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À La Une - France

Mariage gay : Chawki Azouri met les Français sur le divan

« Ce que craignent les gens de droite, c’est la contagion par l’homosexualité de leurs convictions maritales »

Le 23 octobre 2012, Julia et Auriane faisaient le buzz en s'embrassant en pleine rue à Marseille, dans le sud de la France, lors d'une manifestation anti-mariage gay. Gérard Julien/AFP

On ne saura jamais qui a vraiment fait quoi. Et dans quelles proportions. Une chose est sûre pourtant : l’UMP (flanquée presque honteuse du Front national) s’est jetée comme la misère sur le peuple sur les manifestations antimariage pour tous. Y voyant, intelligemment cela dit, un levier de pression particulièrement efficace, puisque détourné, contre François Hollande, son gouvernement et sa politique. Surtout que le vote de la loi Taubira coïncide (il n’y a pas de hasards...) avec l’engluement très Charybde et Scylla du locataire de l’Élysée dans cent et un scandales. Dans cent et une crises. Dans des sondages abyssaux, aussi...


En réalité, savoir à quel point les manifestants antimariage pour tous ont été instrumentalisés et leurs revendications politisées ne changerait rien à la donne. Ne changerait rien à un constat, une évidence assez inquiétants : rarement un sujet aura à ce point divisé un pays pourtant connu dans le monde entier pour son obsession des mots en té : liberté, égalité, fraternité, etc. Une division qui ressemble parfois à une véritable fracture : l’homophobie, ou du moins ses manifestations publiques, visibles, ont décuplé en France.


François Hollande doit être réellement soulagé de la fin de ce ramdam plus mélo turc que tragi-comédie shakespearienne et qui faisait se gausser beaucoup d’Européens, jamais avares quand il s’agit de critiquer les Français, de se moquer d’eux. Des 60 clauses de son contrat nuptial avec ses compatriotes, le président doit sans doute être fier du n° 31, qui lui aura permis de vivre à fond son quart d’heure mitterrandien. Sauf que ce même président serait fort embêté, au bout de son mandant, s’il ne réussissait que ce point-là. Et que tout le reste de ses promesses aille se fracasser contre les murs (de la conjoncture, de l’incompétence de tel ou telle, de la mauvaise volonté des citoyens, etc.)...


Il n’en reste pas moins qu’à cause de cette loi (ou grâce à cette loi, peut-être...), le clivage des Français a été recraché au grand jour. Dans toute sa crudité, son indignité et, souvent, son horreur.
Psychanalyste et psychiatre franco-libanais dont plus personne ou presque n’ignore la maestria chirurgicale à placer le bon mot (ou la bonne phrase) au bon endroit et au bon moment, Chawki Azouri connaît très bien la France. Et les Français. Il a répondu aux questions de L’Orient-Le Jour, succinctement mais avec une force d’impact météorique. La preuve par 9...

L’OLJ : Comment expliquer cette férocité, cette détermination des Français antimariage pour tous ? Cette opposition est différente de toutes celles que les pays européens qui ont légalisé le mariage gay ont connues, à commencer par l’Espagne, pourtant bien plus catholique que la France...
C.A. : Ce n’est pas le catholicisme qui est en jeu en France, mais paradoxalement l’esprit révolutionnaire. Non pas que ce sont les gens de gauche qui sont contre, au contraire : c’est la gauche qui a fait passer la loi ; mais plutôt un esprit révolutionnaire qui ne veut pas que les homosexuels, marginaux de fait, soient désireux de se ranger – le mariage étant par excellence un signe de normalité sociale. Ce que craignent les gens de droite, c’est la contagion par l’homosexualité de leurs convictions maritales.

 

Y a-t-il des relents de guerre civile (morale, psychologique, de valeurs...) ?
On peut comparer cela à une guerre civile, en témoigne l’empoignade des manifestations pour et anti. C’est une question de valeurs en premier, morale ensuite et enfin psychologique.
Certains se battent pour des questions de valeurs : ceux qui sont embrigadés dans l’idée que le mariage est un sacrement. D’autres se battent pour une question de morale : ceux qui par exemple condamnent l’homosexualité comme étant « contre nature ». Enfin ceux qui se battent pour des questions pseudo-psychologiques, soit ceux qui s’appuient par exemple sur l’identification : comment vont s’identifier le garçon et la fille s’ils ont deux parents du même sexe.
La réponse est simple. Dans un couple, c’est la fonction qui est déterminante pour les identifications, non pas l’anatomie. Par exemple, la fonction de mère n’est pas nécessairement à remplir par la femme, de même la fonction paternelle n’est pas nécessairement à remplir par l’homme.

En quoi le mariage gay serait-il une menace pour les hétérosexuels ? Y a-t-il de la peur ? Qu’est-ce qui justifie le retour tonitruant de paroles et surtout d’actes homophobes ? Y avait-il une homophobie d’État que cette loi a dynamitée ?
Il n’y a aucune différence quant aux valeurs entre l’hétérosexuel(le) et l’homosexuel(le). C’est une projection maladive de la part des hétérosexuels homophobes qui se vantent d’avoir des valeurs que l’homosexuel(le) n’aurait pas. L’homosexualité est présente en nous depuis le début de l’humanité sur le plan phylogénétique et sur le plan ontologique depuis la découverte de la différence des sexes. L’horreur de la différence des sexes est commune à tous vers l’âge de trois/quatre ans. Elle sera dépassée progressivement jusqu’à l’acceptation de la différence. C’est surtout l’absence de pénis chez la fille qui horrifie autant le petit garçon que la petite fille.
À partir de là, les enfants se rabattent sur leur propre sexe comme valeur narcissique. Ceux qui restent dans cette position auront tendance à choisir inconsciemment un partenaire du même sexe. Il n’y a aucune anormalité sur ce point, sauf chez ceux qui veulent combattre cela en étant homophobe. Leur homophobie est en fait une défense contre leur homosexualité inconsciente.
Quant à l’homophobie d’État, elle ressemble à toute discrimination que la société génère contre tout genre de marginalité. Oui, cette loi l’a dynamitée.

C’est « liberté, égalité, fraternité » vs mariage gay ?
Non, je dirais « liberté, égalité, fraternité » et mariage gay.

Quid de l’adoption ? Des familles homoparentales ?
Si on distinguait amour et sexe, je ne vois pas pourquoi la religion, l’État ou toute autre structure sociale condamnerait la famille homoparentale. Je ne vois pas pourquoi non plus on ne laisserait pas s’unir deux personnes qui s’aiment et qui sont du même sexe. En 1995, l’archevêque de Canterbury défendait les homosexuels en disant que deux personnes qui s’aiment sur terre, quel que soit leur sexe, « expérimentent ici-bas ce que sera leur jouissance céleste lorsqu’ils seront auprès de Dieu ».

On ne saura jamais qui a vraiment fait quoi. Et dans quelles proportions. Une chose est sûre pourtant : l’UMP (flanquée presque honteuse du Front national) s’est jetée comme la misère sur le peuple sur les manifestations antimariage pour tous. Y voyant, intelligemment cela dit, un levier de pression particulièrement efficace, puisque détourné, contre François Hollande, son...

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