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Liban - Conférence

Le Palais de justice à l’écoute de ceux qui croient à la « réforme de l’homme »

« Tout crime recèle une part de responsabilité sociale, condamner à mort est une fuite paresseuse des responsabilités », déclare dans une salle d’audience au Palais de justice Ogarit Younan, qui avait initié, à partir de 1997, avec Walid Slaiby, la coalition libanaise pour l’abolition de la peine de mort.

Le ministre sortant de la Justice, Chakib Cortbawi (à gauche), et l'ambassadrice de l'Union européenne (à droite), entourant Ogarit Younan, qui avait initié, à partir de 1997, avec Walid Slaiby, la Coalition libanaise pour l'abolition de la peine de mort (photos Michel Sayegh).

Des dizaines de figurines noires en carton traversent le rond-point en direction du Palais de justice. De taille humaine, la face dénuée de traits et d’expression, elles sont portées par des adolescents. Leur regard est couvert d’une bande blanche, et leur cou alourdi par une corde de pendaison, la même qui relie l’ensemble du cortège. L’anonymat renforce le sentiment pesant de la mise à mort et de l’attente. 


Chaque figurine représente l’un des 54 condamnés à mort détenus actuellement dans les prisons libanaises et qui attendent l’exécution de leur peine. Le Liban maintient en effet un moratoire de fait depuis janvier 2004, suspendant l’exécution de la peine de mort. Mais cet état des lieux ne saurait compenser l’absence d’une loi abolissant cette peine. La loi reste le seul moyen de garantir, d’une manière irréversible, la non-exécution de la peine capitale. 


Les adolescents, élèves du secondaire des écoles des Saints-Cœurs Kfarhabab et des carmélites, poursuivent leur marche sous les regards étonnés, fiers ou mécontents des passants qui défilent. Arrivés au seuil du Palais de justice, ils s’arrêtent et retournent les figures de carton, dont le revers blanc frappe alors le regard, portant une inscription saillante contre la peine capitale.
« Si le condamné est un meurtrier, que dire de la justice ? De la loi ? Du tribunal ? » ; « Qu’offre l’exécution aux familles des victimes ? » ; ou encore, cette citation de Victor Hugo : « Que dit la loi? Tu ne tueras pas. Comment le dit-elle ? En tuant! » ; et cette pensée du militant Walid Slaiby : « Deux crimes ne peuvent faire justice... »
Ces mots concentrent les différents arguments pour l’abolition de la peine de mort, réitérés avec concision lors de la conférence de presse qui a suivi le sit-in. 

 

(Lire aussi: Peine de mort : des Libanais exposent leur combat devant l’Assemblée nationale et le Sénat français)


Organisé au lendemain de la Journée mondiale contre la peine capitale par la coalition nationale pour l’abolition de la peine de mort au Liban, l’événement s’inscrit dans le cadre d’un projet mené auprès des écoles, en partenariat avec l’organisation française « Ensemble contre la peine de mort » (ECPM), et avec le soutien financier de l’Union européenne. La conférence s’est tenue dans une salle d’audience du Palais de justice, symbolisant ainsi la corrélation entre l’abolition de la peine de mort et la justice en tant que vertu nécessaire pour une société favorable à l’harmonie de l’homme. 


« Tout crime recèle une part de responsabilité sociale. La peine de mort est une fuite paresseuse des responsabilités », a déclaré Ogarit Younan, présidente de l’Association libanaise pour les droits civils, à laquelle est affiliée la coalition nationale pour l’abolition de la peine de mort.
Saluant à la fois les proches des victimes et les 54 prisonniers qui « se réveillent chaque matin avec la même crainte d’être exécutés », elle a appelé les législateurs à « innover pour transmettre l’humanisme et contrer la violence, l’humiliation et l’absence de foi dans la réforme de l’homme ».

