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Moyen Orient et Monde - Le point

Monarchie républicaine

« Désastre à l'égyptienne », « En pleine sissimania », « Un dictateur au lieu d'un démocrate » : les commentaires quotidiens regorgent de formules comme celles-là pour dénoncer la candidature de l'ex-commandant en chef de l'armée à la présidence. Il y a aussi le site Rassd qui diffuse en boucle ce qu'il présente comme un enregistrement où l'on entend le général – il n'avait pas encore reçu son bâton de maréchal – dénoncer la « malhonnêteté » de l'ancien candidat à la magistrature suprême Hamdine Sebaï et exiger d'un journaliste d'al-Masri al-Yom qu'il lance une campagne d'appui à sa candidature. Et peu importe que ledit site relève des Frères musulmans, l'heure n'est pas au « check and double check », principe qui est à la base du journalisme d'investigation. Abdel Fattah el-Sissi, droit dans les bottes qui furent celles de Gamal Abdel Nasser, Anouar Sadate et Hosni Moubarak, s'est lancé à l'assaut de la forteresse et tout indique qu'il l'investira. Du coup, certains médias saisissent l'occasion pour enfourcher leurs blancs destriers et s'en aller-t-en guerre, au nom des sacro-saintes vertus républicaines. La presse américaine est la première à se désoler, trop vite oublieuse de la mascarade floridienne de l'an 2000. Et de ressasser le prétexte du « premier chef d'État civil démocratiquement élu », du chaos dans lequel le pays ne manquera pas de se retrouver bientôt, des tensions avec les voisins, de l'arrimage peut-être (l'horreur !) à un nouveau fournisseur d'armes. Et de mettre allégrement dans le même sac Ikhwane et libéraux, baltaguiyah de l'ancien régime, présentés comme ralliés à la cause du raïs à venir, et militaires que les excès des partisans de Mohammad Morsi ont fini par excéder, adeptes du culte de la personnalité et sincères partisans d'un changement pour le meilleur. Sans doute voudrait-on se réveiller demain dans un pays miraculeusement converti du jour au lendemain aux bienfaits de la démocratie, ayant écarté tout spectre de dérive autoritaire. On attend de connaître la recette d'une telle métamorphose... Le comique algérien Mohand (Mohammad Saïd Fellag) le disait cruellement dans l'un de ses sketches : « On nous a donné l'indépendance mais pas le mode d'emploi qui va avec. »


La meilleure preuve que les déraillements empruntent souvent le masque de ce qui représente peut-être la plus belle invention des Athéniens (Ve siècle av. J-C) ? Les premières législatives de l'ère post-Moubarak sont organisées entre le 28 novembre 2011 et le 11 janvier 2012, remportées par la confrérie fondée en 1928 par Hassan el-Banna. Conséquence logique : la présidentielle qui se tient peu après échoit à l'un de ses membres, Mohammad Morsi, présenté d'abord comme un islamiste modéré soucieux de s'attaquer aux problèmes qui gangrènent depuis des décennies la société égyptienne. L'homme en fait se révèle acharné à ikhwaniser l'appareil étatique. Le problème, c'est que l'opération n'est pas rampante mais menée au pas de charge, contrairement à ce qui se passe en Turquie par exemple où Erdogan avait décidé de passer à la vitesse supérieure dix ans après la formation de son premier gouvernement. Les Égyptiens s'emparent de la rue, fortement encouragés par l'armée, laquelle n'attendait que cela pour reprendre la main et obtenir la tête de l'homme par qui, accuse-t-elle, tout le mal est arrivé.


Tout à son entreprise, l'éphémère président de la République n'a pas compris que l'urgence se situait ailleurs, dans le règlement du problème du chômage qui frappe surtout les jeunes et dans leur marginalisation, la pourriture qui frappe l'administration publique, dans ce véritable tonneau des Danaïdes représenté par les subventions inconsidérément octroyées à certains produits de première nécessité comme le pain et l'essence. Que le Conseil suprême des forces armées se soit saisi de la perche ainsi tendue, il n'y a à cela rien d'étrange, pas plus qu'il ne faudrait s'étonner de l'inversion du calendrier électoral situant la présidentielle avant les législatives, soit entre la mi-février et la mi-avril de cette année.


