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À La Une - L'impression de Fifi ABOU DIB

Intimes confessions

Il s’est passé quelque chose, même s’il ne s’est rien passé. Il y a une dizaine de jours, c’était le sauve-qui-peut. Ceux qui devaient partir ont précipité leur départ. On a parlé de blocus, de fermeture de l’aéroport. Tout à coup, les rues étaient désertes, les gens retenaient leur souffle. Les hôtels se sont vidés, des contrats ont été résiliés, il s’est même formé quelques files devant les stations d’essence. Dès que les ambassades s’avisent de conseiller à leurs ressortissants de quitter le pays, c’est panique et consternation. Elles ont beau formuler leurs messages au trébuchet et les diffuser avec discrétion, les « autres », ceux qui ne sont ni américains, ni canadiens, ni anglais, ni français, ni ouzbeks se sentent laissés pour compte. Ils ont un mot pour ça, simple, terrible : je ne suis « rien ». Il est des moments comme ça où être seulement libanais équivaut subitement à n’être rien.
Donc, la frappe n’aura pas lieu tout de suite, si toutefois elle a lieu. Sa légitimité, sans l’aval de l’ONU, est discutable. Son efficacité n’est pas garantie. En revanche, davantage de destructions, de victimes et d’exode le sont, tout comme l’est un débordement régional ou plus. Toujours est-il que les derniers étrangers ont plié bagages. Et c’est un peu plus seuls que nous abordons cette nouvelle rentrée incertaine, un peu plus malheureux d’être nés en un point de la géographie où il faut constamment se demander s’il faut partir ou rester, et jusqu’à quand ? Que l’épouvantail agité par les États-Unis ait au moins servi à faire bouger quelques lignes semble se vérifier. En attendant les faits, le Liban vit au ralenti, inquiet, en berne. Traumatisé par son passé, à peine remis des attentats qui l’ont récemment endeuillé, il a du mal à croire en l’avenir. De fait, quel avenir pour un pays qui a autant de difficultés à se doter ne serait-ce que d’un gouvernement et où la moindre échéance électorale est prétexte à un bain de sang ?
Nous doutons de nous-mêmes. Les seuls qui aient la chance d’avoir des certitudes sont les partisans, ceux qui suivent un chef avec la passion du féal. Pour lui, ils sont capables de parvenir à l’excellence de soi jusqu’au sacrifice. La démocratie n’a jamais produit de leaders capables d’allumer de telles flammes ni d’attiser de telles motivations. Ce n’est d’ailleurs pas son rôle. Il y faut beaucoup de haine, d’égocentrisme, d’intolérance, voire de racisme, de refus de la différence. Il y faut un sujet de ralliement exclusif, la confession par exemple. Y a-t-il plus intime que la vie spirituelle d’un individu, que sa relation avec son Dieu ? Sous nos cieux, non seulement la chose est étalée sur la place publique, non seulement elle tient lieu d’appartenance nationale, mais elle justifie les crimes les plus hideux, les attentats qui ressemblent à des épurations. Il est vrai que l’acceptation de l’autre comporte un certain risque et suppose quelques concessions ou contagions que d’aucuns vivraient comme un anéantissement. Mais l’inverse est stérile. Voilà pourquoi, pour longtemps encore, nous ne serons « rien ».
Il s’est passé quelque chose, même s’il ne s’est rien passé. Il y a une dizaine de jours, c’était le sauve-qui-peut. Ceux qui devaient partir ont précipité leur départ. On a parlé de blocus, de fermeture de l’aéroport. Tout à coup, les rues étaient désertes, les gens retenaient leur souffle. Les hôtels se sont vidés, des contrats ont été résiliés, il s’est même...

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