Rechercher
Rechercher

À La Une - Gaza

Le mouvement populaire égyptien Tamarrod inspire les Palestiniens opposés au Hamas

Plusieurs variantes palestiniennes du mouvement égyptien, qui a participé à la chute de Mohammed Morsi, pullulent sur le web. Sont-elles vraiment crédibles ?

Une manifestation pour l'unité nationale à Gaza le 15 mars 2011. Photo AFP.

La destitution du président Mohamed Morsi, le 3 juillet dernier, semble avoir donné des idées aux Palestiniens anti-Hamas.

 

Inspiré par le mouvement populaire égyptien Tamarrod, littéralement « rébellion », qui a largement contribué à la chute du président égyptien issu des Frères musulmans, un groupe d’opposants palestiniens au Hamas appelle à renverser le parti islamiste, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, dans une vidéo d’environ six minutes, publiée lundi 19 août sur la plateforme YouTube. On y voit quatre jeunes Palestiniens, le visage masqué, lisant un texte dans lequel ils dénoncent « la répression et la tyrannie » que subissent les habitants de la bande de Gaza sous la loi du Hamas depuis près de six ans. S’élevant contre ce qu’ils considèrent être un « gang médiéval », ces activistes masqués accusent les dirigeants de la bande de Gaza de torture, sabotage, contrebande et corruption.

 

 

 

 

Enhardi par l’éviction de Mohamed Morsi, puissant allié du Hamas au Moyen-Orient, le groupe d'opposants, baptisé « Tamrad Gaza 1 » et soutenu par plus de 38.000 sympathisants sur sa page Facebook, ne veut rien moins que sonner le glas du régime islamiste dans la bande de Gaza. « La répression et la tyrannie ont atteint un pic et nous ne pouvons plus rester silencieux », déclarent-ils dans leur message vidéo, regardé par plus de 23.000 internautes en l’espace de trois jours.

 

Dans la foulée, les opposants invitent les Palestiniens à manifester le 11 novembre prochain, une date qui n’est pas anodine puisqu’elle correspond au jour de la commémoration du décès de Yasser Arafat, premier président de l'Autorité palestinienne et chef de l'OLP. « Ceux qui portent les armes au nom de la résistance doivent arrêter de viser leur propre peuple, arrêter de les terroriser, de les trahir et de monnayer leur peine […] Nous sommes prêts à tout, sauf à utiliser des armes. Nous sommes différents de vous. Contrairement à vous, nous n’utilisons pas d’armes contre nos frères. Contrairement à vous, nous ne tuons pas d’enfants, de personnes âgées, de femmes et de jeunes. Contrairement à vous, nous ne détruisons pas de mosquées. Nous vous affronterons le torse nu », annoncent-ils.

 

Tamrad Gaza 1 n’est pas la seule page Facebook palestinienne à utiliser le label égyptien. Le mouvement populaire égyptien, qui est parvenu à unir sous une même bannière tous les opposants aux Frères musulmans, a fait plusieurs émules dans les Territoires occupés. On recense ainsi trois autres comptes Facebook palestiniens, empruntant le nom « Tamarod ». Tous soutiennent les mêmes revendications politiques : l’établissement d’une unité nationale durable en Palestine et la tenue d’élections générales dans les plus brefs délais.

 

Créée le 26 juin dernier, la page Facebook Tmrdgaza est celle qui compte le plus faible nombre d’adhérents avec quelque 700 personnes ayant « aimé » cette page. Ouvert le 5 juin dernier, le compte Facebook Tamard.pal enregistre plus de 6.000 sympathisants mais son profil Twitter est suivi par seulement 85 abonnés. Avec 21.000 supporters, la page Facebook TmrodFalesteen, créée le 2 juillet dernier, est la deuxième plus importante derrière Tamrad Gaza 1.

 

Pour le cofondateur de TmrodFalesteen, Mohammed Matter, qui milite sous le pseudonyme de Abu Yazan, si le mouvement s’inspire de Tamarrod, il puise ses racines dans l’élan populaire qui a soufflé sur  les Territoires occupés au printemps 2011.

Des dizaines de milliers de Palestiniens étaient alors descendus dans la rue pour demander « la fin de la division entre le Hamas et l’Autorité palestinienne », forçant les frères ennemis à renouer le dialogue. « On a repris le nom de Tamarrod parce que leur capacité à mobiliser autant d’Égyptiens, grâce notamment aux réseaux sociaux, est une source d’inspiration pour nous. Mais TmrodFalesteen est avant tout la continuité du mouvement du 15 mars 2011 », explique à Lorientlejour.com celui qui pilote le mouvement depuis l’Allemagne, où il a trouvé refuge depuis mars 2012. Étudiant en anglais, ce jeune militant Gazaoui affirme avoir été contraint de prendre la fuite à cause de son engagement anti-Hamas. « Après la marche du 15 mars, j’ai été interrogé plus de vingt fois par les services de sécurité du Hamas. J’ai aussi reçu des menaces. Je n’avais pas d’autre choix que de m’exiler », témoigne-t-il, ajoutant que « la semaine dernière encore, ils ont frappé à la porte de mes parents pour demander après moi ».

