Aucun État arabe ne peut actuellement se prévaloir d'occuper un rôle de puissance régionale. D'entraîner les autres dans une dynamique positive et cohérente leur permettant d'avoir du poids sur la scène internationale. Le monde arabe est dramatiquement divisé. Il n'incarne aucune cause, aucun projet, aucune vision à long terme.
Pires, les États historiques, la Syrie, l'Irak et l'Égypte, dont les nombreux vestiges avaient au moins le mérite de symboliser leur gloire passée, sont désormais quasiment détruits et/ou complètement divisés. De cette malheureuse absence a profité l'Arabie saoudite. Un royaume dynastique et wahhabite, allié aux États-Unis depuis le pacte de Quincy, gratifié de pétrodollars mais incapable d'achever son processus de modernisation.
Alors que la région vit actuellement une des périodes les plus inquiétantes de son histoire, cette absence de leadership marginalise un peu plus le monde arabe et le rend encore plus dépendant des ingérences extérieures.
Et à regarder de plus près les perspectives d'évolution à moyen terme de chacun des États qui composent cet ensemble hétérogène, il semble peu probable que la situation s'améliore.
(Lire aussi : Le choc des islamismes ?)
D'autant plus que plusieurs événements sont en train de bouleverser l'ordre en place et pourraient profiter à terme à trois États non arabes : la Turquie, l'Iran et Israël. Parmi ces événements figure l'offensive de l'État islamique qui remet en question les accords de Sykes-Picot et rend possible l'apparition d'un grand Kurdistan indépendant (sur les territoires syrien et irakien). Un grand Kurdistan qui affaiblirait d'autant plus le monde arabe qu'il devrait certainement, pour des raisons stratégiques et idéologiques, s'allier à la fois à l'Iran, à la Turquie et... à Israël. Comme le fait déjà la région autonome du Kurdistan irakien.
(Lire aussi : Offensive majeure de l’EI pour prendre la ville irakienne de Ramadi)
Le second grand événement qui aboutirait à une importante redistribution des cartes dans la région est sans aucun doute la conclusion d'un accord entre l'Iran et les 5+1. La normalisation des rapports de l'Occident avec l'Iran, après presque 30 années d'animosités et de tensions entre les deux acteurs, est tout à fait logique au vu des circonstances actuelles. N'en déplaise à l'Arabie saoudite et à Israël, les États-Unis ne peuvent plus continuer d'ignorer ce pays tout en menant une politique de désengagement dans la région. D'autant plus que depuis le 11 septembre 2001, Washington a déclaré la guerre au jihadisme international et que dans ce cadre, l'Iran pourrait devenir un allié de poids. L'accord serait en quelque sorte une reconnaissance de l'importance stratégique de la République islamique, pivot stable et dominant entre trois régions instables (le Caucase, l'ensemble Afghanistan/ Pakistan et le monde arabe).
(Lire aussi : Une négociation folle en forme de face à face Iran-USA)
De plus, l'ouverture du marché iranien, déjà préparée et entamé par les entreprises avides de profit, profitera très largement aux deux parties. Malgré ses contradictions et son esprit conservateur, la société iranienne est aujourd'hui beaucoup plus proche des sociétés occidentales que ne le sont les sociétés arabes. À cet égard, le deal semble tellement profiter aux deux parties qu'il est difficile d'imaginer qu'il puisse ne pas aboutir. Il faudra pourtant une importante dose de courage et d'intelligence politique pour parvenir à le finaliser. Si tel est le cas, il redessinerait les cartes et les alliances du Moyen-Orient, et symboliserait de manière officielle le déclin du monde arabe par rapport à ses voisins proches.
Lire aussi
Rohani joue sa crédibilité dans les négociations avec l’Occident
Victoire diplomatique pour Obama en cas d'accord sur le nucléaire iranien
L'enjeu à Vienne : retarder la « capacité nucléaire » de l'Iran
Aucun "lien" entre le nucléaire iranien et la guerre anti-jihadiste, assure Washington
commentaires (6)
"Plus proche", par le Tchador peut-être ?
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
17 h 30, le 22 novembre 2014