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À La Une - Droits de l’homme

March Lebanon se bat contre la censure

La marge de démocratie et de liberté au Liban se réduit progressivement au fur et à mesure que la censure gagne du terrain. Face à cette menace, l’ONG March sonne le signal d’alarme au nom d’une soif de liberté qu’on peut croire perdue.

Une des conférences organisées par March en présence du ministre Tarek Mitri.

Présidée par Léa Baroudi, l’ONG March a été fondée en 2011 pour faire face à la censure qui devient de plus en plus oppressante au Liban. Sous la bannière de la liberté d’expression, March redouble d’efforts chaque jour pour sensibiliser la population à l’importance de l’enjeu de sa mission, surtout après avoir constaté différentes manières d’interpréter cette liberté. Beaucoup de Libanais ont en effet tendance à ignorer certaines frontières destinées à limiter leur accès à la culture, réduisant ainsi leur rayon de savoir et par conséquent leur marge d’action. « Si on venait à demander aux Libanais s’ils sont en faveur de la liberté d’expression, il est évident que tous prétendront l’être. Ensuite, chacun viendra ajouter une légère condition en rapport avec cette liberté, en fonction de ses croyances et de ses convictions, et c’est en mettant toutes ces conditions ensemble qu’on se rendra compte que la liberté d’expression est loin d’exister dans ce cas », souligne Léa Baroudi.


Les différences ne sont pas toujours faciles à accepter, particulièrement dans le cas où 18 communautés se partageraient un territoire aussi petit que le Liban. Nombre de différences, face un une seule similitude qui se limite à une même nationalité. Aujourd’hui, March vient offrir aux Libanais un nouveau front sur lequel ils pourront se battre côte à côte pour un nouvel idéal commun, celui de la liberté et du droit de choisir.


La censure se fait à plusieurs niveaux au Liban et pour des raisons variées allant de la politique à la religion. Récemment, c’est le cas du magazine Monocle qui est tombé sous les feux des projecteurs. À son arrivée au Liban, dix pages du magazine portant sur Israël ont été déchirées. Jad Ghorayeb, cofondateur de l’organisation, explique qu’il n’y a moyen de se défendre contre ce genre de pratiques qu’en ayant un appui judiciaire digne de ce nom.
Le jeune homme souligne que les lois sur lesquelles se fonde la censure sont vagues, et manquent de clarté et de précision. « Au bureau de la censure, le responsable décide de ce qui sera censuré selon son propre jugement. Un jour viendra peut-être où ce dernier fera preuve de plus de bon sens et de tolérance, mais la question n’est pas là. C’est par des lois concrètes que devrait être régie l’activité de cet organisme. », explique Jad Ghorayeb.


Récemment, March a présenté au bureau de la censure une pièce de théâtre du nom de Bto2ta3 aw ma bto2ta3 (passera ou ne passera pas), écrite par Lucien Bou Rjeili, membre de son conseil consultatif. « Trois semaines plus tard, nous ignorons toujours si la pièce sera autorisée ou pas », relève l’auteur qui met l’accent sur les difficultés qu’il rencontre dans son quotidien d’artiste à cause de la censure. « Nous sommes strictement contre toute sorte de censure. Il est évident que tout ne doit pas être exposé à tout le monde. Nous sommes en faveur de la formation d’un comité qui regroupe nombre d’artistes d’intellectuels dont la responsabilité sera de mettre des limites d’âge pour les différents films, livres ou pièces qui devront être exposés. Ce n’est pas à un militaire que ce genre de choses devrait être confié. »


Dans sa lutte contre la censure, March adopte ainsi deux approches différentes. D’une part, c’est sur une sensibilisation de la société que travaille l’ONG, qui a créé le musée virtuel de la censure, où se trouve tout ce qui a été censuré au Liban, ainsi que la cause et l’organe derrière son interdiction. Dans cette même perspective, March a organisé « Share Beirut » en octobre 2012, où nombre d’artistes et d’activistes ont pris la parole après une exposition sur la censure au Liban, afin de partager leurs opinions sur le sujet.


D’autre part, c’est sur un projet de loi qui réduirait la censure que travaillent les membres de March. « Nous n’avons pas d’appui politique et judiciaire spécifique, mais nous comptons sur l’appui de certains députés prêts à effectuer les réformes nécessaires pour aider la société libanaise à évoluer », affirme Léa Baroudi. La jeune activiste met l’accent sur le fait que la censure « n’a jamais de fondement cohérent ». « Un livre peut être censuré pendant un certain temps, et quelques jours plus tard ne plus l’être sans aucune explication », s’indigne-t-elle. « Ce qui est aussi grave que la censure au Liban, c’est l’autocensure qui s’effectue à cause de certaines pressions auxquelles finissent par succomber les artistes ou certains propriétaires de librairie. Loin d’être prêts à assumer les pertes que pourrait engendrer leur persévérance à vouloir vendre certains ouvrages ou certains films, les commerçants deviennent sans le savoir des agents de premier choix pour la Sûreté générale », ajoute Léa Baroudi.


Les institutions religieuses ont également leur mot à dire sur le sujet et bénéficient d’une influence considérable sur le bureau de la censure. Dar el-Fatwa comme nombre d’autres institutions, dont le Centre catholique d’information, abusent de cette influence dans une optique politico-stratégique. L’ignorance du peuple est un atout de valeur pour tous ceux qui sont favorables à la censure. « L’important dans une société n’est pas de faire un choix, mais les raisons derrière ce choix. Chacun a le droit de savoir et de fonder son jugement en étant conscient des options qui s’offrent à lui », affirment en chœur les membres de March.


Avec l’Internet partout aujourd’hui et l’instantanéité de l’information, le monde est en mesure de surmonter la censure, qui ne demeure qu’une preuve médiocre du handicap social dont souffre le Liban. March lutte au nom de chaque Libanais qui aspire à la liberté d’expression, de l’art et de la culture, et au nom de chaque personne prête à se battre pour ces libertés. Pour March, chacun est libre de faire ses propres choix et d’exprimer ses idées comme il l’entend. Comme le dit Lea Baroudi, « en fin de compte, on ne peut pas forcer le respect, mais une fois libres, les hommes choisiront le respect par conviction. Il faut accepter les idées des autres. Au cas où elles divergeraient des nôtres, nous pouvons les mettre en cause, les combattre, mais nous ne pouvons sûrement pas chercher à les tuer ».

 

 

Pour mémoire

« L’Attentat » de Ziad Doueiri : Paris demande à Beyrouth de lever la censure


Un musée virtuel pour la censure libanaise, le clic de Rania Massoud

 

 

Présidée par Léa Baroudi, l’ONG March a été fondée en 2011 pour faire face à la censure qui devient de plus en plus oppressante au Liban. Sous la bannière de la liberté d’expression, March redouble d’efforts chaque jour pour sensibiliser la population à l’importance de l’enjeu de sa mission, surtout après avoir constaté différentes manières d’interpréter cette liberté....

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