L’émotion des jeunes
Cette foi est le mieux dépeinte par les paroles des élèves regroupés hier au Palais de justice. « Nul ne peut juger un autre », déclare à L’Orient-Le Jour Maroun Hokayem, élève des Saints-Cœurs. « On ne peut effacer le sang par le sang, il faut retourner à la source du problème », ajoute avec zèle Noor Maalouf, tandis que sa camarade de classe revient sur « l’essence de l’homme, qu’on oublie sous l’insigne de la peine de mort ». « L’on ne peut réparer un crime par un autre », lance comme une évidence Christina Aklé, élève des carmélites.
Tous écoutent avec une émotion à peine contenue leurs deux camarades lire tour à tour une lettre que tous ont contribué à rédiger : Maria Jabra s’adresse aux responsables, les implorant de « sanctionner mais pas de tuer », tandis que Leila Rostom transmet aux condamnés l’espoir d’une réforme susceptible de « protéger la société, sans minimiser l’acte commis ».


C’est l’esprit d’une justice efficace et humaine qui est exprimé par les sourires d’adolescents qui n’ont pas toujours été sensibles à la cause. Hassane, membre de la coalition et coordinatrice du projet, rapporte à L’OLJ certains constats recueillis auprès des élèves.  « Dans toutes les classes visitées, la proportion d’élèves favorables à l’abolition de la peine était toujours supérieure à celle des élèves hostiles à cette abolition », relève-t-elle.
Elle précise néanmoins que dans les écoles situées en régions d’instabilité sécuritaire, le nombre d’élèves en faveur de la peine augmentait, sans dépasser toutefois celui des élèves qui appuient son abolition. « La non-confiance dans l’État sous-tend tous les arguments en faveur de la peine de mort », relève-t-elle, insistant sur le pouvoir « libérateur de toute violence » que porterait sur les esprits l’abolition de la peine de mort, indépendamment de la politique pénitentiaire qui doit l’accompagner. Une émancipation que les militants de la coalition tentent progressivement de stimuler chez les élèves, conscients du lien étroit établi statistiquement entre peine de mort et hausse de la criminalité.

 « Le droit à la vie »
« Vous n’êtes pas seuls », leur lance la chef de la Délégation de l’Union européenne, l’ambassadrice Angelina Eichhorst, rappelant l’engagement de l’Europe contre cette peine « cruelle et inutile », dont l’abolition est une condition à l’adhésion à l’UE. Tous les États membres de l’UE étaient d’ailleurs représentés en grande partie hier par leurs ambassadeurs respectifs.
C’est « la primauté du droit à la vie sur tous les droits de l’homme » qu’a défendue le ministre sortant de la Justice, Chakib Cortbaoui, avant de demander : « Qui suis-je pour signer, en ma qualité de ministre de la Justice, le décret de condamnation d’une personne ? »
Richard Sedillot, administrateur de l’ECPM, résume avec concision les arguments pour l’abolition de la peine capitale, mais uniquement pour en accentuer l’aberration, « pour un pays comme le Liban, presque un mythe pour les Français, de maintenir la peine de mort ». Parmi les arguments qu’il relève, le refus des États ayant aboli la peine de mort d’extrader un criminel fugitif vers un pays où il encourt cette peine, lui permettant d’échapper dès lors à tout procès.
« Si vous voulez donner l’impunité au criminel, maintenez la peine de mort », lance-t-il. Il partage enfin un constat qu’il a pu se constituer au fil de sa carrière d’avocat : « La peine de mort ne touche jamais les forts, mais toujours les moins fortunés, ou les personnes persécutées politiquement. »

 

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CONDAMNER À MORT... C'EST DEVENIR CRIMINEL POUR PUNIR LE CRIMINEL !

SAKR LOUBNAN

09 h 32, le 12 octobre 2013

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Commentaires (1)

  • CONDAMNER À MORT... C'EST DEVENIR CRIMINEL POUR PUNIR LE CRIMINEL !

    SAKR LOUBNAN

    09 h 32, le 12 octobre 2013

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