D'ici là, et même pour longtemps encore, les bonnes âmes continueront d'arborer le noir du deuil et de prédire l'imminente abomination de la désolation dans la terre des pharaons. Mais la générosité saoudienne ne connaît pas de limites, pas plus que celle des Émirats arabes unis et du Koweït, les États-Unis continueront de tonner contre la dictature avec laquelle ils ne rompront jamais les ponts et Sissi ne fera pas figure d'hérétique qui mérite de périr par l'épée. Illustration de l'hypocrisie politique ambiante : le vice-Premier ministre, Ziad Bahaeddine, a appelé à « présenter un front uni et à éviter les dissensions, maintenant qu'une phase cruciale de la feuille de route a été franchie ». Puis il a présenté sa démission, pour être conséquent avec lui-même sans doute. En toute démocratie.

« Désastre à l'égyptienne », « En pleine sissimania », « Un dictateur au lieu d'un démocrate » : les commentaires quotidiens regorgent de formules comme celles-là pour dénoncer la candidature de l'ex-commandant en chef de l'armée à la présidence. Il y a aussi le site Rassd qui diffuse en boucle ce qu'il présente comme un enregistrement où l'on entend le général – il...

commentaires (3)

On ne peut pas raisonablement parler de la revolution egyptienne si on ne la compare pas a celle des autres pays arabes , non pas qu'elles se ressemblent toutes mais parce que les contagions ont mute et les virus change de forme. On voit la tunisienne aboutir a un compromis prometteur , la lybienne s'enfoncer dangeureusement dans les sables mouvants du desert , tandis que l'egyptienne reprend tout a zero et redistribue les cartes . On peut mourir pour un ideal , mais il faudra qu'il colle a ce qu'on peut lui accorder comme sacrifice, les egyptiens essayent de recoller les morceaux mais s'ils ne prennent pas sur eux les souffrances que cela impliquent , ils resteront comme une ame errante entre les capitaux arabes mal intentionnes et les conseils occidentaux qui seront toujours les mauvais payeurs. On donne une chance a l'Egypte en fermant un oeil sur le "coup d'état" , faut pas qu'ils la gachent sauront ils l'enrichir ? rendez vous est pris au pied des pyramides la prochaine saison touristique .

FRIK-A-FRAK

18 h 09, le 30 janvier 2014

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Commentaires (3)

  • On ne peut pas raisonablement parler de la revolution egyptienne si on ne la compare pas a celle des autres pays arabes , non pas qu'elles se ressemblent toutes mais parce que les contagions ont mute et les virus change de forme. On voit la tunisienne aboutir a un compromis prometteur , la lybienne s'enfoncer dangeureusement dans les sables mouvants du desert , tandis que l'egyptienne reprend tout a zero et redistribue les cartes . On peut mourir pour un ideal , mais il faudra qu'il colle a ce qu'on peut lui accorder comme sacrifice, les egyptiens essayent de recoller les morceaux mais s'ils ne prennent pas sur eux les souffrances que cela impliquent , ils resteront comme une ame errante entre les capitaux arabes mal intentionnes et les conseils occidentaux qui seront toujours les mauvais payeurs. On donne une chance a l'Egypte en fermant un oeil sur le "coup d'état" , faut pas qu'ils la gachent sauront ils l'enrichir ? rendez vous est pris au pied des pyramides la prochaine saison touristique .

    FRIK-A-FRAK

    18 h 09, le 30 janvier 2014

  • TOUT COMME EN FRANCE Où ON S'ÉTAIT DÉBARRASSÉ DE LA ROYAUTÉ POUR SE VOIR INSTAURER L'EMPIRE... D'UNE MONARCHIE À L'AUTRE... OU DE CHARYBDE EN SCYLLA... ET ON SE PLAISAIT À L'APPELER "RÉPUBLIQUE" !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 01, le 30 janvier 2014

  • Comme celle du "25 janvier", prochaine révolution "populaire et démocratique" en Egypte dans soixante ans. Il faut dire que les Ikhwan en sont les premiers responsables, par leur sot fanatisme et leur avidité à "ikhwaniser l'appareil étatique" et jusqu'au dernier né du peuple égyptien. Dans ce but, ils ont placé à la tête de l'Etat un homme plus piètre tu meurs, pour le manipuler. L'armée et une grande partie de la population les ont rejetés. Imaginons -cela ne coûte rien- un pas idéal : que le "maréchal" Sissi refuse d'être candidat à la présidence et laisse la place à un candidat civil. Ce serait un pas historique, mais c'est sûrement une illusion.

    Halim Abou Chacra

    04 h 25, le 30 janvier 2014

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