arrêter son oncle (et la main chinoise du régime) lors d'une soirée et l'a fait exécuter. Quels que soient les propres enjeux de la Chine, les dirigeants chinois savent qu'ils ne peuvent pas compter sur le « jeune général ».
Les motivations de la Chine dans la gestion de la Corée du Nord sont complexes. Mais de plus en plus souvent, les nombreuses questions comprises dans les relations bilatérales sont anachroniques. Pour la Chine, la reprise des relations avec ses voisins d'Asie du Sud-Est, qui ont été mises à mal par des disputes territoriales, est une priorité plus importante. Ce processus est déjà en cours, car la Chine semble maintenant prête à régler ses différends à un niveau multilatéral, par l'intermédiaire de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (Anase). Des tensions similaires avec le Japon ont pu s'envenimer, ce qui n'a bénéficié à aucun des deux camps.
Mais le problème nord-coréen est différent. En supposant que les dirigeants chinois soient conscients que leur relation avec l'un des pires régimes du monde ne va pas jouer en faveur de leur objectif d'engagement mondial, les États-Unis doivent rechercher une façon d'influencer la politique chinoise.
Trop souvent, la Chine et les États-Unis abordent la question de la Corée du Nord de manière stéréotypée. Les Chinois déclarent de leur côté qu'ils « encouragent le dialogue », tandis que les États-Unis invitent instamment la Chine à faire davantage, sans préciser quoi. Pour les États-Unis, l'objectif doit être de convaincre plus ardemment les Chinois de dissuader le comportement criminel de la Corée du Nord. Cela veut dire communiquer plus clairement avec les Chinois sur la situation de la Corée du Nord parmi ses propres priorités.
En particulier, la Chine a besoin de savoir comment les États-Unis considèrent les futurs arrangements sur la péninsule de Corée. Parmi toutes les inquiétudes de la Chine sur la Corée du Nord, la plus grave est l'effondrement du régime (probablement suivie de la déliquescence de l'État), qui pourrait être perçu comme une défaite chinoise et une victoire américaine avec la Corée réunifiée dans le cadre du système américain de l'alliance. Donner accès aux arguments d'une réflexion approfondie sur la question pourrait être le meilleur moyen de promouvoir la coopération et plus important encore, une doctrine « sans surprise ». Les débats chinois portent fréquemment en ce moment sur des mesures « d'excellentes relations internationales » et sur des arrangements « gagnants-gagnants ». Les États-Unis doivent travailler avec eux sur ce concept.
En outre, les États-Unis doivent encourager de meilleures relations entre la Chine et la Corée du Sud. Il est largement admis dans la région que les États-Unis rechignent à mettre en place des relations plus étroites, comme si davantage de Chine dans le futur de la Corée du Sud impliquait moins d'Amérique. En fait, il y a beaucoup de place pour tout le monde. Plus vite la Chine se sentira à l'aise avec la République de Corée comme voisin immédiat, meilleure sera la situation pour tout le monde.
Hollywood, les droits de l'homme et la cybersécurité ne sont pas des questions avec lesquelles la Chine se sent particulièrement à l'aise. Mais leur confluence témoigne du besoin de meilleurs canaux de coopération sino-américains sur la Corée du Nord. Quoi que l'administration américaine du président Barack Obama entende par l'expression « patience stratégique », elle a probablement été un peu excessive ces dernières années. L'heure d'un réengagement stratégique avec la Chine a sonné. La Corée du Nord n'est pas un problème qui va se résoudre de lui-même.

© Project Syndicate, 2014.

Christopher R. Hill, ancien secrétaire d'État adjoint des États-Unis en Extrême-Orient, est doyen de la Korbel School pour les études internationales à l'université de Denver. Son dernier livre s'intitule « Outpost ».

Tous les regards sont braqués en ce moment sur les nouvelles cyberpossibilités récemment prétendues de la Corée du Nord. Si la récente attaque sur les ordinateurs de Sony Pictures proviennent bien de ce pays, comme l'affirment les pouvoirs publics des États-Unis, s'agit-il d'un acte de sabotage, de vandalisme, de terrorisme ou, pour employer la formule préférée des...

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