 

Avec TmrodFalesteen, Mohammed Matter veut renouveler « dans les prochains mois » l’expérience du 15 mars 2011, bien qu’il reconnaisse que le mouvement n’a pas obtenu le résultat escompté, les pourparlers entre les deux factions ennemies ayant été avortées. Et avec la crise politique égyptienne, les tensions entre le Hamas et le Fateh ne sont pas prêt de s’apaiser. Ce dernier soutient la destitution de Mohamed Morsi tandis que le Hamas condamne un coup d’État militaire.

 

De leurs côtés, les responsables du Hamas voient dans ces « Tamarrod » locaux la main du Fateh, toujours prêt, selon eux, à s’ingérer dans les affaires intérieures de la bande de Gaza. « Nous faisons face à des tentatives du Fateh de créer des tensions dans la bande de Gaza », déclare l’un des responsables du parti islamiste, cité par le quotidien israélien The Jerusalem Post dans son édition du 19 août 2013. « Notre mouvement, qui a chassé le Fateh hors de la bande de Gaza, ne tombera pas dans le piège de cette nouvelle conspiration », ajoute-t-il.

 

Faut-il croire en une « nouvelle conspiration » de la part du Fateh contre le Hamas ? Les Tamarrod palestiniens sont-ils aussi indépendants qu'ils le prétendent ? « Nous sommes un rassemblement de toutes les couleurs et affiliations », assure Mohammed Matter, qui dit ne s’être jamais engagé auprès d’un parti politique. « A quoi bon militer pour un parti, il sont tous corrompus en Palestine ! », lance-t-il.

 

Mais, pour Hazem Balousha, journaliste palestinien établi à Gaza, il ne fait aucun doute que les auteurs de la vidéo appelant à une manifestation anti-Hamas le 11 novembre prochain roulent pour le Fateh. « Leur rhétorique est typique de celle des militants anti-Hamas proches du Fateh », note Hazem Balousha, qui suit de près les mobilisations populaires dans la bande de Gaza. « C’est le bon moment pour le Fateh d’attaquer le Hamas, affaibli par la crise politique en Égypte et la chute de leur principal allié dans la région, les Frères musulmans », analyse ce contributeur au site Internet d’informations al-Monitor.

 

Le site d’information Electronic Intifada, qui a épluché les commentaires postés sur la page de Tamrad Gaza 1 ainsi que son compte Twitter, soupçonne également ces opposants d’utiliser les vieilles recettes de la propagande du Fateh contre le Hamas. A l’instar de ce Tweet publié le 14 juillet dernier, qui en accusant les Frères musulmans de complicité avec Israël s’en prend indirectement au Hamas, estime Electronic Intifada.

 

 

 

Autre exemple cité par le site Internet d'information : la diffusion d’une photo, dénichée sur un site web affilié au Fateh, assorti du commentaire suivant : « C’est comme cela que les milices du Hamas traitent avec la jeunesse de Gaza ».

 

 

 

Mais les soupçons ne pèsent pas seulement sur le groupe Tamrad Gaza 1. « C’est tout le mouvement Tamarrod palestinien qui est biaisé parce qu’une partie de ses membres sont ouvertement affiliés à certains partis politiques, notamment le Fateh », renchérit Hazem Balousha.

 

Ce dernier s’interroge aussi sur les intentions réelles de certains de ces militants. « Beaucoup veulent tirer la couverture à eux, être sous le feu des projecteurs. Ils pensent qu’en gagnant en visibilité, ils auront plus de chance d’aller à l’étranger », accuse le journaliste palestinien pour qui l’appel à la mobilisation lancé par Tamrad Gaza 1 devrait recevoir un faible écho. « Les habitants de la bande de Gaza ne vont pas faire confiance à quatre militants masqués. Si ces militants ont peur au point de se masquer, pourquoi la population prendrait-elle le risque de manifester à visage découvert ? », fait-il remarquer.

 

Quête de célébrité, propagande pour le Fateh, engagement politique indépendant… Difficile d'y voir clair dans les motivations réelles de ces Palestiniens, inspirés par le mouvement Tamarrod d’Égypte. Mais leurs activités en ligne montrent au moins une chose : la colère de la rue contre la gestion de la bande de Gaza par le Hamas et le manque d’unité nationale ne se sont pas dissipés, conclut Hazem Balousha.

 

 

Lire aussi

Le fondateur de Tamarrod veut libérer l’Égypte de « l’organisation fasciste des Frères musulmans »

 

Bahreïn interdit des manifestations inspirées par le Tamarrod

 

Le Hamas marche sur la corde raide dans le conflit syrien

 

 

 

 

La destitution du président Mohamed Morsi, le 3 juillet dernier, semble avoir donné des idées aux Palestiniens anti-Hamas.
 
Inspiré par le mouvement populaire égyptien Tamarrod, littéralement « rébellion », qui a largement contribué à la chute du président égyptien issu des Frères musulmans, un groupe d’opposants palestiniens au Hamas appelle à renverser le parti islamiste, au...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut