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À La Une - En dents de scie

J’accuse

Mais cette lettre est longue,
Monsieur le Président, et il est temps de conclure.
Émile Zola

Vingt-huitième semaine de 2013.
Nous sommes tous lamentablement complices.
Roula Yaacoub avait 32 ans. Elle était mère de 5 petites filles. Elle a été tuée par son mari, Kamal Bazzi. Elle a été battue à mort devant ses enfants. Les deux aînées étaient, elles aussi, régulièrement frappées par leur père.
J’accuse les voisins et les amis de la victime de ne jamais avoir appelé la police. De n’être jamais intervenus.
J’accuse les parents de l’assassin et toute sa famille de ne jamais avoir essayé de protéger leur belle-fille, leur belle-sœur. La mère de leurs petites-filles, de leurs nièces.
J’accuse les parents de la victime de s’être également tus pendant toutes ces années au cours desquelles leur fille, très probablement, essayait de cacher ses hématomes, tous ses bleus, toutes ses larmes.
J’accuse le ministre sortant de la Justice Chakib Cortbaoui, pourtant toujours si prompt à s’enflammer pour les droits de tous, d’avoir traité ce fait (tout sauf) divers comme n’importe quel autre.
J’accuse le ministre sortant des Affaires sociales Waël Bou Faour, pourtant le meilleur depuis la création de ce portefeuille, de ne pas être monté à tous les créneaux, pour que, dans la mesure du possible, plus jamais ça.
J’accuse Wafa’ Sleiman, Randa Berry, May Mikati et même Lama Salam d’avoir honteusement gardé le silence.
J’accuse ces ONG, ces associations de défense de la femme, Nasawiyya en tête bien sûr, de dépenser une énergie folle à jeter des tomates sur les très médiatiques voitures des députés plutôt qu’à remuer cieux et terres, c’est certes moins glam, pour que des Roula Yaacoub, il n’y en ait justement plus jamais.
J’accuse ces députés autoprorogés de n’avoir jamais été foutus de voter quoi que ce soit d’intelligent, que dire alors d’une loi contre la violence domestique ; de n’avoir jamais pu, à défaut de faire évoluer la politique et la société vers le beau et le bon, sortir le Liban, ne fût-ce qu’un minimum syndical, de ce Moyen Âge sinistre dans lequel, schizophrène comme jamais, il s’entête à s’engluer.
J’accuse deux d’entre eux, Khaled Daher et Riad Rahhal, d’avoir voulu libérer l’assassin – à leur risible décharge, leurs 126 (ou presque) collègues auraient fait/font la même chose dans leurs cazas. Ils devraient le rejoindre en prison.
J’accuse ce pays d’être ce qu’il est ; ce fantôme d’État de laisser s’empiler, jour après jour, les cadavres de mille et une Roula Yaacoub.
J’accuse les mères libanaises de toujours vouloir, consciemment ou pas, élever leurs fils comme s’ils étaient au-dessus des lois, comme s’ils valaient nettement plus que leurs sœurs. Comme si tout n’était et ne sera, pour eux, qu’impunité. Des antar, de pathétiques toreros de salons.
J’accuse les hommes libanais d’oublier qu’ils ont des sœurs, des mères, des filles; de ne pas savoir museler, brider, étouffer cette part de Kamal Bazzi qu’il y a en chacun de nous.
Je nous accuse.
Nous sommes tous lamentablement complices. Comme à chaque fois.
Mais cette lettre est longue, Monsieur le Président, et il est temps de conclure.Émile Zola Vingt-huitième semaine de 2013.Nous sommes tous lamentablement complices. Roula Yaacoub avait 32 ans. Elle était mère de 5 petites filles. Elle a été tuée par son mari, Kamal Bazzi. Elle a été battue à mort devant ses enfants. Les deux aînées étaient, elles aussi, régulièrement frappées...

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