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À La Une - Reportage

En Irak, les sunnites sont las d'être marginalisés

"L'Irak, tout l'Irak, souffre des actions de l'armée irakienne. Les sunnites, les chiites, les Kurdes..."

 

Les forces de sécurité irakiennes se rendent aux urnes lundi pouvoir surveiller le déroulement mercredi du premier scrutin national depuis le départ des troupes américaines fin 2011. AFP PHOTO / MOHAMMED SAWAF

Coincés dans leur maison d'Azamiya, un quartier sunnite de Bagdad, Abou Nour et sa femme ne sortent plus beaucoup depuis qu'il a été arrêté en pleine nuit, frappé et retenu trois heures par l'armée, avec son fils et son neveu.

"Je vais au travail, je rentre, et c'est tout", raconte Abou Nour, 54 ans. Peau burinée et barbe poivre et sel, trop effrayé pour donner son nom complet, ou sa profession. Raconter son arrestation "le rend malade".
Son épouse, qui souhaite se faire appeler Oum Nour, a la quarantaine. Souriante, son visage se ferme lorsqu'elle raconte l'arrestation de son mari.

Elle dormait lorsque un bruit l'a réveillée. Quand son mari est descendu voir ce qu'il se passait, les soldats l'ont arrêté, avec son fils et son neveu, et les ont battus. Oum Nour s'est précipitée dans la rue, sans même se couvrir la tête de son foulard, suppliant les soldats de les relâcher. Les trois hommes sont rentrés trois heures après et aucune raison ne leur a été donnée pour leur arrestation. Mais pour Abou Nour, c'est certain, les soldats qui surveillent le quartier s'en sont pris à eux à cause de leur religion. "Pour eux, tous les sunnites sont des infidèles", des "Baasistes de Saddam", dit-il en référence au parti de l'ancien dictateur, Saddam Hussein.

Les sunnites, qui représentent 30 à 35% de la population en Irak, pays à majorité chiite, ont été au pouvoir jusqu'au renversement de Saddam Hussein par l'invasion américaine en 2003. Depuis, ils s'estiment marginalisée par les autorités du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, qui brigue un troisième mandat aux législatives de mercredi.

 

'Tout l'Irak souffre'
Les tensions confessionnelles, déjà profondes, sont devenues un argument politique, instrumentalisées tant par M. Maliki que par les jihadistes sunnites qui multiplient depuis plus d'un an les attaques sanglantes contre les forces de sécurité et la communauté chiite.

Alliés aux tribus arabes, des membres de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), un groupuscule sunnite radical, se sont emparés en janvier à Fallouja, dans la province occidentale d'Al-Anbar. "Les habitants n'étaient pas des fanatiques de l'EIIL, mais leur haine de l'armée irakienne -considérée comme le bras armé d'un régime chiite aux ordres de Téhéran- est encore plus profonde", souligne un rapport de l'International Crisis Group (ICC).

Ces soldats, "ce ne sont pas des Irakiens, ils ne représentent pas l'armée irakienne. Ils sont uniquement là pour faire du mal", s'emporte Abou Nour. "L'Irak, tout l'Irak, souffre de leurs actions. Les sunnites, les chiites, les Kurdes...", renchérit son épouse, assise sur leur sofa usé.

Les forces de sécurité sont régulièrement sous le feu des critiques des ONG et des diplomates. L'envoyé spécial de l'ONU en Irak, Nickolay Mladenov, a déclaré en novembre qu'elles avaient besoin "d'un gros entraînement en matière de droits de l'Homme".

L'armée emploie un grand nombre de Kurdes et de sunnites, mais aux yeux d'Abou Nour, de sa femme, et de l'immense majorité de leurs coreligionnaires, les militaires sont tous chiites. Changer cette perception est une condition majeure pour faire cesser la spirale des violences qui ont fait près de 3.000 morts depuis le début de l'année.

 

Maliki et la "façon Assad"
"Après les élections, ce qui va être important, c'est de renégocier un accord sur la présence des sunnites au sein des forces de sécurité", explique Maria Fantappie, de l'ICC. "Des officiers pourraient ainsi être nommés à Al-Anbar, et dans les (autres) régions sunnites", ce qui aiderait à calmer la situation.

M. Maliki ayant de grandes chances d'être réélu, il sera néanmoins difficile pour les sunnites de faire entendre leur voix. Le Premier ministre sortant, qui n'a pas de véritable challenger, a su se servir de la menace terroriste à Fallouja et Al-Anbar "à la façon dont Bachar al-Assad se sert d'Al-Qaïda", mettant rébellion et jihadistes dans le même sac, pour devenir le favori, souligne l'ICC.

Le gouvernement a également invoqué Fallouja pour intensifier les opérations armées dans les régions sunnites, augmenter les arrestations et accélérer les exécutions, précise Mme Fantappie. Ce qui a exacerbé la rancune de cette communauté.

Mercredi, Abou Nour ira voter en espérant que tout cela s'arrête. "J'irai voter pour que ça change, sinon je quitterai ( le pays). On ne peut pas subir ces hommes 4 ans de plus".

 

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