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Moyen Orient et Monde - Le billet

Le chef se rebiffe

Photo AFP

Dire que Valls était mon premier choix serait mentir. Il n'était pas le second non plus. Il n'était pas du tout sur ma liste en fait.
Rien de personnel, attention, même pas du politique. Non, avec Valls, j'ai un problème d'ordre culinaire. Monsieur le Premier ministre est allergique au gluten et n'aime pas le poisson.
En tant que chef des cuisines de Matignon, je crois bien avoir décroché la timbale.
Pas de gluten, ça signifie pas de pain, pas de pâtes, pas de gâteaux, pas de nouilles, pas de bière, pas de sauce soja... On flirte avec l'épuration gastronomique.
Un allergique au gluten, que mange-t-il en dessert ? Un kiwi, un sorbet fraise, une panna cotta éventuellement, une mousse au chocolat... Du mou, du mou et encore du mou !
Certes, on peut envisager de décliner, de revisiter même, la galette au sarrasin. Moi, breton jusqu'au trognon, je peux effectivement me faire une galette à chaque repas. Tous les jours. Je ne suis pas sûr que le Catalan tienne le rythme.

 

Cela dit, je râle, je râle, mais ce n'est pas tant son allergie au gluten que son rejet du poisson qui m'irrite. Quelqu'un aurait-il l'obligeance d'expliquer à Manuel que le poisson c'est quasiment ma signature ? Quand le magazine Elle me demande des recettes, je ne lui file pas la côte de bœuf façon Christophe Langrée. Non, je sors de mes carnets le saint-pierre au citron confit. Celle où les petits filets sont tout juste poêlés dans un beurre travaillé à l'échalote, au gingembre et au bouillon. Ou bien les ravioles de tourteau – gluten ET poisson –, parfumées à la coriandre et agrémentées d'un bouillon beurré, rehaussé d'un bouquet de légumes vivifié par des embruns de Noilly Prat et corseté dans le souvenir de carapaces concassées. Un travail tout en subtilité... Que Valls ne veut même pas goûter ! Et je ne parle pas des huîtres de Cancale ou de la langoustine du Guilvinec, désormais interdites de séjour rue de Varenne.

 

Pour être honnête, ça m'a filé un coup au moral de voir Ayrault partir. On l'a dit mou, manquant de charisme, d'autorité... Moi, ce que je sais, c'est que Jeannot, ce n'était pas un emmerdeur. Et ça, dès le premier jour. Pas le genre à marquer son territoire à coup de « j'aime pas ci, j'suis allergique à ça ». Le premier truc qu'il m'a dit Jeannot, c'est « Je vous fais confiance ». C'est idiot, mais ça m'a touché. À partir de là, les 23 gars de la brigade, mes deux seconds et moi, on s'est donné à fond, on s'est fait plaisir. Et à en juger par la mine épanouie de notre Jeannot après le dessert, on avait le plaisir communicatif.
Avant Jeannot, j'ai nourri Fillon. Lui aussi, il mangeait tout. Il était facile, certes, mais gourmet le garçon. Un rêve de chef Fanfan. Après Chirac évidemment.
Avant Fillon, il y a eu toutes les régions de France, traversées, humées, goutées, intégrées, il y a eu aussi une étoile à Bourges et une autre à Saint-Malo, un Relais et Châteaux en Polynésie, un restaurant à Londres, un autre à Hô Chi Minh-Ville, puis en Chine et à Saint-Barth !
Alors ce ne sont pas une allergie à la mode et des papilles borgnes qui vont me faire peur. Tu veux du steak Manu, on va t'en donner, du saignant, et tu va tellement l'aimer que tu regretteras de jouer les timorés devant une blanche morue. Foi d'apprenti de Ploufragan !

 

(Ceci est un billet, ce texte est donc le produit de l'imagination de l'auteur)

 

 

 

Dire que Valls était mon premier choix serait mentir. Il n'était pas le second non plus. Il n'était pas du tout sur ma liste en fait.Rien de personnel, attention, même pas du politique. Non, avec Valls, j'ai un problème d'ordre culinaire. Monsieur le Premier ministre est allergique au gluten et n'aime pas le poisson.En tant que chef des cuisines de Matignon, je crois bien avoir...

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